Leontes possède par moments les traits du tyran sénéquien, exhibant un "furor" hyperbolique qui se convertit en contrition sincère, transformant ainsi une tragédie initiale en une comédie festive. Les tortures que la jalousie fait subir à Leontes s’expriment dans une gamme étonnante de nuances rehaussée d’images sexuelles violentes propres à évoquer toute sa férocité et son dégoût. Le langage imprégné de connotations charnelles donnent forme à sa déraison :
‘Is whispering nothing ?Leontes, comme le spectateur, est conscient du monde hallucinant dans lequel sa passion le transporte, passion qui frise une caricature d’elle-même. Dans un moment d’introspection le personnage analyse le cheminement de son esprit :
‘Affection 603 ! Thy intention stabs the centerCe terme 'affection' qui apparaît fréquemment dans la prose de Sénèque , est également copieusement illustré par ses héros. Leontes reconnaît que l’intensité de cette perturbation empoisonne son cerveau et endurcit son cœur. Sa passion se nourrit de fantaisies et de songes et au lieu de la dompter il transfère son propre désir inavouable sur sa femme en l’assimilant à Eve. Dans ce contexte, Shakespeare met en scène le tyran sénéquien stéréotypé en s’inspirant du dialogue du domina-nutrix. Camillo tente de réfréner la passion meurtrière de Leontes lorsque ce dernier raille la soi-disant infidélité de sa femme.
‘CAMILLOMais le tyran sénéquien n’a pas coutume d’écouter autrui et devient au contraire incontrôlable 604 . Tel est le cas de Leontes qui refuse de prêter attention à une autre voix, qu’elle soit de nature humaine ou divine. Son hubris le pousse au paroxysme et il dément la vérité prononcée par l’Oracle de Delphes. A l’annonce de la mort de son fils Maximillius, il est immédiatement frappé de remords (3. 2. 146-147) ; contrairement au tyran sénéquien qui ne se repent jamais aussi rapidement — le revirement a lieu en général vers le cinquième acte de la pièce — Shakespeare amorce déjà le processus d’expiation et de réconciliation au troisième acte.
"Affection" signifie "affectio" une perturbation, une passion.
Cette convention est ainsi réutilisée et modulé dans le dialogue entre Antigonus (2.1) et Paulina (2.3) personnages qui ne figurent pas dans le Pandosto de Greene mais qui servent ici le dessein tragi-comique.