3.5. Le verbe

3.5.1. La morphologie

Morphologiquement, le verbe est le mot le plus complexe de la langue persane, non seulement parce qu'il est conjugué toujours selon la personne et le nombre, mais aussi parce qu'il peut être accompagné des morphèmes aspectuels et modaux, du morphème de la négation, et éventuellement de l'indice d'objet si le verbe est transitif ou encore du morphème d'infinitif. Chaque verbe a deux racines qui sont appelées des radicaux (Lazard 1957: 125). Le premier, le radical 1, sert à former le présent de l'indicatif, l'infinitif des verbes réguliers, le présent du subjonctif et l'impératif; le deuxième -le radical 2- sert à former le passé simple, l'infinitif de tous les verbes, l'imparfait et le participe passé:

(3-37) xor-dan / ne-mi-xor-am / be-xor-aš / xord
(radical 1-INF / NEG-ASP-radical 1-IS 1sg / ASP-radical 1-IO 3sg / radical 2-IS 3sg)
Manger / je ne mange pas / mange-le! / il mangea

(Les autres formes se constituent à l'aide des auxiliaires astan et budan (être):

Une des formes de verbe est ce qu'on appelle "l'infinitif apocopé". En effet le persan possède deux types d'infinitif: le plein, c'est celui que nous venons de voir, et l'apocopé, qui est morphologiquement identique au radical 2 du verbe. Ce deuxième infinitif est employé après les verbes impersonnels et sert à former le futur (Ibid.):

(3-39) mi-tavân u râ az xâne birun kešid
(peut (impersonnel) / lui / POST / de / maison / dehors / tirer (infinitif apocopé))
On peut le tirer hors de chez lui.
(3-40) xâh-am xord
(AUX-IS 1sg / manger (infinitif apocopé))
Je mangerai

Une des particularités du persan est l'existence de deux grands groupes de verbe: les verbes simples et les verbes composés. Le verbe simple est constitué d'un lexème verbal unique qui exprime le sens d'un procès à lui seul:

(3-41) goftan / sâxtan / xaridan
dire / construire / acheter

Le verbe simple peut parfois être accompagné d'un élément préverbal qui, soit n'existe qu'en composition avec le verbe, soit est de nature prépositionnelle ou adverbiale:

(3-42) dar asar-e tekân-hâ-ye zelzele sâxtemân foru-rixt
(dans / effet-EZ / mouvement-pl-EZ / tremblement de terre / bâtiment / s'écroula)
Le bâtiment s'écroula sous l'effet des mouvements du tremblement de terre.
(3-43) pedar-aš ba'd az in tasâdof dar-gozašt
(père-I.3sg / après / de / ce / accident / mourut)
Son père mourut après cet accident.

Dans ces exemples, les préverbes sont foru- et dar-. Synchroniquement, le premier n'existe qu'en association avec les verbes, le deuxième est aussi une préposition.

Le nombre des verbes simples est très réduit. De ce fait, pour exprimer des procès ne possédant pas de lexème propre, on emploie des verbes dits "composés", formés d'un verbe précédé d'un adjectif ou d'un substantif. Dans de telles constructions, le verbe a un sens assez large et général, c'est l'élément adjectival ou nominal qui apporte un sens précis à l'ensemble. Le lexème verbal, lui, sert de support pour les morphèmes verbaux comme celui de personne, d'aspect, de mode, etc.. Le sens de la construction dépend donc essentiellement de l'élément non verbal. En voici quelques exemples:

(3-44) vaqti dar xiâbân rah miraftam morattab be in mas'ale fekr mikardam
(quand / dans / rue / chemin / j'allais / régulièrement / à / ce / problème / pensée / je faisais)
Lorsque je marchais dans la rue je n'arrêtais pas de penser à ce problème.
(3-45) abr-hâ nâgahân âsemân râ pušândand va havâ râ târik kardand
(nuage-pl /soudainement / ciel / POST / couvrirent / et / air / POST / sombre / firent)
Les nuages envahirent soudainement le ciel et assombrirent le temps.

Les trois composés râh raftan, fekr kardan et târik kardan sont des verbes composés respectivement à élément substantival (pour les deux premiers) et adjectival. Etant donné que nous allons revenir longuement sur les verbes composés plus loin, ici nous nous contentons de ces quelques exemples.