1.3. Les propriétés phonologiques et morphologiques

Lorsqu'un constituant nominal subit le processus d'incorporation, il fait corps avec le verbe, ce qui veut dire qu'il est soumis à des règles phonologiques qui régissent le verbe. Si la langue en question possède le phénomène d'harmonie vocalique, le constituant incorporé peut être soumis à l'harmonie selon l'environnement verbal. Ainsi, en tchouktche, langue paléo-sibérienne, le substantif kupre (filet) subit l'harmonie vocalique en s'incorporant et devient kopra-:

(1-12) tumg-e kupre-n nantevat-g'an
(amis-INST / filet-ABS / mettre-3pl3sg)
Les amis ont posé le filet.
(1-13) tumg-et kopra-ntevat-g'at
(amis-ABS / filet-poser-3pl)
Les amis ont posé un (des) filet(s).
(Comrie 1981:248-50)

De même, il peut y avoir des changements morphologiques subis par le constituant nominal incorporé. Le plus courant d'entre eux, c'est le fait que le substantif peut perdre des segments initiaux et/ou finaux lors de l'incorporation, ce qui est, par exemple, le cas du substantif nahuatl qui perd son suffixe nominal -tl, ou encore le cas du so:ra où e'jo:n (poisson) s'incorpore sous forme de -jo:- (Mardirussian 1975: 383-4) :

(1-14) (amin) nam-jo:-t-e-n
((lui) / prendre-poisson-fait)
Il pêche des poissons.

Donc le substantif perd une partie des morphèmes qu'il comporte lorsqu'il est autonome pour s'intégrer au verbe, et souvent il se place entre les morphèmes aspectuels et les indices (d'objet et de sujet) présents au niveau du verbe, ce qui veut dire que l'incorporation d'un substantif peut s'accompagner des changements morphologiques. En ce qui concerne le verbe, nous n'avons pas observé de cas où il serait soumis à des changements morphologiques, ce qui veut dire que c'est en fait l'élément incorporé qui s'adapte aux exigences de l'élément incorporant.