3.7.4. Les interrogatifs

Dans la grammaire traditionnelle persane, les interrogatifs n'ont pas une place à part. Selon certains grammairiens, les interrogatifs font partie des "adjectifs interrogatifs" mais ils peuvent être employés comme des substantifs (Zamanian 1988:62), selon d'autres il s'agit des "pronoms interrogatifs" (Shariat 1992:248-9). En effet, certains interrogatifs peuvent servir à la fois comme pronom et comme adjectif (Lazard 1957:115):

(3-122) ce šode ast?
(quoi / est devenu)
Que s'est-il passé?
(3-123) ce ketâbi?
Quel livre?

C'est probablement à cause de cette double fonction que la catégorisation des interrogatifs pose quelques problèmes aux grammairiens.

Les interrogatifs du persan sont les suivants: ki (qui) et son équivalent littéraire ke, qui s'emploient pour les personnes; ci (quoi) et son équivalent littéraire ce, qui s'emploient pour les choses; kodum (lequel) et son équivalent littéraire et standard kodâm, qui peuvent aussi être employés comme adjectif (quel); cand (combien, combien de) et finalement kojâ (où) (Lazard 1957:114-7).

En persan standard, la présence d'un interrogatif comme ki ou ci n'a pas d'incidence sur l'ordre linéaire des constituants de la phrase:

(3-124) âraš ketâb râ be ali dâd
(Arash / livre / POST / à / Ali / il donna)
Arash à donné le livre à Ali.
(3-125) ki ketâb râ be ali dâd?
Qui a donné le livre à Ali?
(3-126) âraš ce râ be ali dâd?
Qu'est-ce qu'Arash a donné à Ali?
(3-127) âraš ketâb râ be ki dâd?
A qui Arash a donné le livre?

Dans la langue parlée on peut changer l'ordre des constituants de la phrase. Par exemple, au lieu des phrases précédemment citées, on peut avoir respectivement:

(3-128) a. ketâb o be ali ki dâd?
b. ketâb o ki be ali dâd?
Qui a donné le livre à Ali?
(3-19) a. ci ro âraš be ali dâd?
b. âraš be ali ci dâd?
Qu'est-ce qu'Arash a donné à Ali?
(3-130) a. be ki âraš ketâb dâd?
b. âraš be ki ketâb dâd?
A qui Arash a donné un livre?

Nous pouvons aussi avoir:

(3-131) ki ro araš beheš ketâb dâd?

On peut néanmoins remarquer que dans certaines phrases lorsqu'on change l'ordre des constituants, la postposition disparaît. C'est en effet parce qu'en changeant l'ordre des constituants de la phrase, un substantif ou un interrogatif suivi de ne nous paraît pas acceptable:

(3-132) ?âraš be ali ci ro dâd?
?be ki âraš ketâb o dâd?

Ceci nous amène à nous intéresser plus particulièrement au comportement de l'interrogatif en fonction d'objet. Nous venons de voir ce qui se passe lorsque l'objet est suivi de . Qu'en est-il de l'objet sans ? L'interrogatif peut fonctionner comme objet générique (aussi la phrase 5-25) ou comme objet indéfini:

(3-133) ali ketâb mixânad
(Ali / livre / il lit)
Ali lit un livre.
(3-134) ali ce mixânad?
Qu'est-ce qu'Ali lit?
(3-135) ali yek miz xarid
(Ali / un / table / il acheta)
Ali a acheté une table.
(3-136) ali ce xarid?
Qu'est-ce qu'Ali a acheté?

En règle générale, l'objet partiellement satellisé ou le substantif presque totalement satellisé par le verbe ne peuvent pas être soumis à l'interrogation:

(3-137) ali be âraš javâb nadâd
(Ali / à / Arash / réponse / ne donna pas)
Ali n'a pas répondu à Arash.
(3-138) *ali be âraš ci nadâd? 53

Dans certains cas, l'interrogatif peut apparaître en fonction d'objet partiellement satellisé:

(3-139) ali ce mikonad?
(Ali / quoi / il fait)
Qu'est-ce qu'Ali fait?

Néanmoins il faut signaler que ce type de phrase est très rarement employé. C'est pour cette raison que nous préférons dire qu'en règle générale l'interrogatif ne peut pas fonctionner comme l'objet partiellement satellisé. Lorsque l'objet (ou plutôt le substantif) est totalement satellisé, l'emploi de l'interrogatif est exclu:

(3-140) ali asb râ zin kard
(Ali / cheval / POST / selle / il fit)
Ali a sellé le cheval.
(3-141) *ali asb râ ce kard?

Lorsque l'interrogation porte sur le verbe, qu'il soit simple, accompagné d'un objet générique ou composé, il y a deux façons de faire. Dans la langue standard et littéraire, on emploie l'interrogatif ce et le verbe kardan (faire):

(3-142) ali mixâbad / zarf mišuyad / asb (râ) zin mikonad
Ali / dort / fait la vaisselle / selle le/un cheval
(3-143) ali ce mikonad?
Que fait Ali?

Dans la langue parlée, on a recours à ce, mais avec le verbe kâr kardan (faire quelque chose). Pour les phrases précédentes, on aura l'interrogation suivante:

(3-144) ali ce kâr mikonad?
Qu'est-ce qu'Ali fait?

Notes
53.

Cette phrase est acceptable si le verbe est employé avec son sens plein.