6.3. La conclusion

L'existence de la voix moyenne nous amène à porter un regard nouveau sur la catégorie de la voix en persan. Le passif périphrastique et le causatif sont les voix morphologiquement marquées et distinctes. La forme active du verbe peut être considérée comme "non marquée pour la voix" 98 . En ce qui concerne le deuxième type de passif et la voix moyenne, étant donné la ressemblance morphologique et l'ambiguïté sémantique qui peut exister entre les deux, nous pensons qu'il ne faut pas vouloir les distinguer d'une manière nette. En effet nous avons un mécanisme de voix qui englobe les deux, qui peut être appelé le médio-passif, dont l'interprétation est une question du contexte. Ainsi, les formes verbales ayant un sens passif peuvent être considérées comme un emploi particulier du médio-passif persan.

D'un point de vue général, l'introduction de la notion de voix médio-passive en persan nous permet de résoudre certaines ambiguïtés dues aux changements des lexèmes verbaux; nous avons parlé du fait que selon certains linguistes ce type de changement conduit à la formation de formes qui peuvent "servir" de passives, à la lumière de la voix médio-passive nous pouvons considérer cette ambiguïté levée: ces formes, des médio-passives, ont une interprétation qui dépend du contexte. De cette manière, la question de savoir pourquoi certaines formes ont un sens passif et pas d'autres, ainsi que la question de savoir quels sont les facteurs qui conduisent à cette différence de sens, ne se posent plus.

D'un point de vue plus restreint, poser le principe d'existence de la voix médio-passive en persan ouvre une voie supplémentaire nous permettant de mettre les verbes composés prototypiques à part. En effet nous avons les verbes accompagnés de leur objet générique qui, sémantiquement, est un objet interne. Parmi les autres verbes composés nous pouvons avoir le même cas de figure, comme par exemple le cas du verbe kotak zadan (mot à mot: coups frapper; frapper). Nous remarquons que le deuxième verbe fait partie de ceux qui connaissent une alternance du lexème verbal: kotak zadan/xordan; alors que le verbe accompagné de son objet interne ne connaît pas cette alternance. Par ailleurs, l'existence du verbe kotak xordan (mot à mot: coups manger; être battu), où le sens du composé repose sur le sens du substantif, nous donne un élément supplémentaire pour faire une distinction entre ce verbe-ci et un verbe accompagné de son objet interne, où le sens du composé est celui du verbe (l'objet étant sémantiquement redondant). Il nous semble que ces deux caractéristiques peuvent s'ajouter à d'autres pour nous aider à différencier le noyau dur, prototypique, des verbes composés: en effet le verbe composé kotak zadan appartient au même groupe que zin kardan, qofl kardan, etc., qui, eux aussi, connaissent ce type d'alternance.

Ce bref exposé montre, à notre sens, l'importance de l'introduction de la notion de la voix médio-passive en persan, tant du point de vue général, concernant la grammaire de la langue, que du point de vue plus particulier concernant la catégorie des verbes composés et leur structure interne scalaire.

Notes
98.

Terme de D. Creissels. Ce non marquage veut dire: "[...] aucun généralisation ne peut être faite en ce qui concerne le statut sémantique du sujet et de l'objet des formes actives, alors que les formes reconnues comme appartenant aux autres voix sont sémantiquement marquées au sens où leur appartenance à la voix en question implique effectivement qu'elles partagent une certaine caractéristique sémantique." (1995:268).