Mgr Mignot, nous l'avons vu 1765 , a vivement réagit en 1907 en apprenant que le cardinal Merry del Val s'était inquiété de sa présence dans la commission préparatoire à l'assemblée des évêques l'année précédente. Piqué au vif, l'archevêque écrit 1766 au cardinal Mathieu. Replaçant cet incident dans le cadre général de la situation de l'Église en France, il stigmatise la politique du Secrétaire d'État comme étant une politique de l'autruche :
‘Que mes idées critiques ne plaisent pas au cardinal Merry del Val, je le regrette, mais me rendent-elles moins catholique, moins attaché à l'Église, moins obéissant au Saint Siège ? Le cardinal est effrayé : il comprend que nous sommes à un tournant de l'histoire ; je le comprends comme lui, mais là où il ne voit qu'une question de rapports de l'Église avec les États, je vois, moi, une série de problèmes intellectuels. Il croit défendre l'Église, je crois la défendre avec le même cœur que lui. Seulement je crois qu'il faut la défendre en se plaçant sur le vrai terrain, qu'il ne faut pas fermer les yeux, ni s'imaginer qu'on a tout sauvé quand on a comme l'autruche caché sa tête sous le gazon. J'estime que les problèmes ne sont pas résolus parce qu'on feint de les ignorer ou de les tenir pour non avenus. L'Église ne se heurte pas seulement à la franc-maçonnerie, mais, ce qui est autrement grave, à l'histoire. Dois-je être suspect et signalé comme tel au monde entier parce que je consacre mon intelligence et mes forces à la défense de la vraie doctrine ? L'Église ne saurait être sauvée ni par l'ignorance, ni par la paresse 1767 .’La nouvelle apologétique se définit donc dans l'esprit de Mgr Mignot, qui de ce point de vue appartient totalement au XIXe siècle, le siècle par excellence de l'apologétique, par son objet qui est de défendre la "vraie doctrine". La nouveauté du défi réside dans le fait qu'il ne s'agit plus de combattre les déistes, mais la science positive, en particulier l'histoire, en tant qu'elle est la matrice de l'athéisme :
‘Il est facile de crier sur tous les tons , de répéter dans toutes les chaires qu'il ne saurait y avoir de conflit sérieux entre la science et la révélation. Mais, ce sont des mots. […] Pauvres saintes autruches qui s'imaginent être à l'abri de tout danger. Elles ne s'imaginent pas ces bonnes âmes qu'il y a autour d'elles tout un monde qui pense plus qu'eux (sic) et autrement qu'eux ! Qu'on renonce donc une bonne fois à ces arguments surannés qui font pitié et dégoûtent, disons le mot, les gens vraiment instruits de venir à nous, de rester avec nous, et à ces puérilités saintes dont on a bercé notre enfance et notre jeunesse sacerdotale 1768 .’Voir supra p. 420 et sq.
Du moins en a-t-il eu l'intention comme en témoigne un brouillon de lettre conservé dans les archives d'Albi
Brouillon de lettre au cardinal Mathieu, s.d., ADA, 1 D 5 11-02.
Journal 1899-1900, "Place des juifs dans l'histoire", ADA, 1 D 5 11-01.