4. Sauvegarder l'autorité scientifique de Loisy.

Les péripéties qui conduisent de la publication de L'Évangile et l'Église le 10 novembre 1902 à sa censure le 17 janvier 1903 par le cardinal Richard, à la soumission de Loisy le 3 février puis à sa décision d'apporter des explications complémentaires dans Autour d'un petit livre en octobre, sont bien connues 1292 . Il n'est cependant pas inutile d'y revenir du point de vue de l'archevêque d'Albi, car elles expliquent pourquoi Mgr Mignot, très intimement associé à la démarche de l'exégète durant l'année 1903, comme en témoigne la fréquence de leurs échanges épistolaires, s'est dépensé sans compter pour éviter que la condamnation parisienne ne soit confirmée par Rome.

Une dizaine de jours après la parution de L'Évangile et l'Église, l'abbé Loisy est plutôt serein. Il annonce à Mgr Mignot que son petit livre a un certain succès 1293 et que les premières réactions ne sont pas de nature à l'inquiéter. Deux Jésuites lui ont même écrit pour le "féliciter et aussi pour protester contre le dernier article du P. Prat dans les Études" 1294 . Certes, d'autres correspondants trouvent qu'il met "la foi en péril par (sa) façon de présenter l'idée du royaume céleste et celle du Messie". C'est pourquoi il rédige, pour la seconde édition, outre un chapitre sur les sources évangéliques, "quelques pages où (il) montre que le royaume et le messie ne sont pas des conceptions illusoires. […] Cela n'est qu'insinué dans le livre, qui, après tout, n'est pas une apologie du christianisme". Il ajoute : "Mgr Duchesne, dont vous connaissez les tendances, m'a écrit, au sujet des deux premiers chapitres : hic jacet lepus. Ceux qui lisent tout droit n'ont pas vu ce lièvre caché" 1295 .

On voit bien pourtant à quoi pouvait faire allusion Mgr Duchesne. Dans ces chapitre sur le "Royaume des cieux "et sur le "Fils de Dieu", Loisy montre que l'essence de l'Évangile est à chercher dans l'espérance à la fois collective, eschatologique et historique du royaume céleste et que ce n'est pas sa conscience filiale qui constitue Jésus comme Fils de Dieu, mais sa conscience messianique. Ce qui signifie que l'Évangile ne se présente pas comme un absolu inconditionné, mais comme une réponse adaptée au milieu où il est né et qu'il s'est montré sans cesse capable d'adaptation :

‘Ce qui est vraiment évangélique dans le christianisme d'aujourd'hui n'est pas ce qui n'a jamais changé, car, en un sens, tout à changé et n'a jamais cessé de changer, mais ce qui, nonobstant tous les changements extérieurs, procède de l'impulsion donnée par le Christ, s'inspire de son esprit, sert le même idéal et la même espérance 1296 .’

Mgr Mignot répond à l'abbé Loisy de ne pas tenir compte de l'allusion du directeur de l'École française, car "un doyen intelligent qui est venu passer quelques jours ici n'a pas vu le lièvre de Mgr Duchesne. Il trouve le petit volume bien moins hardi que les études sur S. Jean. Chacun son goût, comme vous voyez" 1297 . Remarque intéressante dans la mesure où elle renvoie l'appréciation d'un livre non pas tant à son contenu objectif qu'à la subjectivité du lecteur. Mais avec un tel critère est-il encore possible de faire droit aux exigences de l'orthodoxie ? L'autorité peut-elle trancher à la place de la conscience ou plus exactement la conscience peut-elle se soumettre à une décision de l'autorité qui irait à l'encontre de sa propre compréhension ?

Le climat cependant change très vite. Le 20 décembre Loisy informe l'archevêque que "le bruit a couru que l'Index (l')avait même déjà censuré" et que "M. Vigouroux a été appelé subitement à Rome, pour donner son avis sur la condamnation qu'on prépare" ; que Mgr Batiffol s'apprêterait à "combattre prochainement (ses) erreurs" ; que le baron s'emploie à faire prendre conscience à ses correspondants romains de "l'impression que produit le petit livre dans le monde protestant, et l'impression différente, mais aussi vive, que produirait la condamnation". Il serait tout à fait piquant, conclut-il, que l'Index, qui n'a pas encore censuré Harnack, condamnât la réfutation" 1298 . Dès le lendemain, il se fait plus pressant 1299 . Il suggère à Mgr Mignot d'écrire au cardinal Rampolla en sa double qualité de Secrétaire d'État et de membre de la Commission biblique :

‘Comme votre nom ne peut manquer d'être prononcé, qu'on vous dénonce avec moi, je ne crains pas de vous compromettre. Il me semble donc que vous pourriez exposer à cette Éminence l'état de la situation : comme quoi vous avez appris que l'on veut créer quelque agitation autour d'un livre pour lequel l'auteur lui-même et ses amis ne font aucune réclame et qu'ils laissent au jugement des personnes compétentes ; que l'auteur l'a écrit tout simplement parce qu'il était navré de la façon pitoyable dont nos théologiens répondaient à Harnack ; qu'il a voulu réfuter ce protestant, dont le livre faisait grande impression sur beaucoup de personnes instruites, sans qu'on eût l'air de s'en inquiéter ; qu'il s'est placé sur le terrain de l'histoire où Harnack prétendait se mettre ; qu'il a combattu Harnack en lui opposant une vue historique du développement chrétien, et non un système théologique ou philosophique ; que, vu les chances qu'il avait d'être mal compris par des personnes prévenues contre lui, il était presque résolu à ne pas publier son travail, et que c'est sur votre conseil formel, donné pour telles raisons, qu'il a cru pouvoir le faire imprimer ; que, par conséquent, les circonstances morales de la publication ne laissent rien à désirer ; que l'effet sur les protestants, autant qu'on le connaît déjà, est considérable, plus grand qu'on aurait pu s'y attendre (lettres de personnages anglais et allemands à M. de Hügel) ; que, dans l'Église même, beaucoup d'ecclésiastiques et de laïques y ont trouvé la paix et non le trouble de la conscience ; que ce n'est pas l'auteur, mais les problèmes qu'il touche, et qu'il n'a pas inventés, qui peuvent donner de l'inquiétude aux âmes ; que son livre représente un effort pour donner à ces problèmes une réponse satisfaisante, et que si son œuvre a les imperfections de toute œuvre humaine, quiconque a des vues plus justes et plus complètes est libre de les faire valoir ; un blâme public infligé à l'auteur n'avancerait aucunement les questions et ne contribuerait pas à la pacification des esprits 1300 .’

Mgr Mignot lui répond que si la situation est tendue, il faut prendre le temps de la réflexion et que, dans ces conditions, il n'a pas l'intention d'écrire tout de suite au cardinal Rampolla. Que lui dire de plus que ce que Loisy a clairement indiqué dans sa préface, à savoir qu'il s'était placé "sur le terrain de l'histoire", le seul où il pouvait rencontrer Harnack qu'il voulait réfuter, ce qui a été "remarquablement fait". Les faits ont été présentés "tels qu'ils apparaissent du dehors à un esprit sincère, impartial, intelligent". Bien sur "ce point de vue n'est pas exclusif, il s'en faut bien ; il laisse intact l'action indéniable, surnaturelle de Dieu", mais cela Loisy n'avait pas à le dire puisque c'était se placer à un autre point de vue que celui de Harnack. Toutefois Mgr Mignot n'est pas insensible aux reproches que font ceux qui auraient voulu une apologie chrétienne :

‘On dit que vous ne tenez pas compte de la révélation ; que votre livre est un remarquable essai dans le genre d'une Esquisse de Sabatier ; que les choses auraient pu se passer naturellement, et sans le secours de Dieu, comme vous le dites ; par conséquent que l'Église n'est qu'une institution humaine, la plus parfaite des religions, mais, comme les autres religions de l'homme 1301 .’

Sans le demander encore à Loisy, on sent bien que c'est sur ce point qu'il souhaiterait que l'exégète s'exprime afin de lever toute ambiguïté.

Loisy qui a reçu du P. Gismondi une lettre l'informant d'une part que le P. Esser, secrétaire de l'Index, ne paraît pas avoir été troublé par son livre, mais que "trop de théologiens en sont choqués" pour qu'il ne soit pas condamné et d'autre part que "la condamnation ne semble pas du tout imminente surtout si l'on doit attendre l'avis de la Commission biblique qui "ne viendra pas de sitôt, puisque cette pauvre Commission n'existe pas encore", s'en remet à Mgr Mignot pour choisir le moment qui semblera le plus convenable pour intervenir : "Avec tout ce système d'intrigues secrètes et de politique cauteleuse, on ne sait jamais bien où les affaires en sont et ce qu'il peut être opportun de dire. Qu'ils condamnent ou ne condamnent pas, le livre a produit un effet et restera, quand même il n'y aurait pas de seconde édition" 1302 .

Même son de cloche de la part du baron qui estime qu'il n'y a "vraiment point occasion pour une lettre quelconque adressée par vous, mon bien cher Archevêque, à Rome, la situation étant et restant telle" ; et il ajoute : "Quel service, vraiment immortel et immédiat rendu à la religion, si notre L. finit par échapper à toute censure !" 1303 Mgr Mignot lui répond :

‘Votre lettre est pour moi un vrai soulagement. Je venais de demander votre adresse à M. Loisy […] pour vous écrire au sujet de la campagne qu'on va mener contre la très remarquable réponse à Harnack. Comme toujours, on est plus sage à Rome qu'en France. Oui, ce serait un beau succès si Loisy échappait à une condamnation : ce serait le droit de cité accordé aux recherches et études critiques, entendues dans leur vrai sens, et non dans celui de critique libérale 1304 .’

Mais le 1er janvier les choses prennent une tout autre tournure. L'abbé Gayraud commence dans l'Univers une série d'articles contre le livre de Loisy 1305 . Aussitôt Mgr Mignot demande à Loisy de préciser sa pensée :

‘L'on a besoin de savoir que le développement du dogme n'est pas une évolution naturelle comme celle de Sabatier. Quelques notes explicatives suffiront je l'espère, mais elles sont nécessaires. Je vous écris ces deux mots après lecture de l'article Gayraud dans l'Univers. Je vous en prie, faites cela, car je crains qu'on ne vous condamne, ce qu'il faut éviter 1306 .’

Au baron von Hügel, il se dit contrarié par "l'attaque de Gayraud 1307 , car Loisy sera jugé par les lecteurs de l'Univers qui ne connaissent pas son livre et dont les trois quarts seraient incapables de le comprendre", et il lui annonce son intention "d'écrire quelques pages dans la Revue du clergé français sous le titre : "M. Harnack et M. Loisy", pour remettre les choses dans leur vrai jour, pour montrer que Loisy répondant à un historien rationaliste ne pouvait se placer que sur le terrain historique ; que son but n'était et ne pouvait pas être de traiter de la question du surnaturel, ce qu'il laisse entendre clairement dans sa préface. […] Oui, dans quelques années, nos idées seront celles de l'Église, acceptées par tout le monde, mais en attendant c'est nous qui recevons les coups !" 1308

Mgr Mignot a un autre article en préparation. Un rédacteur de la Monthly Review, Maurice Gerothwohl, s'était adressé à Mgr Batiffol pour avoir "un article sur la question biblique et l'état des esprits en France touchant cette question". Le recteur avait décliné la demande et avait orienté le journaliste anglais vers Mgr Mignot. M. Gerothwohl propose à ce dernier de traiter "Le catholicisme et la critique biblique", car "la pénétration et la largeur de vos vues, que notre presse sérieuse a depuis longtemps révélées à nos cercles pensants vous assurent non seulement l'attention et la sympathie respectueuses de tous, mais la conviction chez beaucoup" 1309 . L'article doit paraître le 15 février et compte tenu des événements Mgr Mignot craint de s'être engagé trop vite. Il demande son avis au baron :

‘Ne connaissant ni l'état des esprits en Angleterre ni l'esprit de la Monthly Review, ne sachant pas si vos catholiques anglais ne seront pas scandalisés de voir un archevêque écrire dans une revue protestante, je m'en rapporte à votre appréciation. Si vous pensez qu'il vaut mieux ne pas faire d'article, je me dégagerai 1310 .’

Celui-ci lui répond immédiatement de ne pas publierdans la Monthly Review, "parce que depuis sa naissance, il y a à peine 2 ans, elle s'est distinguée par l'insertion d'articles bruyamment Catholiques-radicaux, non il est vrai sur votre question, mais enfin qui en ont certes fait la bête noire de notre Archevêché". Il conseille de publier dans le XIXth Century 1311 ou à défaut dans la Contemporary Review bien qu'elle "a été bruyamment anti-curialiste depuis quelque temps". Pour donner à Mgr Mignot une idée de l'état des esprits, il lui communique la lettre d'un publiciste catholique, le Dr William Barry qui vient de publier un compte-rendu louangeur du petit livre de Loisy dans le Pilot "parce qu'elle peint fort bien l'état d'âme de bon nombre de demi-éveillés parmi les nôtres de par ici" 1312 .Dans cette lettre, W. Barry plaide pour ne pas couper court à la discussion sur les rapports entre l'histoire et la théologie, mais il estime que la marge de manœuvre est étroite :

‘les catholiques ne se satisferont pas d'une Révélation qui ne révèle rien ou n'est pas miraculeuse et surnaturelle ; ils maintiendront que Jésus-Christ était plein de grâce et de vérité ; et un Évangile que l'on ne peut expliquer sans se référer à un Christ tel que celui que S. Jean nous donne, ne sera pas pour eux un Évangile du tout. En bref, ils jugeront l'histoire par la théologie 1313 .’

Aucun des deux articles projetés ne sera publié 1314 . D'une part, la censure portée par le cardinal de Paris rend impossible une prise de position sinon favorable du moins tolérante de la part d'un membre de l'épiscopat en faveur du livre de Loisy ; d'autre part, celui-ci avait annoncé à Mgr Mignot, avant même la censure, que s'il ne voulait pas "gâter" son livre par des "notes théologiques", il avait l'intention de publier un second livre dans lequel il justifierai sa démarche.

‘Que diriez-vous d'une brochure ainsi conçue : Autour d'un petit livre’ ‘1° Pourquoi on a écrit le petit livre.
2° De la méthode qu'on a voulu suivre dans le p[etit] l[ivre].
3° Pourquoi l'on a pas cité l'Évangile de S. Jean dans les deux premiers chapitres du p[etit] l[ivre].
4° Si le p[etit] l[ivre] compromet la divinité de J. C.
5° Si le p[etit] l[ivre] compromet l'autorité de l'Église.
6° Si le p[etit] l[ivre] compromet l'autorité des dogmes.
7° Si le p[etit] l[ivre] compromet la doctrine de l'Église sur les sacrements.
8° Pourquoi de grands docteurs, qui n'ont pas réfuté Harnack, ont attaqué le petit livre.
Qu'en dites-vous ?... Gardez je vous en prie le secret le plus absolu sur ce projet, qui ne peut être mis à exécution qu'après la fin des articles Gayraud et la publication de ceux qui paraîtront dans les Études et la Revue de Toulouse 1315 .’

Mgr Mignot se dit satisfait du projet. Peu lui importe la forme. Ce à quoi il tient absolument c'est à l'explication. Or le 19 janvier, en annonçant à l'archevêque la censure 1316 portée par le cardinal de Paris, l'abbé Loisy se demande s'il est opportun de publier les explications qu'il a préparées "car les explications ne seraient pas plus acceptées que le livre" :

‘Je vais me taire tout simplement et laisser passer les injures qui sont la seule arme dont l'Église dispose maintenant contre la vérité. Je ne pense pas qu'on m'inquiète autrement et je crois bien que je n'irai pas voir le Cardinal, quand même il m'y inviterait. Il dit avoir consulté six personnes 1317 . […] M. Monier n'en était pas et ne sait pas ou n'a pas voulu me dire les noms, que je ne lui ai pas demandés. Cela ne m'intéresse aucunement 1318 .’

Cette annonce ne surprend qu'à moitié l'archevêque, car M. Trogan avait écrit à M. Birot pour l'informer que le bruit courait à Paris que le cardinal, après en avoir conféré avec le cardinal Perraud, était à la veille de condamner Loisy. S'il est attristé de la décision de l'archevêque de Paris, il reste convaincu que Loisy doit tout faire pour rester crédible dans l'Église :

‘Je n'ai pas à vous exprimer une sympathie dont vous êtes assuré dans les douloureuses circonstances que vous traversez. Vous savez quelle interprétation favorable j'avais faite de votre pensée, quel bien pour l'Église et quel honneur pour vous j'attendais de votre petit livre : les événements me donnent tort.
Je n'en reste pas moins convaincu que vous êtes victime d'une erreur de méthode et que vos critiques ont rendu le théologien responsable des constatations de l'historien.
Après avoir beaucoup réfléchi à l'attitude qu'il convient que vous preniez à la suite du jugement de l'archevêché de Paris, laissez-moi vous dire que je ne puis partager votre manière de voir qui est de vous enfermer dans une abstention absolue. Ce silence serait exploité contre vous. […] Il s'agit moins dans ma pensée de votre personne que de la nécessité qui s'impose de ne point compromettre votre autorité scientifique aux yeux du public catholique. Pour la mission qui est la vôtre dans l'Église, je vous demande d'éloigner de vous tout motif de suspicion qui la paralyserait à jamais 1319 .’

Pour l'archevêque, il n'y a que deux partis possibles : écrire au cardinal pour lui dire, soit qu'il retire le livre du commerce et renonce à la deuxième édition, soit qu'il va donner en tête de la seconde édition des explications de nature à dissiper tous les doutes qui pourraient exister quant à son entière adhésion à la doctrine de l'Église catholique. Il préférerait la seconde solution à la première, mais si Loisy estime qu'elle est trop malaisée ou trop compliquée, qu'il s'en tienne à la première

‘elle coupera court à toute interprétation injuste et votre petit chef-d'œuvre, jeté momentanément comme lest, vous pourrez continuer vos travaux au milieu du même respect et entouré de la même attention, de la même autorité que par le passé. Consultez M. Monier : je serais bien surpris qu'il ne pensât pas comme moi 1320 .’

Loisy opte pour la première solution, mais il se refuse pour l'instant à écrire au cardinal Richard. S'il y est contraint, il protestera

‘contre de tels jugements et de la façon dont on les prépare, contre la coalition d'ignorance, de haines et de jalousie qui a provoqué celui-ci. Mgr Batiffol était à Paris et s'y est employé activement. Je méprise profondément tout ce monde-là, chacun à son rang et selon ses capacités. Quant à l'opinion catholique, ce que je puis dire en ce moment n'y fera rien 1321 . ’

Face à cette situation, le baron avoue être dans le "brouillard". D'abord sur l'origine de la censure. Il lui semblait que Rome n'était pas déterminé à prendre position, mais d'un autre côté il imagine mal que l'archevêque de Paris ait pu agir "sans quelque entente préalable avec Rome". De toutes les manières la censure parisienne va rendre "plus faciles, aux yeux de adversaires (de Loisy) à Rome, les tentatives de finir avec lui, là aussi. Et il est tant à désirer que ces condamnations restent Françaises, et ne deviennent pas Romaines aussi !" Ensuite sur la tactique à employer. Il est inquiet, malgré l'avis contraire qu'il lui a donné, de la détermination de Loisy de maintenir la publication de la traduction anglaise de L'Évangile et l'Église. Il craint que Loisy ne lui en veuille pour cet avis car il se peut finalement que l'exégète ait raison "de croire qu'il est temps, après une si longue et vraiment belle patience, de montrer un peu plus ses dents". Enfin sur les conseils de prudence qu'il a donnés à l'archevêque quant à son projet d'article. Il se demande en effet si un minimum de résistance ne s'impose pas :

‘Car, il est clair, que si on peut trop s'aventurer et irriter les autres à de nouvelles mesures : il est vrai aussi que si nous ne faisons rien et répondons aux autres en nous effaçant, ils se croiront de plus en plus libres de tout oser, et même pourront-ils fabriquer, de l'absence de tout appui publique (sic) de nos idées, une tradition légendaire d'une réprobation formelle déjà effectuée par l'Église de ces idées 1322 . ’

Mgr Mignot s'emploie d'abord à rassurer le baron von Hügel. Loisy serait tout à fait déraisonnable de lui en vouloir de n'être pas de son avis : il n'a pas de défenseur plus persévérant et plus dévoué. Lui-même a écrit à leur ami commun pour lui demander de faire paraître une brochure explicative.

‘Son livre a scandalisé les âmes simples et ignorantes ; j'ai reçu de plusieurs supérieurs de communautés d'hommes des lettres où l'on me demandait avec d'instantes supplications de réfuter ce livre, "plus dangereux que tous ceux de Renan" etc., etc. ; où l'on me disait que mon silence est un scandale, que je devais prouver victorieusement au monde chrétien que N. S. est Dieu, que l'Église est divine etc., etc. Voila pourquoi j'insiste auprès de notre ami pour qu'il rassure le monde ! S'il ne le fait pas il sera immanquablement condamné 1323 .’

L'archevêque aussi craint "que la condamnation portée par le cardinal Richard ne soit le résultat d'une entente secrète avec plusieurs personnages de Rome", à preuve le fait que cardinal Perraud a adhéré à la censure du cardinal de Paris 1324 . Cela l'afflige et l'attriste d'autant plus "la grande majorité de l'épiscopat - en raison de son ignorance de la question biblique - est de l'avis du cardinal de Paris". C'est une raison de plus pour que Loisy éclaire l'opinion. Mais tout cela ne doit point faire perdre espoir car, même si ni le baron, ni lui, ne verront la fin de la querelle, "la victoire restera à nos idées parce qu'elles sont vraies".

Un évêque au moins pouvait échapper au reproche d'incompétence en matière biblique, c'était Mgr Le Camus, évêque de la Rochelle. Mgr Mignot comptait sur lui pour défendre Loisy. Or non seulement celui-ci se récuse, mais il annonce à l'archevêque qu'il va prendre publiquement ses distances :

‘Je juge plus sévèrement que vous le livre de M. Loisy. Vous verrez dans ma petite brochure si j'ai raison. Il m'a paru impossible que des explications ne vinssent pas mettre au point ce qui est tout à fait en dehors des théories catholiques. L'impression que produit le livre est bien moins Harnack réfuté que Loisy exposé. […] Dans le quart d'heure, il m'a paru nécessaire de dégager le mouvement exégétique en partie provoqué par nous, des imprudences d'une exégèse de casse-cou et je crois que j'aurais bien fait 1325 .’

L'évêque de La Rochelle en a informé l'abbé Loisy et celui-ci prévient l'archevêque que si la brochure de Mgr Le Camus a quelque chose de désagréable pour lui, c'est par lui qu'il commencera la critique de l'orthodoxie : "Si je n'avais pas été hardi, il serait encore ce qu'il était il y a une douzaine d'années, c'est-à-dire pas très avancé, quoique déjà très hâbleur" 1326 .

Le texte de Mgr Le Camus paraît début février 1327 . Il est habilement daté du 14 janvier, ce qui lui permet de revendiquer la libre discussion dans l'Église et de juger inutiles les condamnations, sans donner pour autant l'impression qu'il se démarque de la censure de l'archevêque de Paris prononcée le 17. Il reproche à Loisy de ne pas discerner que la manière de faire de l'histoire à quelque chose à voir avec la théologie et donc que la critique doit rester dans les limites tracées par l'Église ; de se laisser aller à un criticisme qui en vient à dénier toute valeur aux textes évangéliques ; de réduire l'Évangile à une espérance alors qu'il est l'annonce de vérités.

Le commentaire que l'abbé Loisy fait de cette analyse de L'Évangile et l'Église, dans une lettre à l'archevêque, est sans appel :

‘La brochure de La Rochelle est pitoyable. Le dernier étudiant de la dernière université allemande n'aurait pas écrit cela. Ce bon Évêque était cru intelligent par quelques-uns à cause de son programme d'études. Il n'avait qu'à se taire pour jouir de sa réputation. Il parle. Tant pis 1328 .’

Mgr Mignot lui répond : "Évidement, Mgr Le Camus a répondu à côté de votre question et n'a pas réfuté votre thèse" 1329 . Est-ce à dire pour autant que Mgr Mignot ne partage en aucune façon les critiques de son collègue ? La formule qu'il emploie dans sa lettre à Loisy est suffisamment vague pour laisser ouverte la question. Sur un point au moins il est de son avis : "Mgr Le Camus a raison de protester contre les procédés de condamnation brutale", écrit-il à M. Vigouroux 1330 . Nous verrons que ce n'est pas le seul.

Entre temps, M. Vigouroux qui a été reçu en audience par le pape a écrit à Mgr Mignot pour lui "transmettre les paroles de Léon XIII". Celui-ci a été mal impressionné par une manifestation des étudiants de l'Apollinaire qui ont protesté contre la condamnation de Loisy. Il attend que l'exégète se soumette. "J'espère que vous obtiendrez de M. Loisy qu'il fasse ce que doit faire un bon prêtre qu'il a toujours été, qu'il accepte le jugement du cardinal Richard […]. Ce sera, de plus, le salut pour M. Loisy dans cette crise d'où va dépendre tout son avenir. Il peut faire le plus grand bien à l'Église et aux études bibliques par sa soumission ; il se ferait surtout du mal à lui-même par sa résistance" 1331 . L'archevêque transmet la lettre à l'abbé Loisy en lui demandant, s'il persiste à ne pas vouloir écrire au cardinal, de publier sa brochure Autour d'un petit livre 1332 .

On sait que Loisy s'est finalement résolu à écrire au cardinal de Paris pour lui dire qu'il s'inclinait devant son jugement et qu'il réprouvait "les erreurs qu'on a pu déduire de (son) livre en se plaçant, pour l'interpréter, à un point de vue tout différent de celui où (il s'était) mis et avait dû (se) mettre pour le composer". Quand il informe Mgr Mignot de sa décision, il lui suggère de dire à M. Vigouroux

‘qu'il est fort bien de me demander des concessions, mais qu'il serait encore mieux de m'en tenir compte […] ; que la presse catholique a joué dans la dernière affaire un rôle honteux pour l'Église ; que l'article de Batiffol est ignoble 1333 ; que mon silence dans cette bagarre a quelque mérite, d'autant que je pourrais, en parlant, mettre le feu à beaucoup de poudres ; bref que vous comptez que Rome se tiendra pour satisfaite, et que mes écrits, même L'Évangile et l'Église, ne seront point censurés là-bas 1334 .’

En même temps la réimpression des Études bibliques s'achève. Il a rédigé à cette occasion une préface qu'il a fait parvenir à l'archevêque. Il lui demande s'il ne la trouve pas trop "scabreuse" car il voudrait "profiter de l'occasion pour glisser le livre en douceur sous l'abandon de L'Évangile et l'Église".

Malgré son admiration pour cette introduction 1335 , Mgr Mignot déconseille formellement à Loisy de la publier :

‘Malgré le très grand désir que j'aurais de voir répandre les idées que vous y exposer, je ne crois pas qu'il soit actuellement possible de la publier telle qu'elle est : Non possunt portare modo. Votre Évangile et l'Église aurait fait grand bien si une meute de chacals ne s'était jetée sur lui ; il serait resté dans le domaine de la spéculation, de l'étude attentive, de la méditation sereine ; il aurait peu à peu éclairé et raffermi bien des esprits. Votre introduction ferait bien plus de tapage encore, par la raison qu'elle est plus accessible au grand nombre des lecteurs que ne l'était le petit livre. Étant donné l'état des esprits, on ne tiendra pas compte de votre silence : on arracherait contre vous une condamnation à Rome - ce qu'il faut éviter à tout prix 1336 .’

L'abbé Loisy hésite à renoncer à son texte. Certes, la préface ne peut passer en l'état 1337 mais, pour des raisons financières, il voudrait sauver l'édition et il propose des corrections visant à atténuer certains de ses propos 1338 . En marge de la lettre, Mgr Mignot a noté au crayon son sentiment. Il estime que seules les pages concernant les récits de l'enfance et la conception virginale devraient être absolument supprimées, mais il maintient qu'il est impossible de publier ce texte dans la situation actuelle. Il serait immanquablement condamné. Finalement, l'abbé Loisy, à contre cœur, se range à l'avis de Mgr Mignot 1339 . Mais il craint d'avoir "cédé trop et trop vite" en écrivant au cardinal de Paris : "L'Église est une terrible machine, et je ne voudrais pas être entraîné de concession en concession jusqu'au néant". En tout état de cause il ne se rendra jamais à Rome si d'aventure il y était convoqué ; il ne cédera pas sur la question de l'Imprimatur : "j'aimerais mieux ne pas écrire que de me soumettre à un examen pour une approbation épiscopale" ; il n'abandonnera pas son cours de la Sorbonne.

Or précisément son geste de conciliation est interprété comme un signe évident de l'absence de liberté des savants catholiques :

‘Ma lettre au Cardinal a eu pour premier effet de rendre encore plus précaire ma situation à la Sorbonne. Je vous dis cela tout à fait entre nous. Mais on a interprété ma démarche comme une rétractation. Et vous savez que les laïques jugent très sévèrement ces palinodies 1340 .’

Pour tenter d'aplanir des difficultés que l'abbé Loisy rencontre à la Sorbonne Mgr Mignot écrit à M. Lemire qui s'était fortement impliqué dans la nomination de l'abbé aux Hautes Études pour "voir avec lui ce qu'il y aurait à faire" 1341 . Quant au reste, il est d'avis "pour en finir, et faire cesser les clabauderies" que Loisy publie la brochure dont il lui a parlé pour faire taire "le troupeau des incompétents qui fait grand bruit" mais aussi pour les prêtres intelligents qui, comme le lui dit un professeur de grand séminaire "qui est de vos admirateurs", pensent que l'exégète tombe dans le défaut qu'il "reproche à bon droit à Harnack, de sortir du domaine de la critique pour faire de la théologie" et enfin pour "les simples qui ont besoin d'être rassurés sur l'orthodoxie" de l'abbé et dont il reçoit "des lettres navrantes et touchantes à la fois, à ce sujet" 1342 .

Cette publication est d'autant plus urgente que les nouvelles de Rome que reçoit le baron sont alarmantes. Il transcrit à l'archevêque une partie de la lettre qu'il a reçue du P. Gismondi "quant à la Revue biblique et à l'attitude attristante du P. Lagrange" :

‘Le P. Lagrange est ici depuis environ un mois, appelé de Jérusalem par le cardinal Rampolla, qui a l'intention de faire de la Revue Biblique l'organe officiel de la Commission. La pauvre Revue devrait être transférée à Rome. Le P. L[agrange] tâche de faire modifier ou du moins atténuer cette condamnation capitale 1343 . Oui : mais voilà que, malheureusement, il a pris sur lui encore une autre besogne, - celle de proclamer la nécessité de la condamnation de Loisy : "Si j'avais les idées de Loisy, je jetterais immédiatement mon froc... et je ne serais plus chrétien". Il nous a dit ceci, à Fracassini et à moi, lors de notre première rencontre, il y a un mois 1344 . ’

Par ailleurs tous les signes indiquent qu'il ne faut plus espérer "épargner à Loisy un coup romain" : le pape s'est plaint de Loisy lors d'une audience privée où il recevait plusieurs Jésuites dont le P. Gismondi qui a également "entendu foule de cardinaux et autres 'gros bonnets' s'agitant beaucoup sur cette matière". Le jésuite romain demande au baron qu'il écrive au "cardinal Rampolla, lui montrant les mauvais résultats qui suivraient, pour tout le monde Anglais, d'une telle action de Rome contre Loisy". Il hésite sur ce que doit faire l'archevêque. D'un côté il croit que Mgr Mignot pourrait "lui aussi, faire quelque chose de pareil" mais en même temps il ne faut pas hypothéquer l'avenir :

‘Quant à Vous, mon vénéré, précieux Ami, je sens intensément tout ce que vous pourriez faire et empêcher, parvenu à Paris ou même Reims ou Rouen, et combien il est souhaitable que vous ne vous exposiez pas plus que l'honneur et les besoins présents et très clairs ne le demandent, à l'opposition acharnée de l'autre parti 1345 . ’

De toute façon Loisy décline l'offre d'intervention de ses deux amis. Il pense en effet que Mgr Mignot doit réserver son "intervention pour le charivari qui suivra la condamnation inévitable" 1346 , et l'archevêque ne croit pas à une condamnation imminente. M. Vigouroux lui a certifié que Rome n'y été pas disposé. "Mais quoiqu'on fasse, écrit-il au baron, les problèmes demeurent et il faudra bien les résoudre. La question biblique ne saurait être tranchée par une décision de l'Index pas plus que la décision du S. Office n'a empêché la terre de tourner" 1347 .

C'est pourquoi il supporte mal les critiques qui lui sont faites en particulier sur son silence qui est interprété comme une approbation tacite de l'abbé. Il s'en explique auprès de Mgr Lacroix :

‘On me reproche en ce moment de soutenir l'abbé Loisy ! Et quand cela serait ? M. Loisy peut aller trop loin, avoir le tort de ne pas assez expliquer sa pensée, de ne pas se faire apologiste de sa foi sacerdotale - il ne croit pas avoir à la défendre - au lieu de rester le pur critique. Mais il n'en est pas moins vrai que la vérité est du côté des critiques sages et modérés. Mieux que bien d'autres vous savez dans quel direction marche le monde intellectuel. Nous restons des géocentristes sinon en astronomie, du moins en bien des choses, et alors on nous tourne le dos. […]M. Loisy inquiète bien des esprits, j'en conviens, mais si au lieu d'agir avec lui comme on l'a fait, on lui avait témoigné plus de confiance, on l'aurait rendu rassurant ; on l'aurait amené à défendre les saints Livres contre les rationalistes, on en aurait fait un remarquable apologiste. Hélas, au lieu du compelle intrare, il semble que la devise soit compelle exire ! 1348

Ce qui est en jeu à ses yeux c'est, ad intra la manière dont est traitée la gestion du débat théologique, et ad extra la crédibilité du discours de l'Église. Le problème que pose Loisy au magistère ecclésial, et cela depuis 1893, est d'abord pour lui le symptôme d'une difficulté majeure. L'évocation de la géocentrie n'est pas fortuite. Mgr Mignot a tout a fait conscience que l'Église se trouve devant une nouvelle révolution copernicienne et qu'elle n'y échappera pas.

Notes
1292.

Loisy s'en explique longuement dans ses Mémoires, II, pp. 158-195. Voir aussi E. Poulat, Histoire…, pp. 125-142.

1293.

Les 1500 exemplaires furent épuisés en deux mois.

1294.

Ferdinand PRAT (1857-1933), jésuite, professeur d'Écriture Sainte, nommé à la Commission biblique en 1903. L'article paru dans les Études du 5 novembre1902, pp. 289-312 "Progrès et tradition en exégèse", avait été rédigé avant la parution de L'Évangile et l'Église. Il entendait démontrer que la tradition catholique offrait assez de ressources à l'apologétique et qu'il était inutile et dangereux d'avoir recours à des nouveautés : "Il ne s'agit pas de forger des armes nouvelles mais de fourbir à nouveau celles que le temps aurait rouillées", pp. 289-290.

1295.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 21 novembre 1902, BLE, 1966, pp. 173-174.

1296.

L'Évangile et l'Église, 3e édition, pp. 101-102.

1297.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 29 novembre 1902, f° 171-172.

1298.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 20 décembre 1902, BLE, 1966, pp. 174-175

1299.

"On feint d'être très inquiet de mon livre, qui va faire perdre la foi à beaucoup d'ecclésiastiques (à cet égard, M. V[igouroux] n'a rien à reprocher à qui que ce soit, car il dégoûterait de la foi Abraham lui-même) ; on dit qu'il est plein (mon volume - et M. V[igouroux] aussi) de sous-entendus ; que l'apparence en est presque irréprochable, mais le sens pernicieux ; Mgr Batiffol, qui paraît-il, se réserve un grand rôle dans cette affaire, a dit que l'ouvrage était "fortement conçu, mais effrayant" ; et l'on sait, peut-être bien par lui, que je me suis décidé sur votre conseil à faire cette publication", L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 21 décembre 1902, BLE, 1966, pp. 175-178.

1300.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 21 décembre 1902, BLE, 1966, pp. 175-178.

1301.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 22 décembre 1902, f° 174-175.

1302.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 29 décembre 1902, BLE, 1966, pp. 178-179.

1303.

Baron von Hügel à Mgr Mignot, 31 décembre 1902.

1304.

Mgr Mignot au baron von Hügel, 3 janvier 1903, ms 2793

1305.

L'Univers, 1er, 2, 4, 9 et 10 janvier 1903, voir E. Poulat, Histoire…, pp.125-129. A propos de ces articles Blondel écrit à l'abbé Wehrlé : "J'ai souffert, autant que vous, quand j'ai ouvert l'Univers du 1er janvier, là où ex cathedra, sans réplique possible, devant un public mal préparé... l'Hercule de foire a commencé ses exercices de Béotiens", R. Marlé, Au cœur de la crise moderniste,p. 55.

1306.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 1er janvier 1903, f° 176.

1307.

"L'abbé Gayraud, qui devrait se contenter de faire de bonnes lois à la Chambre, est hanté du désir et du besoin de faire de la théologie. C'est un scolastique pur sang qui croit que toutes les questions sont résolues par S. Thomas. Il ignore ou feint d'ignorer que l'on fait de l'histoire avec des documents et non avec des théories préconçues".

1308.

Mgr Mignot au baron von Hügel, 3 janvier 1903, ms 2793.

1309.

Lettre du 6 décembre 1902, ADA, 1 D 5-01.

1310.

Mgr Mignot au baron von Hügel, 3 janvier 1903, ms 2793.

1311.

"C'est là que le Cardinal Manning, l'Évêque Patterson, le Père Ryder, et bon nombre d'autres Catholiques ont publié : je suis bien sûr que Votre apparition ne scandaliserait personne", baron von Hügel à Mgr Mignot, 5 janvier 1903.

1312.

Baron von Hügel à Mgr Mignot, 5 janvier 1903.

1313.

"Catholics will not be satisfied with a Revelation which reveals nothing, or which is not miraculous and supernatural ; they will maintain that Jesus Christ was full of grace and truth ; and a Gospel which can be explained without such a Christ in fact as St John gives us, will seem to them no Gospel at all. They will, in short, judge history by theology", W. Barry au baron von Hügel, 31 décembre 1902, ADA, 1 D 5-01.

1314.

Nous n'en avons retrouvé aucun brouillon dans les archives d'Albi. Celui pour la RCF a pourtant été complètement rédigé puisque Mgr Mignot annonce à Loisy : "L'abbé Birot vient d'envoyer à l'abbé Bricout un premier article dont je pense vous serez satisfait : il paraîtra dans le n° du 1er février de la Revue du clergé français", Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 19 janvier 1903, f° 178.

1315.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 4 janvier 1903, BLE, 1966, pp. 179-180.

1316.

Cette censure porte sur le fait que L'Évangile et l'Église a été publié sans imprimatur et qu'il est "de nature à troubler gravement la foi des fidèles".

1317.

La commission chargée d'examiner le livre était constituée de Mgr Péchenard, du P. Bainvel, s.j., de M. Many, sulpicien, de M. Letourneau, curé de Saint-Sulpice et de M. Lesêtre, curé de Saint-Etienne-du-Mont (Lettre de l'abbé Wehrlé à Blondel, 3 février 1903, R. Marlé, Op. cit, p. 71). Dans ses Mémoires (II, pp. 193-200) Loisy ignore Letourneau et parle de M. Fillion.

1318.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot,19 janvier 1903, BLE, 1966, pp. 181-182.

1319.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 22 janvier 1903, f° 179-180.

1320.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 22 janvier 1903, f° 179-180.

1321.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 23 janvier 1903, BLE, 1966, pp. 182-183.

1322.

Baron von Hügel à Mgr Mignot, 29 janvier 1903.

1323.

Mgr Mignot au baron von Hügel, 3 février 1903, ms 2794.

1324.

Loisy tenait pour certaine l'intervention romaine : "Je tiens d'un familier de la nonciature que l'affaire de mon livre a été réglée dans un conciliabule tenu chez le Nonce et auquel ont eu part Lorenzelli, le cardinal Perraud et un vicaire général de Paris qu'on m'a dit être Thomas, sans pouvoir l'affirmer absolument. Cette réunion a précédé l'institution de commissaires archiépiscopaux. Il me paraît clair que l'initiative est venue de Lorenzelli, ou de Perraud, du premier plutôt que du second ; que l'on a fait marcher le cardinal Richard ; et que l'affaire a été machinée à Rome même. Celui qui m'a raconté le fait et qui très Léontreiziste met le Pape et Rampolla en dehors ; il croirait volontiers à l'initiative personnelle de Lorenzelli. Mais il y a Perraud. Le plus probable est que Lorenzelli a reçu des instructions et que l'ont a voulu relever l'autorité du Cardinal Richard par la compétence académique de Perraud", lettre à Mgr Mignot, 27 février 1903. Cette information confirme celle selon laquelle le Nonce avait fait campagne pour que les évêques adhèrent à la censure de Paris. Mgr Mignot qui n'avait naturellement pas été contacté dans ce cadre, s'en était insurgé : "Si le Nonce agit comme vous dites il sort de ses attributions de Nonce : il n'est accrédité qu'auprès du gouvernement et n'est nullement un légat du Pape auprès des évêques. Si le gouvernement s'en doutait ce serait une cause de conflit", lettre à l'abbé Loisy 6 février 1903.

1325.

Mgr Le Camus à Mgr Mignot, 24 janvier 1903, ADA, 1 D 5-01. Attitude voisine chez M. Vigouroux : "Il est bien regrettable que M. Loisy ne se modère pas. Que de services il aurait rendu au progrès des sciences bibliques en étant modéré et sage !", lettre à Mgr Mignot, 16 janvier 1903.

1326.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 23 janvier 1903, BLE, 1966, pp. 182-183.

1327.

Vraie et fausse exégèse, Paris, 1903, 40 p. Voir E. Poulat, Histoire…, pp. 139-142. Mgr Mignot l'a en sa possession le 3.

1328.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 5 février 1903, BLE, pp. 187-188.

1329.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 6 février1903, f° 187-188.

1330.

Propos rapporté à l'abbé Loisy, lettre du 16 février1903, f° 187-188.

1331.

M. Vigouroux à Mgr Mignot, 29 janvier 1903, ADA 1D 5-01.

1332.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 1er février 1903, f° 181.

1333.

"L'Évangile et l'Église", BLE, janvier 1903, pp. 3-15. Dans cet article Mgr Batiffol esquissait une typologie des attitudes face au christianisme dans laquelle Blondel représentait la tentative d'acclimatation du kantisme et Loisy celle de l'agnosticisme évolutionniste. Voir E. Poulat, Histoire…, pp. 373-376.

1334.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 2 février 1903, BLE, 1966, pp. 184-185.

1335.

"Il a composé à cet effet une remarquable Introduction de près de 100 pages, où il expose avec une grande loyauté sa façon de concevoir la question biblique. Je viens de lui écrire de ne pas le faire actuellement : elle serait infailliblement condamnée à Rome, ce qu'il faut éviter à tout prix. Le plus pressé est d'apaiser les flots agités", Mgr Mignot au baron von Hügel, 4 février 1903, ms 2795.

1336.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 3 février 1903, f° 182-183. "Je me suis trouvé à Cahors avec M. Gayraud, qui prêchait un sermon de charité en faveur des écoles libres : je ne lui ai pas caché ma pensée, ainsi qu'à l'Évêque, qui est bon et intelligent, mais qui tremble à la pensée des conséquences de nos hardiesses. Seul un vicaire général de Cahors, M. Massabié, a eu le courage de se joindre à moi et de dire qu'il n'avait pas trouvé une seule erreur dans L'Évangile et l'Église, tout en disant qu'il fallait donner des explications".

1337.

"J'ai relu hier soir ma préface des Études bibliques, et j'ai été moi-même effrayé des abominations qu'elle contient. Je doute qu'elle puisse passer maintenant", lettre du 6 février 1903.

1338.

"pp. 5-6, ce qui est dit de la S. Commission ; mais cela pourrait peut-être rester sans trop d'inconvénient ; pp. 23-24, propos hardis sur l'exégèse conservatrice, mais cela ne constitue pas une doctrine hétérodoxe ; pp. 28-29, trop vraies, mais scandaleuses ? pp. 34, propos qui peut être interprété comme excluant la divinité du Christ vivant sur la terre, il me paraît vrai historiquement mais est-il indispensable de le corriger, et comment ? p. 37, paroles raides, mais peut-être pas trop dangereuses ; pp. 38-39, ce qui est dit des récits de l'enfance et de la conception virginale ; j'ai peur que cela n'ait besoin d'être amendé ou supprimé ; c'est, à mon avis, ce qu'il y a de plus scabreux dans toute la préface ; ce qui est dit de la résurrection pourrait scandaliser le Cardinal Richard, mais voudra-t-il encore se scandaliser ? p. 46, apostrophe éloquente aux théologiens ; mais ne l'ont-ils pas méritée ? p. 55, sur le caractère légendaire des récits ; cela n'est pas bien méchant ; p. 57, la façon d'écarter le miracle pourra sembler une négation ; p. 61, conclusion désagréable à M. Brunetière ; pp. 65-71, ce qui est dit des prophéties ; tout le dernier paragraphe serait inquiétant ; mais n'est-il pas inintelligible pour le commun des personnes orthodoxes ?", L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 3 février 1903, BLE, 1966, pp. 185-186.

1339.

"Mais quelle galère que la profession de savant ecclésiastique ! Quand je serai hors de ce pas, je ne toucherai plus à une question théologique ou apologétique. Je vois très bien que l'Église a encore bec et ongles pour se défendre contre ses ennemis, car elle est encore très forte pour écraser ses enfants. Il ne faut pas s'inquiéter pour elle", L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 3 février 1903, BLE, 1966, p. 187.

1340.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 27 février 1903, BLE, 1966, pp. 190-192. Il revient sur la question le 11 mars : "Ma lettre au Cardinal a mécontenté plusieurs de ces Messieurs des Hautes Études ; il n'est question de rien moins que de me refuser l'autorisation de continuer mon cours l'année prochaine. Pourra-t-on faire entendre à ces Messieurs qu'ils travaillent pour leurs ennemis et les miens ? Notez que le Ministre, qui, dit M. Lemire, m'est favorable, aurait difficile de passer outre à leur vote, et que ma situation dans ce cas, serait absolument fausse. - J'ai vu M. Lemire chez l'abbé Rousselot, avec M. Bérard et autres personnes. On a parlé un peu du Collège de France. Je crois, pour ma part, que c'est un rêve, et la mort de G. Paris doit enlever à ce rêve une grande part des petites chances qu'il pouvait avoir de se réaliser", l'abbé Loisy à Mgr Mignot, BLE, 1966, pp. 192-193.

1341.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 12 mars 1903, f° 191.

1342.

Mgr Mignot à l'abbé Loisy, 12 mars 1903, f° 189-190. Le 7 mars M. Vigouroux avait insisté une fois de plus en ce sens auprès de l'archevêque : "Il serait en tout cas bien à désirer que M. L. profite de la première occasion pour faire une déclaration de foi très explicite. Ce serait le meilleur moyen de fermer la bouche de ceux qui répandent (des bruits divers), soit contre lui-même soit contre Votre Grandeur elle-même, et ce serait de plus pour lui une sauvegarde à Rome".

1343.

Dans Le Père Lagrange, Paris, Cerf, 1995 (p. 106), B. Montagnes est discret sur les sentiments du P. Lagrange à propos de ce projet. Il note simplement qu'un accord était intervenu, approuvé par le Pape le 28 mars et que seule la mort de Léon XIII, quatre mois plus tard, en empêcha la réalisation.

1344.

Baron von Hügel à Mgr Mignot, 19 Mars 1903.

1345.

Baron von Hügel à Mgr Mignot, 19 Mars 1903.

1346.

L'abbé Loisy à Mgr Mignot, 21 mars 1903, BLE, 1966, p. 257.

1347.

Mgr Mignot au baron von Hügel, 22 mars 1903, ms 2796.

1348.

Mgr Mignot à Mgr Lacroix, 17 mars 1903, f°13-14.