Leontes attire notre sympathie, notamment lorsque Shakespeare le présente comme un personnage auto-réflexif qui commente ses propres actions et dévoile la duplicité de sa situation et l'instabilité de son identité. Il passe d'une perspective à l'autre, du persona au spectateur d'où il surveille son rôle. Il montre sa faiblesse de caractère lorsqu'il est pris par le doute (3. 2. 1-6) et lorsqu'il s'inquiète de l'image qu'il donne au public, à l'Autre : il s’irrite lorsque Paulina le désigne comme le tyran (2. 3. 123-124) et l'idée d'être cocu le blesse :
‘LEONTESLeontes se voit prédéterminé à jouer le rôle de cocu, et se réfugie dans la sagesse proverbiale, I am not the first and shall not be the last. Il est plutôt attendrissant dans cette attitude. Shakespeare manipule le spectateur en jouant sur sa réaction émotionnelle qui est maintenue en équilibre ici entre empathie et distanciation. En tempérant le tragique avec le comique, Shakespeare s’efforce d'octroyer un degré de sympathie à Leontes afin de justifier son rachat aux yeux du spectateur. Les réconciliations teintées de comique sont intégrées plus intrinsèquement dans les représentations quasi tragiques des pièces tardives. Le personnage auto-réflexif laisse entrevoir la présence de pouvoirs providentiels bénéfiques à l'œuvre pour contrer les erreurs commises.
La scène 3 de l'acte 2 introduit un élément de farce au cœur de la "tragédie ". Paulina tient le rôle de la mégère qui domine sa victime accablée, comme dans la farce médiévale qui satirise la flagellation verbale de maris soumis à des femmes de caractère :
‘LEONTES [to ANTIGONUS]La scène se termine sur un contraste violent illustré par la condamnation du nouveau-né, dont la sévérité est certes tempérée à la dernière minute. Le sort de l'enfant est confié aux caprices de la Fortune et non pas aux flammes du bûcher (2. 3. 175-180). L'audace qu’affiche le roi en condamnant sa femme et son enfant avant de recevoir la réponse de l'Oracle dénote son orgueil impardonnable à vouloir définir la sentence à la place du Divin. La vie d'Hermione "stands in the level of [his] dreams" (3. 2. 79). Les rêves dont Leontes est habité sont le fruit de son imaginaire qui, infecté par l’arrogance, engendre de fausses transcendances qui limitent sa vision. L'effet de distanciation est suscité et la salle est amenée à condamner l'audace d'un roi qui lance un défi aux cieux. C’est alors que le visage de la mort entre en scène : le tyran reconnaît sa faute et, réduit à l'état de marionnette, se laisse guider par Paulina sur la voie de la rédemption et de la vision céleste qui ouvre sur la beauté intérieure :
‘LEONTESL'homme qui "Dwelt by a churchya0rd" (2. 1. 33) du conte triste que Mamillius ne finit jamais est identifié ici. Même si l'univers de Leontes nous paraît clos, refermé sur lui-même, le conte d'hiver qui l'enchâsse dans cette pièce est connoté de la promesse d'un surcroît de merveilleux pour l'avenir. La tombe qu'il se creuse à proximité du cimetière est symbolique de la matrice-terre 605 qui, pendant la période d'hiver, est en gestation du printemps.
Chevallier et Gheerbrant, "Dictionnaire des symboles", p. 952-953.