Troisième Chapitre :
La perte du savoir serein.

La carrière ecclésiastique de Mgr Mignot est tout à fait caractéristique d'une carrière type de prêtres devenus évêques dans le dernier quart du XIXe siècle et que nous connaissons bien depuis la thèse de Jacques-Olivier Boudon 399 .

Certes, il fait partie de la petite minorité des évêques originaire du monde rural, mais il est tout à fait représentatif du recrutement au sein des couches inférieures de la société et tout particulièrement de la catégorie des petits fonctionnaires qui semble avoir eu les faveurs de la IIIème République puisqu'il fait partie du petit groupe de fils d'instituteurs tous nommés après 1881 400 .

De même comme les deux tiers de ses collègues il est passé par le petit séminaire. S'il fait partie de la minorité à avoir fait ses études de théologie à Saint-Sulpice, il appartient à la grande majorité de ceux qui n'ont aucun grade en théologie et ont une plus longue expérience de l'administration curiale que de l'administration diocésaine.

Les différentes fonctions qu'il a occupées et l'ordre dans lesquelles il les a occupées sont également tout à fait conformes au modèle construit par J.-O. Boudon qui a mis en lumière le fait que la plupart des futurs évêques "ont connu des expériences nombreuses, en paroisse, dans l'enseignement, dans l'administration diocésaine, voire... auprès de congrégations religieuses" 401 .

L'abbé Mignot débute par le professorat au petit séminaire de Notre-Dame de Liesse (1865-1868) puis il est nommé vicaire à Saint-Quentin (1868-1871). Il est desservant de Beaurevoir en 1871. Après un passage comme aumônier de l'Hôtel-Dieu de Laon (1875-1878), il devient curé-doyen de Coucy (1878-1883) d'où il part pour La Fère. Enfin Mgr Thibaudier, évêque de Soissons depuis 1876, le nomme vicaire général en 1887.

Ce parcours classique n'offre pas, en tant que tel, un cadre de référence pour une périodisation visant à mettre en évidence une évolution intellectuelle. Il convient donc d'avoir recours au témoignage de Mgr Mignot. Or celui-ci note dans ses souvenirs quand il évoque son arrivée comme curé à Beaurevoir : "J'avais... beaucoup de temps pour travailler et j'en profitais. Je laissai la théologie pour l'étude de l'Écriture." 402

Les dossiers conservés à Albi ne permettent pas de confirmer avec précision le moment de cette orientation nouvelle. Sans doute parce qu'il a fallu un certain temps pour que les nouvelles préoccupations de l'abbé Mignot transparaissent dans ses notes de travail. C'est à partir du milieu des années 1870 que celles-ci cessent de traiter de questions strictement théologiques pour relever de plus en plus des questions bibliques. Ce changement de préoccupations est bien sûr capital et il convient d'essayer d'en comprendre les raisons.

Notes
399.

Jacques-Olivier Boubon, L'épiscopat français à l'époque concordataire, 1802-1905, Paris, Cerf, 1996.

400.

Ils sont au nombre de 5, O. Boudon, Op. cit., pp. 47-48.

401.

O. Boudon, Op. cit., p. 237.

402.

1er Reg., f° 69.