2. La composition objet-verbe

2.1. La définition

Dans une phrase, il peut y avoir en gros trois types de relations entre l'objet et le verbe: l'objet peut être un argument à part entière du verbe, ce qui veut dire qu'il est une entité syntaxiquement autonome, auquel cas selon la langue considérée, il possède des propriétés morphologiques et syntaxiques propres à l'argument objet de cette langue. Dans le cas opposé, l'entité qui aurait pu être l'objet de la phrase n'a pas d'existence syntaxique propre, auquel cas il s'amalgame au verbe de la phrase et constitue ce qu'on a vu précédemment, c'est-à-dire l'objet incorporé. Il existe un cas intermédiaire qui nous intéresse plus particulièrement: il s'agit de la relation qu'il peut y avoir entre un objet non incorporé qui n'est pas tout à fait autonome par rapport au verbe de la phrase: morphologiquement il est distinct du verbe alors que syntaxiquement il montre à la fois certaines caractéristiques d'un argument autonome, et certaines caractéristiques d'un élément fortement lié au verbe. C'est cette relation que nous appelons la composition et que nous allons étudier maintenant.

La composition, qui s'observe dans des langues de familles linguistiques différentes, est le résultat d'un changement au niveau du statut syntaxique de l'objet: pour des raisons qui seront étudiées plus bas, l'objet perd certaines de ses caractéristiques qui en faisaient un argument du verbe.

Il existe plusieurs phénomènes qui doivent être considérés comme faisant partie d'un ensemble de principes basé sur la relation particulière existant entre le constituant objet et le verbe (cf. l'introduction). Parmi ces phénomènes, il y en a deux auxquels nous allons nous intéresser ici. En premier lieu, nous étudierons la différence qui peut exister, dans une langue, entre l'objet marqué et l'objet non marqué. Cette différence est souvent en relation avec ce que Bossong a appelé le "marquage différentiel de l'objet" 21 . En effet, chaque langue qui procède à la composition verbe-objet doit faire la différence entre l'objet autonome et l'objet non autonome, et souvent cette différence est faite au niveau de l'objet même, en éliminant la possibilité pour celui-ci d'être le noyau d'un syntagme nominal. La manifestation la plus répandue de la non autonomie de l'objet vient de l'absence des morphèmes qui lui sont habituellement associés et qui signalent son statut dans la phrase en tant qu'argument du verbe, comme par exemple le morphème de l'accusatif ou les pré- ou postpositions. C'est la présence ou l'absence de telles marques qui constitue le fond du marquage différentiel de l'objet. En deuxième lieu, il existe dans certaines langues, ce qu'on appelle des "light verbs". Il s'agit des verbes aptes à entrer en relation de composition avec leurs objets.

Notes
21.

Cité par G. Lazard 1994: 175.