2.3 La dérive de la prépondérance romaine.

Mgr Mignot aimait rappeler que Léon XIII lui avait dit, lors d'une de ses visites ad limina, qu'il n'y avait que deux autorités légitimes dans l'Église : celle du pape et celle des évêques. Pie X lui-même, dans sa première encyclique 1870 , avait solennellement rappelé que "le droit de commander, d'enseigner, de diriger, n'appartient dans l'Église à personne d'autre" qu'aux évêques. Fort de cette affirmation, on ne peut plus traditionnelle, mais revêtue à ses yeux d'une importance particulière puisque les papes régnant s'y référaient explicitement, il n'a pas cessé de plaider pour un réel développement du rôle des évêques dans le gouvernement de l'Église.

Dans l'esprit de l'archevêque, cette réévaluation de la place des évêques passait par une stricte limitation du domaine de l'infaillibilité d'une part et du rôle de la Curie d'autre part. Cette double limitation s'enracinait dans la réserve que l'ancien lecteur de Döllinger et vieux gallican qu'est Mgr Mignot manifeste à l'endroit de l'ultramontanisme dont il ne partage aucune des idées ou des sentiments : idéologie contre-révolutionnaire, transfert sur la personne du pape des sentiments royalistes, personnification du pouvoir. Comme l'a montré Cl. Langlois, l'ultramontanisme, outre le renforcement de la centralisation romaine et le triomphe d'une certaine ecclésiologie, "implique une nouvelle théologie morale, il s'appuie sur une rénovation liturgique, il promeut de nouvelles formes de piété, […] il impose enfin une nouvelle philosophie, le néo-thomisme" 1871 . Nous connaissons déjà les réticences de Mgr Mignot devant ces manifestations de l'emprise croissante de Rome sur l'Église de France.

Notes
1870.

E supremi Apostolatus du 4 octobre 1903.

1871.

Cl. Langlois, "L'infaillibilité, une idée neuve au XIXe siècle", Recherches et Débats, 1973, n° 79, p. 69.