7. 2 La chute de Leontes

Leontes, comme Caïn, est coupable d’être l’initiateur de la mort. Dans cet "Eden" évoqué par l’amitié passée des deux rois, c’est Léontes qui, jaloux de sa femme et par conséquent de Polixenes, introduit le visage de la mort. L’amitié entre les deux rois est quelque peu ternie par la rivalité sous-jacente qu’ils déploient au niveau de l’hospitalité et de l’amour proféré au fils. Inéluctablement la jalousie éclate entre les deux monarques et se cristallise autour d’Hermione en état de grossesse (1. 2. 157-158). L’alternance ordre-désordre de la fameuse harmonie des sphères revêtait une grande importance à l’époque de la renaissance — la chasteté dans le mariage avait des répercussions sur l’héritage. La grossesse d’Hermione, ce signe suprême de la bénédiction céleste, symbole de la fertilité, garant de la continuité, est accueillie par les sarcasmes grotesques de Leontes. Lorsqu’il refuse de croire en l’innocence d’Hermione, proclamée par l’Oracle, il s’en prend à la fonction vitale de la race et commet un crime non seulement contre la fidélité et l’amour, mais aussi contre la création. Il déclenche la colère d’Apollon qui se traduit par la mort de son héritier Maximillius et par l’amorce d’une longue pénitence. Durant seize ans il se soumet à l’agent de l’oracle de Delphes, Paulina, qui surveille le parcours du pénitent, épreuve semblable à celle de Marsyas , "mort vive" qui conduit à dépouiller l’homme de sa laideur extérieure afin de dévoiler une clarté intérieure 602 . Paulina orchestre les dernières réunions de l’acte 5 : Leontes devient l’"ami" (5.1-231) de l’amour naissant de la nouvelle génération, un refuge pour les enfants et non plus une menace. Cette bienveillance contraste fortement avec l’attitude de Pandosto du roman de Greene qui menace de violer la jeune fille, sa progéniture non reconnue, de l’exécuter et d’emprisonner son amant. Shakespeare suit la voie tracée par Giraldi Cinthio et sa tragedia di fin lieto, en apportant toutefois des variations et en imprimant une autre dimension dramatique au tyran .

Notes
602.

L’histoire de Marsyas est conté par Ovide dans Les Métamorphoses ; voir Ovide, Métamorphoses, Book VI, 385-415.