1. La nature de l'inspiration

C'est le livre de François Lenormant, Les origines de l'histoire d'après la Bible et les traditions des peuples orientaux qui a ouvert le débat. Cet incontestable savant qui se veut fils soumis de l'Église en ce qui concerne les questions de foi, entend garder son entière liberté d'appréciation dans son propre champ de compétence. Il est ainsi amené à développer l'idée que les décisions doctrinales de l'Église concernant les livres de la Bible "n'étendent l'inspiration qu'à ce qui regarde la religion, touche à la foi et aux mœurs, c'est-à-dire seulement aux enseignements surnaturels contenus dans les Écritures. Pour les autres choses, le caractère humain des écrivains de la Bible se retrouve tout entier... L'Esprit-Saint ne s'est pas préoccupé de révéler des vérités scientifiques non plus qu'une histoire universelle" 548 . Cette théorie dite de l'inspiration restreinte n'est pas proprement parler nouvelle dans l'Église 549 , mais outre le fait qu'elle n'a jamais été défendue par des théologiens de premier plan, elle apparaît maintenant comme une concession dangereuse au rationalisme.

Elle se trouve pourtant renforcée d'une caution prestigieuse, celle du cardinal Newman qui publie dans The nineteenth Century de février 1884 un article aussitôt traduit en français, "A propos de l'inspiration de l'Écriture" 550 , dans lequel il soutient l'idée qu'il est impossible d'admettre que les livres canoniques sont inspirés sous tout rapport, à moins de prétendre que les fidèles sont obligés de croire de foi divine que la terre est immobile, qu'il n'y a pas d'antipodes etc. Il y a de toute évidence dans le texte biblique des choses dites en passant, obiter dicta, comme par exemple la mention du manteau oublié par saint Paul à Troas (2 Tim 4,13), qui ne sont ni inspirées ni infaillibles.

Notes
548.

Les origines..., t. I, p. VII.

549.

Sur cette question avant le XIXe siècle voir DTC, t. 7, col. 2184-2187.

550.

Le Correspondant, 24 mai 1884.