Avant de commencer à traiter le passif du persan moderne, nous pensons qu'il est nécessaire de donner quelques éléments historiques sur l'évolution du passif depuis le vieux perse jusqu'au persan moderne.
En vieux perse il y avait deux manières pour former le passif:
(6-7) | adâr-ya-t la forme passive construite à partir de la racine -dâr- (avoir). (Abolghasemi 1994a:64) |
(6-8) | tya adam akunavam
(ART / moi-NOM / j'ai fait) Ce que j'ai fait. |
(6-9) | tya manâ kartam
(ART / moi-GEN / PP de -kar-) Ce qui est fait par moi ("mon fait"). (Kalbasi 1988:75-6) |
Le moyen perse avait conservé ces deux types du passif, avec toutefois quelques différences: en premier lieu, le morphème du passif s'était transformé, morphologiquement, en deux allomorphes -ih- et -yh-; en deuxième lieu, ce morphème ne s'affixait qu'à un nombre limité de verbes, le passif périphrastique avait gagné du terrain (Dabir Moghadam, op. cit.) 83 :
(6-10) | kar-ih-ist / kun-ih-et Il a été fait / il est fait (Kalbasi, op. cit.) |
(6-11) | winawâd e
Tu as été éloigné (e est la deuxième personne du singulier du présent du verbe budan (être)). (Abolghasemi , op. cit., p. 270) |
A la période classique du persan moderne, le morphème du passif a totalement disparu; le passif se formait donc à partir du participe passé du verbe principal et un auxiliaire. Les verbes qui servaient d'auxiliaire étaient nombreux: šodan (devenir), gaštan/gardidan (au sens de devenir), âmadan (venir) et raftan (aller). L'auxiliaire le plus employé était šodan (Natelkhanlari 1994:132):
(6-12) | hame hadis az avval tâ be âxar gofte šavad
(tout / histoire / de / début / jusque / à / fin / PP / AUX PASS) Toute l'histoire sera racontée du début jusqu'à la fin. |
Lorsque nous avons un verbe composé, à cette époque, le verbe principal n'est pas éliminé; nous avons donc un passif formé d'un substantif, du participe passé du verbe principal et de la forme conjuguée de l'auxiliaire (Ibid.):
(6-13) | zekr kard (forme active) / zekr karde šod (forme passive) (mention / il fut) / (mention / PP (fait) / AUX PASS) Il a mentionné / il a été mentionné 84 . |
En ce qui concerne l'époque actuelle, la voix passive se fait uniquement par l'auxiliation d'un verbe. Il en existe plusieurs; le verbe le plus couramment employé est le verbe šodan (devenir). La langue littéraire emploie parfois les verbes gaštan (tourner) et gardidan (même sens).
Dans le chapitre consacré à la grammaire persane, nous avons vu comment le passif des verbes simples se forme, et nous n'allons pas y revenir. En revanche, nous allons nous intéresser à plusieurs problèmes qui se posent tant au sujet du passif en général qu'au sujet du passif des verbes composés. Pour ce faire, nous étudierons d'abord l'avis de certains linguistes qui pensent que le persan ne possède pas de construction passive, ensuite nous nous intéresserons au traitement des verbes composés et de leur passif dans la grammaire traditionnelle, et finalement nous verrons si la notion de voix passive peut être retenue à propos des verbes composés.
A propos du passif, il est intéressant de savoir que les formes passives du vieux perse ont été traitées comme les formes actives en moyen perse. De ce fait, nous avons des phrases comme:
man kird
J'ai fait (forme active)
Le verbe kird vient du participe passé du vieux perse kartam (et man vient de mana du vieux perse), ce qui fait qu'il n'est pas en accord avec son sujet, d'où les constructions ergatives du moyen perse. Cette langue ayant une structure mixte, les mêmes verbes au présent ont une construction accusative:
az kunam
Je fais.
(Kalbasi, op. cit.)
Natelkhanlari fait la remarque que cette construction n'existe plus en persan moderne actuel. Dans le cas d'un verbe composé, le passif se forme par le remplacement du verbe:
ejrâ kard / ejrâ šod
Nous verrons ceci en détail plus loin.