5. Ramener la paix dans les consciences

Dès la publication du décret Lamentabili, nous l'avons vu, Mgr Mignot avait songé à réagir publiquement. Il était partagé entre la volonté de ne pas laisser sans réponse "les élucubrations de M. Fillion" 1477 publiées dans le Correspondant et le souci de ne pas paraître s'insurger contre le pape. Il considéra que le moment n'était pas opportun.

Il faudra l'encyclique Pascendi pour le décider du contraire. Le Correspondant publie en décembre 1907 un article en deux parties : "L'Église et la science" et "La Bible et les religions". Il se présente comme une réponse générale à la critique faite à l'Église de ne pas accepter les conclusions de la science et tout particulièrement celles de l'histoire. Mais sous couvert de répondre aux arguments de ceux qui estiment que la Bible contient des erreurs manifestes d'un point de vue scientifique et historique et que la notion de révélation est sans objet puisque la religion d'Israël a puisé ses propres conceptions religieuses dans les mythes des grandes religions des peuples du Proche-Orient, Mgr Mignot entend montrer que les derniers textes du magistère ne doivent pas conduire à un retrait des savants catholiques des champs de la recherche.

Quand l'archevêque annonce à Mgr Lacroix la parution de ces deux articles, il ajoute : "J'ai voulu pacifier plutôt que faire œuvre de critique proprement dit" 1478 . Mgr Mignot entend donc ramener la paix dans les esprits, croyants, cela va de soi. C'est dire que sous couvert d'apologétique, il vise en fait les catholiques ébranlés par les récentes condamnations romaines qui sont apparues comme autant de coups d'arrêt aux recherches menées dans les différents champs du savoir. Dans cette perspective, le premier article est à lire comme un appel à la patience : l'Église fait toujours preuve de prudence face aux nouveautés, mais n'hésite pas à les faire siennes dès qu'elle en perçoit le bien fondé et le second comme un appel à la confiance : le christianisme est à la fois l'aboutissement d'un long processus religieux et la manifestation d'une nouveauté radicale. Cette nouveauté garantit sa vérité et en même temps qu'elle autorise son développement.

Notes
1477.

Mgr Mignot à l'abbé Birot, 29 juillet 1907, ADA, 4 Z 4.

1478.

Mgr Mignot à Mgr Lacroix, 28 décembre 1907, f° 75-78. Même remarque au baron von Hügel : "J'ai pour pacifier et rassurer quelques esprits publié dans le Correspondant deux articles en décembre : je vous les enverrai en brochure et vous verrez que je vous ai volé sans pudeur. Donnez m'en l'absolution", lettre du 7 janvier 1908, ms 2815.