4.1.2. Le moyen perse

En moyen perse ou pehlvi (du quatrième siècle avant J.C. au neuvième siècle J.C. 54 ), la morphologie du verbe s'est simplifiée. Le verbe n'avait plus que deux thèmes: le présent et le passé (tout comme le persan actuel, qui construit ses formes verbales sur deux radicaux). Il y avait plusieurs groupes d'indices, pour les formes indicatif, subjonctif, optatif, etc. Certaines formes verbales de cette époque se construisaient avec des verbes auxiliaires comme -h (racine du verbe être), estâdan (être debout), etc.; d'autres formes avaient des morphèmes d'aspect comme le duratif hame ou le factitif -en- (ces deux morphèmes existent encore en persan sous forme de mi- et -ân-) (Amuzgar et Taffazoli 1994, pp. 64-8). En somme, on peut dire que la morphologie verbale du moyen perse s'apparente beaucoup à la morphologie du verbe du persan moderne.

(4-7) ween-eem / ween-aan
(thème du présent-indice du 1sg pour l'indicatif) / (thème du présent-indice du 1sg pour le subjonctif)
je voie / (Que) je vois
(4-9) raft esteed
(thème du passé / le présent de "être debout", 2pl)
Je suis allé.
(Ibid.)

Une des particularités du verbe pehlvi est l'existence des "dénominatifs": il s'agit des substantifs, adjectifs, adverbes ou même des prépositions qui, par l'emploi du morphème -een-, se transforment en thème du présent et peuvent donc servir comme verbe. Il semble que ce procédé était très employé en pehlvi pour construire des verbes:

(4-10) rawaag-een-eed
(usage-morphème dénominatif-IS 3sg)
Il met en usage.
(4-11) uš rawaag-een-iid
(lui / usage-morphème dénominatif-morphème du passé (3sg))
Il mit en usage.
(Ibid., pp. 71-2)

Natelkhanlari (1994:73) parle d'une deuxième manière de construire des verbes qui est la suivante: on ajoute, sans autre modification, le morphème de l'infinitif au substantif et on obtient un verbe:

Cette deuxième façon de construire des verbes est arrivée au persan moderne et elle a donné des verbes tels que: âqâzidan (débuter; de âqâz, début), tarsidan (avoir peur; de tars, peur) ou même avec des substantifs d'origine arabe comme bal'idan (avaler; de bal', action d'avaler). A partir du septième siècle, les auteurs et les littéraires ont banni ce type de construction, et c'est à partir de cette époque que l'emploi du substantif à côté d'un verbe plus ou moins vidé de son sens (appelé hamkard par Natelkhanlari) commence à s'étendre en persan (Ibid.) 55 .

Concernant les préverbes du vieux perse, on observe qu'une grande partie de ces préverbes a continué à fonctionner, bien que certains d'entre eux aient perdu le statut de préverbe et soient devenus partie intégrante du lexème. Par exemple le verbe nišast (il s'assit) vient du vieux perse ni-šasta-, où le préverbe ni- s'employait pour signifier un mouvement vers le bas. Pourtant, en moyen perse ce morphème avait totalement perdu sa signification et il faisait partie du lexème verbal (Abolghasemi 1994a: 212). A côté de tels verbes, il y avait évidemment des verbes dont le préverbe avait gardé son caractère de morphème différent du lexème verbal:

(4-12) fra- waš- t
(préverbe-souffler (vent)-IS)
il s'est envolé.
(Ibid.)

Dans ce cas, le préverbe fra- est resté distinct du lexème verbal et nous voyons que comme dans le vieux perse, il sert à changer le sens premier de ce lexème.

C'est à cette époque que certains adverbes servent parfois de préverbe en modifiant soit totalement le sens du verbe, soit en lui donnant une direction: l'adverbe be, quand il est en fonction de préverbe dans be šod (il sortit) indique la direction: "il alla vers l'extérieur" (Amuzgar et Taffazoli, op. cit., pp. 73-4).

En résumé, nous pouvons dire qu'à l'époque du moyen perse les verbes composés en tant que tels n'existent pas encore.

Notes
54.

Souvent, les historiens considèrent que la fin de l'Empire Perse coïncide avec la fin de la période du moyen perse, c'est-à-dire le septième siècle. Le linguiste iranien Abolghasemi (1994c:35) étend la période du moyen perse jusqu'au neuvième siècle, c'est-à-dire la date à laquelle la première dynastie iranienne après l'Islam a vu le jour et que le persan moderne a été considéré comme la langue "officielle" (nous ne savons pas dans quel sens est pris le mot "officiel", d'où les guillemets).

55.

Il est à remarquer que le pehlvi avait une structure ergative qui s'employait pour le passé des verbes transitifs lorsque le sujet n'était pas un substantif:

too diid

(toi / vis)

Tu as vu.

too mard-aan diid heend

(toi / homme-pl / thème passé de "voir" / auxiliaire "être" 3pl)

Tu as vu les hommes.

(Amuzgar et Taffazoli, op. cit., pp. 66-7)

Le moyen perse n'avait, selon Amuzgar et Taffazoli, qu'une seule forme pour le pronom du deuxième personne du singulier (op. cit., p. 58); nous pensons que de ce fait, c'est l'accord du verbe avec l'objet direct en nombre et en personne qui montre le caractère ergatif de la langue. Par contre, le pronom de la première personne du singulier avait deux formes différentes selon qu'il était à l'accusatif ou à l'ergatif. Cette différence montre mieux le caractère ergatif du moyen perse:

az kun-am

(moi-NOM / thème du présent-IS 1sg)

Je fais.

man kird

(moi-ERG / thème du passé-IO 3sg)

J'ai fait.

(Kalbasi 1988:76-7)