2. Mgr Mignot et la genèse de L'Évangile et l'Église.

C'est à l'automne 1901 que Loisy évoque pour la première fois l'idée de puiser dans le manuscrit qu'il a rédigé à Neuilly des éléments d'un livre qui étudierait les rapports entre l'Évangile et ses développements historiques. Il en mesure toutefois la difficulté compte tenu des implications théologiques d'une telle approche et de la nécessité de s'en expliquer.

‘Ce que vous m'avez dit dans votre avant-dernière lettre ¹²¹⁴ , sur le développement de la doctrine chrétienne m'a fait relire les chapitres de mon catéchisme intitulés : L'Évangile et l'Église, l'Évangile et le dogme, l'Évangile et le culte catholique. Je me demandais si on ne pourrait pas les publier séparément, en un volume qui ne serait pas encore trop petit. Mais ce serait difficile. Pour en comprendre la portée, il faudrait le chapitre sur Jésus-Christ, qui fait suite à la religion d'Israël, sans compter les chapitres à la fin, sur le dogme et la science, la raison et la foi. Bref, il faudrait reprendre la publication au point où le Cardinal Richard l'a interrompue. Le moment n'est pas opportun. Et puis notre public a une façon d'entendre ce qu'on lui dit qui ne favorise pas les confidences ¹²¹⁵ .’

En mars 1902, les échos qui parviennent à Albi du cours que donne Loisy aux Hautes Études sur les paraboles, troublent l'archevêque. Tout le monde ne partage pas l'enthousiasme de l'abbé Bremond pour qui l'exégèse de Loisy "a de quoi donner la foi à une statue" ¹²¹⁶ . M. Ardoïn qui avait rencontré M. Vigouroux à Hyères, l'informe que les rumeurs concernant l'enseignement de Loisy sont inquiétantes : "son cours devient de plus en plus négatif, il enseigne qu'aucune des paraboles évangéliques ne doit être attribuées à N. S." ¹²¹⁷ . Ne sachant pas au juste ce qu'avait dit l'exégète, Mgr Mignot est embarrassé pour répondre. Il n'en prend pas moins sa défense. "J'ai répondu, écrit-il au baron, qu'on calomniait assurément M. Loisy, qu'il n'enseignait pas que les paraboles eussent été inventées par les disciples de N. S., mais que celui-ci avait emprunté des paraboles qui peut-être circulaient dans le monde juif" ¹²¹⁸ .

Il s'informe cependant auprès de l'exégète :

‘Dans un billet que j'ai écrit, ces jours-ci, à M. Klein pour le remercier de son article du Correspondant ¹²¹⁹ , je lui disais que vos adversaires ne désarment pas. On affirme que votre cours de Sorbonne devient de plus en plus négatif? ; que vous affirmez que les paraboles évangéliques ne sont pas de N. S. ; que bientôt vous ne laisserez rien debout, etc., etc., et tout ce qu'on peut dire quand on veut trouver les gens en défaut ¹²²⁰ .’

L'abbé Loisy lui répond qu'il a commencé son cours "en prouvant l'authenticité générale et même l'originalité des paraboles" et qu'il n'a fait de réserves que pour une seule parabole qui "a été présentée comme étant probablement toute entière de la tradition combinant et développant des éléments d'autres paraboles" ¹²²¹ . Mgr Mignot est soulagé : "Je me doutais bien qu'on vous avait calomnié en défigurant une fois de plus votre enseignement : merci d'avoir mis les choses au point" ¹²²² .