2.2.2. Les facteurs pragmatiques

A côté des raisons sémantiques qui causent un marquage différentiel de l'objet, il existe des facteurs pragmatiques qui concernent notamment le statut des constituants à l'égard de la division de la phrase en thème/rhème. G. Lazard montre que, dans un certain nombre des langues qui appliquent un marquage différentiel de l'objet, un objet même indéfini et non humain est marqué lorsqu'il est thématisé (op. cit., p. 209). L'exemple vient du persan:

(2-17) arabi baladi? ... torki râ baladi?
(arabe / tu sais / turc / POST / tu sais)
Sais-tu l'arabe? ... et le turc, le sais-tu?
(Lazard 1982:189)

Dans cette phrase, torki est non seulement l'objet de la phrase, mais aussi il en est le thème. Selon G. Lazard, la présence du morphème est liée au statut thématique du constituant nominal qui le précède (Ibid.).

Le marquage différentiel de l'objet, dont les facteurs viennent d'être exposés brièvement, conduit à des changements syntaxiques. Un objet non marqué n'a pas les mêmes propriétés qu'un objet marqué. Toutes les différences découlent du fait que l'objet non marqué perd une grande partie de son autonomie par rapport au verbe. Nous allons voir plus loin quelles sont précisément les propriétés d'un objet non marqué, mais il faut noter dès à présent que dans la plupart des langues, quel que soit l'ordre des constituants dans une phrase, l'objet non marqué tend souvent à se mettre juste à côté du verbe et il ne peut pas être déplacé. Ce phénomène se produit parce que l'objet n'étant plus tout à fait autonome, il est satellisé par le verbe, et c'est ce même phénomène qui est à l'origine d'une relation de composition entre l'objet et le verbe.