3.2 Le Pentateuque

Le manuscrit conservé à Albi sous le titre de Lettres d'un inconnu sur la question biblique est incomplet. La première lettre (sans doute une introduction) est perdue et de la seconde, traitant de l'inspiration, il ne reste que le plan. La troisième et la quatrième sont consacrées à l'encyclique Providentissimus : "État des esprits avant l'encyclique" et "Après l'encyclique : la vraie question". La cinquième traite de l'attribution du Pentateuque à Moïse : "Le Pentateuque, dans sa forme actuelle est-il l'œuvre de Moïse ?" La sixième confronte "La théorie traditionnelle et la réalité". La septième présente "Les trois Codes", la huitième "Le Deutéronome et le Lévitique". La neuvième enfin fait office de conclusion 925 . Il s'agissait donc d'un véritable traité sur l'état de la question biblique et plus exactement sur la composition du Pentateuque.

Si l'on en juge par le plan, la lettre sur l'inspiration reprenait les principaux éléments des différents textes antérieurs que nous avons étudiés et maintenait que, étant admis le principe de l'inspiration de toute l'Écriture, il ne fallait point en exagérer la nature et étudier la Bible en tant que livre humain.

La troisième lettre offre une relecture des événements de l'année 1893. Lorsque les problèmes posés par la question biblique ont commencé à sortir du cercle restreint des spécialistes, leur nouveauté n'a pas manqué de diviser l'opinion ecclésiastique entre ceux que Mgr Mignot appelle "les mécontents, les résignés, les ardents" 926 .

Les mécontents "qui ne s'effrayaient pas des hardiesses d'Origène, de S. Jérôme […] sont épouvantés des affirmations des critiques, de l'invasion de l'esprit nouveau et brusquement ils veulent nous arrêter au nom de la théologie" 927 . Ils sont hommes de parti pris qui condamnent sans même entendre les raisons des critiques.

Les résignés, "trop intelligents pour ne pas voir l'assaut qui se prépare", s'étaient mis au travail et certains ont tracé "un sillon profond dans le champ de la littérature biblique". Mais ils restent prisonniers de leur formation théologique. Ainsi en est-il de M. Vigouroux qui en est le plus éminent représentant mais qui se tient, à cause d'un respect "exagéré" de la tradition, dans une voie moyenne également éloignée des témérités de l'école critique que des affirmations des aprioristes". C'est faire preuve d'un conservatisme "excessif" 928 .

Restent "les ardents et courageux chrétiens" à qui ne suffisait pas la simple défense des positions traditionnelles. Ce qui les caractérise c'est que, face aux attaques des adversaires, ils veulent savoir si les croyances traditionnelles concernant l'origine du monde, la chronologie biblique etc. font partie intégrante de la foi ou s'il est possible de séparer dans l'Écriture les faits de leur interprétation. Deux noms viennent sous la plume de Mgr Mignot, celui de Loisy et celui de Mgr d'Hulst.

‘M. l'abbé Loisy n'avait pas les scrupules théologiques de M. Vigouroux. Pour lui la Bible est un livre donné aux hommes qu'il faut étudier tel qu'il est. […] (Il) n'y manqua pas. […] On lui a reproché d'avoir un faible pour les idées téméraires, de s'en rapporter avec trop de confiance aux affirmations hâtives et insuffisamment appuyées des critiques allemands. C'était là, il faut bien en convenir, une lacune bien légère. Le jeune savant n'aurait pas tardé à se dégager de toute influence étrangère… 929

Mais les esprits étaient inquiets et agités. Au grand étonnement de ceux qui les considéraient comme "les défenseurs de la liberté humaine" et qui furent attristés de les "voir faire banqueroute à tout leur passé", les jésuites romains et français animèrent une campagne appelant le Saint-Office et même le Souverain Pontife à "faire cesser ces témérités de langage" 930 . C'est alors que Mgr d'Hulst, "avec sa chevaleresque générosité", avait pris la défense de son professeur dans l'article du Correspondant :

‘Je viens de relire avec attention cette magistrale étude et je m'explique mal l'effet formidable qu'elle a produit. Rien de plus sage, de plus modéré, de plus vrai que l'exposition faite par l'éminent Recteur de la situation des esprits. L'atmosphère intellectuelle était sans doute fortement chargée d'électricité puisqu'une simple étincelle suffit pour produire une perturbation profonde 931 .’

Mgr d'Hulst n'avait pourtant fait qu'exposer "sans se voiler la face" l'hypothèse selon laquelle "l'inspiration des Écritures pourrait porter sur des récits d'origine humaine sans en garantir l'absolue véracité". Mais on avait lu qu'il défendait l'idée - "absurde sophisme" - que "l'erreur peut subsister dans la Bible même malgré l'inspiration" 932 .

Entre ces trois positions, il fallait que le magistère de l'Église se prononce. On attendait donc avec impatience ce que Léon XIII allait dire, lui qui suivait avec "tant d'attention le mouvement intellectuel".

Nous avons vu que la quatrième lettre témoigne de la déception du prélat devant une encyclique qui "fut loin de répondre à toutes les espérances" dans la mesure où il estime qu'elle n'a pas eu d'autre objectif que de préciser de "façon plus rigoureuse que le Concile du Vatican et a fortiori celui de Trente" les notions d'inspiration et d'inerrance absolue.

Or affirmer comme le fait l'encyclique qu'il n'y a pas d'erreur dans la Bible "par la raison qu'il ne peut y en avoir" n'est pas tenable puisque c'est une question de fait. Cette question ne peut donc pas être résolue a priori. "Pour décider s'il y a ou non des erreurs dans la Bible, il faut étudier les faits allégués" 933 et cela ne peut être que le résultat du patient travail des critiques. Pour Mgr Mignot cette position est la seule qu'il est possible de tenir et il s'y tient :

‘Si nous avons tort qu'on le dise, qu'on nous condamne ex cathedra, la chose en vaut la peine. S'il est hérétique d'appliquer à la Bible les procédés de la critique historique, que le Pape le dise clairement. En attendant nous restons sur le terrain des faits 934 .’

Exemple : tout le système chronologique de la Bible s'écroule devant les découvertes profanes. Déjà, en son temps, M. Le Hir avait eu un mot qui avait fait fortune auprès des séminaristes : "la chronologie flotte indécise" ! "Pourquoi ne pas conclure simplement, bonnement, que Dieu n'a pas voulu faire de la Bible le régulateur de l'histoire ?" 935

Encore s'agit-il là d'un point somme toute secondaire. La vraie question est ailleurs. C'est celle de la composition du Pentateuque sur laquelle se livrera "le combat très prochain entre la théologie traditionnelle et la critique".

Les quatre lettres suivantes sont consacrées à la question de l'attribution à Moïse du Pentateuque sous sa forme actuelle. La première montre qu'il n'est plus possible de s'en tenir à cette opinion courante qui "sans être de foi" fait cependant "la loi dans le monde chrétien" et les trois suivantes présentent les arguments qui plaident en faveur d'une rédaction de la Torah étalée dans le temps.

L'unanimité de l'opinion ne saurait être à elle seule un argument décisif. Et les trésors d'érudition déployés par des critiques éminents aussi bien catholiques que protestants pour prouver que Moïse est l'auteur du Pentateuque provoquent l'admiration de Mgr Mignot sans emporter sa conviction. Celle-ci est "loin d'être faite dans (son) esprit", car les travaux sont plus des apologies que des études critiques. Or, si dans une question touchant la foi, il n'est pas permis de s'établir "dans un sentiment de doute réel", dans le problème de l'auteur du Pentateuque la foi n'étant pas en jeu, il ne faut pas craindre l'étude critique.

Croire que si le Pentateuque n'est pas de Moïse, alors c'est l'œuvre d'un faussaire est mal poser le problème. D'abord parce que c'était une pratique courante d'attribuer des écrits à de grands personnages. L'auteur de l'Ecclésiaste ne s'est-il pas mis sous le patronage de Salomon ? Ensuite parce que, comme Mgr Mignot l'avait rappelé dans sa lettre sur l'inspiration, celle-ci concerne le rédacteur pas les faits en eux-mêmes.

Prenant des exemples dans la Genèse, Mgr Mignot montre d'abord que "la même main n'a pas écrit tout cela, qu'il y a eu de nombreux documents utilisés plus tard. […] Il ne faut pas […] s'obstiner à fermer les yeux à l'évidence" et il renvoie ses lecteurs à Reuss, Robertson Smith, Driver, Wellhausen, Noldëke et Graf. Puis, insistant sur le fait qu'il fait "une simple étude de texte et non de la théologie", il s'emploie à montrer contre la thèse traditionnelle encore défendue par M. Vigouroux dans son Manuel, que les récits de la conquête d'Israël ne sont pas contemporains des faits rapportés et qu'une part de légende est entrée dans les traditions relatives aux Patriarches. Sur le premier point, on peut facilement montrer que le récit du livre de Josué "a été arrangé en grande partie pour cadrer avec l'idée qu'on s'est faite plus tard de la conquête. […] Cela n'a été écrit que quand les Israélites furent les maîtres incontestés du pays" 936 . Sur le second, sans admettre "les conclusions de Wellhausen qui ne voit que des mythes dans l'histoire des Patriarches", il faut reconnaître qu'on ne sort des invraisemblances d'âge, de nombres, de chronologie qu'en admettant que "la poésie a embelli l'histoire" 937 . Enfin force est de reconnaître que les plus saints personnages de l'histoire d'Israël semblent ignorer totalement la loi de Moïse. Les héros des Juges par exemple "sont directement inspirés de Dieu et ils agissent tout contrairement à la loi dite de Moïse" 938 , comme s'ils ne la connaissaient pas. C'est en vain que M. Vigouroux tente de répondre sur ce point à Wellhausen en prétendant qu'il y avait un grand nombre de points de la loi sur le sens desquels on n'était pas fixé. "Alors à quoi servait la loi ? Pourquoi Dieu l'avait-il donné huit cents ans trop tôt ?"

La conclusion s'impose d'elle-même : "Le Pentateuque a été fortement remanié, certaines lois ont pu y être ajoutées même sous le nom de Moïse". Il faut admettre qu'il est "le code du judaïsme mais non de la religion d'Israël jusqu'à la captivité" 939 .

Les citations des prophètes invoquées a contrario ne sont pas probantes. Certes, l'objection est sérieuse et Mgr Mignot avoue qu'elle "l'a impressionné longtemps" et qu'elle "l'a empêché d'avoir une conviction bien nette" 940 . Les allusions à l'histoire du peuple hébreu qu'on y trouve peuvent s'expliquer sans qu'il soit nécessaire de faire appel à une connaissance du Pentateuque tel qu'on le connaît puisque nulle part la Torah citée par eux est celle du Pentateuque. Il semble même que "la croyance à Moïse comme auteur exclusif de la Torah n'existait pas encore" et qu'elle ne naîtra que lorsque l'on voudra "rattacher authentiquement le Judaïsme à l'histoire, à la religion du peuple de Dieu" 941 . Après Esdras "par un phénomène naturel […] on reporta dans l'antiquité la plus extrême ce que l'on avait sous les yeux et si l'on pratiquait la loi, c'est qu'il en avait été toujours ainsi" 942 . Mais tel n'est pas le cas pour qui veut bien lire sans a priori le livres des Rois. L'exemple de Samuel, de David et même de Salomon prouve qu'il existait un "culte plural" aux "antipodes de l'esprit du Pentateuque et du texte précis de la loi" 943 . Ainsi, malgré toutes les tentatives de réforme depuis les Juges jusqu'à Zacharie, la Loi n'a pas été la règle. L'histoire ne cadre "certainement" pas avec la manière habituelle d'envisager la question. Et l'argument des conservateurs qui consiste à dire que la Loi avait été perdue puis retrouvée sous Esdras, c'est "une fantaisie qui ne se discute pas" 944 .

Il faut donc admettre d'une part que, contrairement à l'opinion courante, "Moïse n'est certainement pas l'auteur définitif de notre Pentateuque actuel" et que d'autre part ce n'est pas un récit d'une seule venue, mais une véritable "mosaïque". En effet l'attribution à Moïse de la rédaction du Pentateuque "ne remonte pas au delà de Josèphe" et l'on ne peut se fonder sur l'affirmation de l'historien juif dans la mesure où elle a un fort caractère apologétique. Il s'en sert dans son ouvrage Contre Appion pour prouver l'antériorité des textes religieux juifs par rapport à ceux des grecs. Quant au caractère composite du livre, ce n'est pas une nouveauté, elle remonte au XVIIIe siècle et l'on doit cette découverte à Astruc.

D'ailleurs le Pentateuque lui même n'attribue pas toutes les lois à Moïse puisque l'auteur prend soin de le mentionner parfois explicitement. D'autre part il est facile de distinguer trois groupes principaux de lois. Les deux premiers bien circonscrits (Ex 21-23 - code de l'Alliance -, Dt 12-26 - code deutéronomiste), le troisième - code sacerdotal - épars dans la Genèse. Ce dernier a pour base "la vie religieuse d'un peuple dont le centre est un sanctuaire unique" 945 et ne peut donc pas être attribué à Moïse. L'analyse du code deutéronomiste et du code sacerdotal à laquelle est consacrée la huitième lettre montre que l'auteur du premier "vit dans la même atmosphère religieuse que Jérémie" et que celui du second a vécu entre Ezéchiel et Esdras.

A propos de ce dernier se pose le difficile problème du rapport à l'histoire puisqu'il se présente "enchâssé, fondu dans le récit, qu'il n'est pas un code à proprement dit, mais une véritable histoire 946 ". Les critiques conservateurs y voient la preuve de son antiquité. Mgr Mignot estime que c'est confondre le fait historique et son interprétation. Si la forme du récit est historique, l'objectif de l'auteur est de fonder la loi qu'il promulgue dans la tradition : "Ce qui est vrai c'est le précédent historique, ce qui l'est moins c'est la paraphrase du fait, le parti pris qu'on en tire : le récit n'est plus qu'idéalement vrai et l'on se sert d'un fait vrai pour en tirer des conséquences légitimes et autorisés" 947 . Mais dire que le rédacteur du code sacerdotal n'écrit pas pour raconter mais pour prouver quelque chose, qu'il rédige "une paraphrase pieuse […] pour encadrer ses prescriptions rituelles", n'est-ce pas aller contre "la saine interprétation" de l'encyclique Providentissimus ? Non, estime Mgr Mignot. Ne fait-on pas la même chose en interprétant idéalement le récit de la création dont on peut admettre en toute conscience qu'il ne répond à rien d'objectif. Il serait paradoxal de condamner l'application à la Bible des règles de la méthode historique, c'est-à-dire de prendre au sérieux le texte, quand "les plus obstinés conservateurs sont obligés de sacrifier le côté littéral de ce récit"

En conclusion Mgr Mignot se livre à une reconstitution de l'histoire religieuse d'Israël dont chaque proposition est introduite par un solennel "Nous croyons". Dieu n'a pas donné toute sa Loi au Sinaï ; Moïse n'a écrit que la législation simple qui a servi jusqu'après Salomon ; au temps de Jérémie, Dieu a inspiré au deutéronomiste une loi mise sous le nom de Moïse et qui servit de référence pour la réforme de Josias ; l'échec de cette réforme et les catastrophes qui suivirent amenèrent la rédaction du code sacerdotal. Cette théorie est peut-être fausse mais elle "cadre mieux que toute autre avec l'histoire générale d'Israël" et en tout état de cause elle respecte les droits de l'inspiration puisque, quels que soient les auteurs, ils ont écrit inspirés par Dieu.

Ce gros manuscrit n'est donc pas qu'une présentation de l'état de la question. Mgr Mignot s'y engage avec détermination. Il ne se présente pas, comme l'avait fait Mgr d'Hulst, en simple rapporteur d'opinions sur lesquelles il ne se prononçait pas. C'est au double titre de la compétence acquise dans le domaine biblique et de l'autorité épiscopale qu'il s'exprime.

Il soumet son texte, par l'intermédiaire de l'abbé Chédaille, à l'abbé Robert 948 avec qui il est entré en relation épistolaire au moment de la traduction par celui-ci de l'article de Dillon et de la "réponse" qu'il lui avait apporté. L'abbé Robert transmet ses observations à Mgr Mignot le 28 décembre 1895 : "Je trouve ce travail très intéressant. Il est vrai qu'il ne m'a pas surpris, car c'est le fond de ma pensée qu'il exprime […]. Il serait important que ce manuscrit fût publié, mais à mon avis, l'auteur ferait bien, pour éviter les tracasserie de l'Index, de retrancher quelques pointes contres les Jésuites et quelques duretés à l'égard du Pape et de son encyclique" 949 . Il estime toutefois que la tactique est trop brusquée et qu'en "étalant carrément le cadavre", on risque seulement une condamnation avec comme conséquence immédiate l'obligation "d'abandonner la Bible aux Brucker et aux Brandi" 950 .

C'est par le même chemin qu'il fait parvenir, l'année suivante, son texte à Loisy qui le reçoit fin septembre 1896. Il n'est pas certain que ce soit le même manuscrit que celui envoyé l'année précédente à l'abbé Robert.

La lettre dans laquelle l'abbé Loisy exprime son sentiment à Mgr Mignot n'est pas conservée mais dans ses Mémoires il écrit : "Bien qu'il fut rédigé en forme de Lettres, cet ouvrage était un peu massif ; et comme il avait été composé avant les événements de 1893, il ne se trouvait pas non plus tout à fait au point de l'actualité. Quelques retouches et additions ne seraient pas inutiles avant la publication" 951 . Cette remarque sur la date de composition est étrange. Elle n'est valable que pour la deuxième Lettre consacrée à l'inspiration et dont nous avons vu en effet qu'elle reprenait l'essentiel du texte de 1885. D'autre part Mgr Mignot écrit :

‘Vous avez raison de penser que les Lettres gagneraient à avoir quelque chose de plus alerte. Le manuscrit primitif que j'ai eu sous les yeux avait une forme plus dégagée, moins empâtée, c'est moi qui ai pensé que ce ton narquois blesserait sans profit, effaroucherait le public plus encore que les articles de la Contemporary. On a fait beaucoup de coupures, on a arrondi les angles et donné cet air un peu terne et impersonnel qui caractérise le texte que vous avez sous les yeux. Il serait facile de donner un peu plus de vie 952 .’

Quoiqu'il en soit du texte que Loisy a eu sous les yeux, il est vraisemblable que c'est la question de l'inspiration qui a été au cœur de l'échange épistolaire. Dans sa réponse à Loisy Mgr Mignot revient en effet sur l'article de 1893 "La question biblique et l'inspiration" et sur sa seconde édition dont il n'a pas tiré parti puisqu'il en ignorait l'existence.

Imprudence d'un côté, problème mal posé de l'autre, Mgr Mignot, aussitôt reçue la réponse de Loisy, décide de surseoir, à contre-cœur 953 sans doute, à la publication : "L'abbé Chédaille fera bien de remiser dans ses cartons, au moins pour quelques temps, son Augustinus." Et il regrettera de ne pas l'avoir publié en 1896 quand le ciel se couvrira vraiment l'année suivante. "J'en suis presque à regretter que l'abbé Chédaille n'ait pas publié "ses Lettres" l'an passé. Ce serait chose faite. Aujourd'hui ce serait encore plus difficile", écrit-il à Loisy le 11 février 1897.

Notes
925.

Ce manuscrit a toutes les apparences d'être le premier jet. Un certain nombre d'éléments permettent d'étayer cette hypothèse : le nombre important de repentirs, les annotations personnelles sur la page de garde de la cinquième Lettre : "Ecrire à Laon, à Reims, à Mgr Belmont, à Fréjus…", la septième est datée de Brancourt. Nous avons là le document personnel de Mgr Mignot.

926.

Lettres d'un inconnu…, 3 e lettre, f°7.

927.

Lettres d'un inconnu…, 3 e lettre, f° 8-9.

928.

Lettres d'un inconnu…, 3 e lettre, f° 10-11.

929.

Lettres d'un inconnu…, 3 e lettre, f° 11.

930.

"Plus je vais, plus je suis convaincu que les Jésuites font fausse route. Où veulent-ils nous mener ? Dans le Brandisme probablement. C'est un peu court et insuffisant. Qu'on nie carrément la critique du texte, qu'on déclare qu'il n'y a de vrai, d'authentique que le texte de la Vulgate : ce sera une sottise mais ce sera plus franc et plus loyal. En réalité les Brandistes ne sont que des aprioristes incorrigibles. Citez leur 10, 100, 1000 faits, rien ne les troublera ; pour eux les faits cités par la critique ne comptent pas. Faites leur toutes les objections possibles, montrez leur clair comme le jour que tel passage n'est pas de Moïse, que telle phrase a été prise à un autre document, ils vous regarderont avec stupeur et commisération ! Convaincus que l'inspiration est telle qu'il la définissent dans leurs ouvrages ils n'ont plus à s'occuper des critiques. A leurs yeux les critiques sont ou des ignorants ou des gens de parti pris ou des ennemis de la religion dont il n'y a pas à tenir compte. […] J'ai lu la réponse de Brandi à l'anonyme du Nineteenth Century : c'est plus qu'insuffisant. Il répond le plus souvent à côté des questions et donne des réponses que tout le monde connaît et qui ne sont pas toujours elles-mêmes incontestables. En tout cas, il laisse prudemment de côté ce qui a trait à la nature même de la critique. Il a peur d'aborder la question par ses grands côtés", Mgr Mignot au baron von Hügel, 8 février 1895, ms 2780.

931.

Lettres d'un inconnu…, 3 e lettre, f° 13.

932.

Lettres d'un inconnu…, 3 e lettre, f° 14.

933.

Lettres d'un inconnu…, 4 e lettre, f° 7.

934.

Lettres d'un inconnu…, 4 e lettre, f° 8.

935.

Lettres d'un inconnu…, 4 e lettre, f° 10.

936.

Lettres d'un inconnu…, 5 e lettre, f° 12-13.

937.

Lettres d'un inconnu…, 5 e lettre, f° 22.

938.

Lettres d'un inconnu…, 5 e lettre, f° 25.

939.

Lettres d'un inconnu…, 5 e lettre, f° 27.

940.

Lettres d'un inconnu…, 7 e lettre, f° 5. Il revient d'ailleurs longuement sur ce point dans la septième lettre.

941.

Lettres d'un inconnu…, 6 e lettre, f° 6.

942.

Lettres d'un inconnu…, 6 e lettre, f° 4.

943.

Lettres d'un inconnu…, 6 e lettre, f° 16.

944.

Lettres d'un inconnu…, 6 e lettre, f° 23.

945.

Lettres d'un inconnu…, 7 e lettre, f° 16-17.

946.

Lettres d'un inconnu…, 7 e lettre, f° 17.

947.

Lettres d'un inconnu…, 7 e lettre, f° 17-18

948.

Charles ROBERT (1856-1900) prêtre de l'Oratoire de Rennes, l'un des premiers collaborateurs de la Revue biblique.

949.

L'abbé Robert à Mgr Mignot, ADA, 1 D 5 01.

950.

Salvatore BRANDI (1852-1912), jésuite italien. Le cardinal Mazzella le fit nommé à la Civiltà Cattolica en 1891. Il en fut le directeur à partir de 1905.

951.

Mémoires, I, p. 414.

952.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 3 octobre 1896.

953.

Ne tend-il pas une ultime perche à Loisy en lui suggérant qu'il "serait facile avec quelques notes que vous donneriez de mettre le tout dans le ton" ?