1.2 La théologie.

Dans un article qui eut un certain retentissement en France : "Les rapports de la théologie et de la piété" ²¹⁸³ , le P. Tyrrell, en réaction très nette contre un intellectualisme exagéré et contre l'abus de la spéculation théologique, s'emploie à montrer que la connaissance intellectuelle est limitée par l'inadéquation des concepts à la réalité, que ce soit dans le domaine scientifique ou métaphysique. La connaissance humaine, quand il s'agit de Dieu, doit nécessairement avoir recours à l'analogie et au symbole. D'ailleurs la révélation n'a pas été faite "dans une pensée et une langue philosophique", mais au travers de "conceptions et de termes vulgaires". Son objectif n'est pas de satisfaire la curiosité de l'esprit, mais de nourrir la piété. Dieu a laissé aux hommes le soin "de traduire la révélation, à leurs risques et périls, dans des formules à leur goût". La théologie doit donc se rapprocher de la vie chrétienne à la fois pour y trouver son inspiration et pour la guider. La modestie du théologien est à rapprocher de la modestie des vrais savants qui ne prétendent plus donner une explication complète de l'univers : "la complexité de la nature ne se laisse pas enfermer dans le réseau étroit de lois et de formules abstraites". "La principale utilité de la métaphysique n'est pas de nous rendre plus compréhensible l'idée de Dieu, mais de nous faire sentir l'imperfection de notre manière humaine de la considérer".

Pour le P. Tyrrell, la révélation n'est donc pas la communication d'un ensemble de vérités, mais l'expression intellectuelle d'une expérience religieuse qui utilise nécessairement des symboles et des images dont l'intellect dispose à un moment donné de l'histoire. Cette expression intellectuelle, le P. Tyrrell l'appelle "expression prophétique". Une même expérience peut être traduite par différentes expressions prophétiques. Ainsi les apôtres ont-ils exprimé l'expérience de leur rencontre avec Jésus sous différentes expressions prophétiques : pour Matthieu c'est le Messie, pour Paul, le Nouvel Adam, pour Jean le Logos. Le rôle de la théologie est d'interpréter ces expressions prophétiques et de les traduire en concepts intellectuels dans les termes d'une philosophie donnée.