4.3.4.2. Pourquoi le verbe composé?

A partir du constat qui vinet d'être fait, nous nous posons la question suivante: peut-on trouver une ou des raisons qui poussent une langue à construire des verbes composés au lieu des verbes simples? Nous prenons l'exemple du persan pour tenter de répondre à cette question. Avant d'aller plus loin, il nous semble utile de rappeler que le persan moderne a hérité du moyen perse le morphème d'infinitif -idan qui sert à former des verbes simples à partir des substantifs (cf. 4.1.2); c'est à l'aide de ce morphème qu'un nombre limité des verbes persans sont formés comme jang-idan (guerre + -idan; faire la guerre) ou talab-idan (demande + -idan; demander). Ceci démontre que le persan possède les moyens morphologiques nécessaires pour la formation des verbes simples, alors pour quelle raison a-t-il recours à des verbes composés? Du point de vue sémantique, le verbe simple est une unité à la fois syntaxique et sémantique; le verbe composé, en revanche, est constitué de deux éléments, l'un ayant une fonction syntaxique (le verbe) et l'autre une fonction sémantique (le substantif). Ceci est aussi vrai pour les verbes accompagnés par leur objet interne, parce qu'en présence de celui-ci, la charge sémantique est aussi assumée par le substantif, qui a, en gros, le même sens que le verbe, ce qui permet de "séparer" la partie sémantique et la partie syntaxique du composé. C'est évident qu'en employant des verbes composés au lieu des verbes simples, le persan montre une préférence pour la séparation des deux composants verbaux. Cette séparation peut servir à des fins syntaxiques, comme la détermination du substantif, ou à des fins pragmatiques, comme par exemple la thématisation du substantif. En ce qui concerne le sens, nous ne sommes pas sûre qu'il y ait un avantage quelconque à séparer les deux composants, sémantique et syntaxique, du verbe. Et ceci est d'autant plus vrai que le verbe composé fonctionne comme une unité sémantique, au même titre que le verbe simple, et qu'il y a toujours un équilibre entre le sens du substantif et celui du verbe en ce sens que lorsque le verbe est plein, le substantif n'a pas un rôle sémantique indispensable; mais dès que le verbe se vide de son sens c'est le substantif qui prend le relais pour donner une signification au composé. Donc nous pensons que les raisons qui poussent une langue comme le persan à accorder une préférence marquée pour les verbes composés sont plus de nature syntaxique et pragmatique que sémantique.