ANALYSE ET EXPLOITATION DES SOURCES

Collecter l'information demeure une phase délicate du travail de thèse. Il est vital d'y exercer son sens critique comme il est primordial de replacer l'événement dans son contexte, de pouvoir retirer l'indice sans le surcharger, de savoir noter. C'est encore dans cette phase que s'exacerbent le plus l'astuce et le "système D" ou que certaines formes de contacts y jouent un rôle principal.

Deux grands groupes de sources se distinguent : celles manuscrites et imprimées ainsi que les ouvrages et publications11 avec, en toile de fond, un problème souvent de taille, l'accès aux dites sources. Cette dernière évocation définit le désavantage manifeste de l'étudiant-chercheur de "province" par rapport à l'étudiant-chercheur de la capitale. Sans un "pied-à-terre" parisien, des contacts et des relations prêts à vous rendre service dans la consultation d'ouvrages par leur intermédiaire -et donc à distance-, toute analyse s'en trouverait tronquée, à moins de privilégier totalement l'étude locale mais qui deviendrait forcément restrictive tout en occultant certains paramètres ; une étude qui, quoi qu'il en soit, nécessiterait, tout de même, un accès, ne serait-ce qu'à la Bibliothèque Nationale.

Il faut aussi de l'intuition dans sa quête. La recherche bibliographique systématique comme la remontée des filières permettent un travail de base impératif. Seulement, c'est une tâche qui ne se dispense aucunement de la prospection dans les fichiers manuels et le "dépoussiérage" des ouvrages. Quant aux nouvelles technologies, elles ne doivent pas non plus être oubliées.

Dans le cadre d'une étude locale, la base centrale de données se fixe, pour l'essentiel, sur les archives municipales et/ou départementales. Quant aux bibliothèques et autres fonds, ils en constituent, en quelque sorte, les satellites. C'est par l'intermédiaire des fonds archivistiques que s'est, par exemple, collectée l'information qui, dans le cadre de cette étude, a permis de produire l'argumentation et de constituer le volume nommé Bible d'informations 12 ; un tome dont l'observateur se rendra rapidement compte à quel point sa légitimité se veut capitale dans l'interprétation des données.

"Au service du diable" : l'essentiel des sources se compose donc de l'exploitation de fonds d'archives et de l'analyse d'une historiographie, relativement riche sur la période courant du XIXème siècle au début du XXème siècle ; ce qui justifie, dans une certaine mesure, ô combien le risque incendie et ses conséquences préoccupaient l'homme, la société et les décisionnaires, à cette époque. Tous les ouvrages recensés n'ont effectivement rien du roman. Tous sont l'expression d'un désir : le concours à la sécurité des personnes et à la sauvegarde des biens ; certains y ont l'empreinte de la technique, des inquiétudes, d'autres de l'intérêt -déjà- pour l'institutionnalisation des unités de secours et leur fonctionnement.

Les archives nationales détiennent des documents qui intéressent au premier chef les thèmes auxquels l'étude se rapporte. Néanmoins, pour les plus significatifs -les documents officiels issus des sphères politiques et administratives-, tous sont accessibles par la consultation de publications précises : le Journal Officiel 13 ou le Bulletin des lois 14, les Recueils des actes administratifs15, les bulletins des différents ministères, notamment le Bulletin du ministère de l'Intérieur 16, les dictionnaires d'administration et plusieurs autres ouvrages, généralement disponibles dans la plupart des bibliothèques comme le préciseront plusieurs des notes de bas de page. Il est donc plus logique de s'attarder sur le patrimoine local comme d'une source directe, comme d'un corps et d'une armature pour le recensement de l'information.

Les archives départementales ne disposent que de quelques fonds se rapportant à la lutte contre l'incendie dans le Rhône et à la constitution des corps de sapeurs-pompiers, car, ce sont, en fait, les archives municipales de la ville de Lyon qui détiennent la quasi-totalité des données. Outre tous les documents relatifs à l'agglomération, elles possèdent ainsi, dans leur ancienne série H, tout ce qui a trait à la cité lyonnaise, à sa gestion du risque et à son organisation des secours. Cette série est aujourd'hui accessible sous le même registre mais est répertoriée en 1270 WP, 1271 WP, 1272 WP et 1273 WP. Il sera donc fait abondamment référence, dans les notes de bas de page, aux cotations de ces fonds d'archives et à leur provenance estampillée AML. C'est de cette sauvegarde que provient l'imposant travail sur les rapports d'incendie -délivré dans le tome V- à l'origine de la plupart des données statistiques et graphiques qui figureront dans plusieurs des chapitres abordés dans chacune des parties. Il est à noter que, malgré les dispositions nouvelles prises dans la consultation des documents, et qui entravent quelque peu les libertés d'accessibilité, le chercheur ou le simple curieux rencontreront en ces lieux de conservation un accueil convivial. Le personnel y est serviable.

De semblables critères caractérisent le personnel des archives du corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon. De structuration relativement récente, situé dans les locaux de l'état-major des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon17, ce fonds dispose de quelques pièces intéressantes. Les originaux sont, principalement, des registres de correspondances et de délibérations. L'accès se fait par recommandation et fonde, dès lors, l'adresse d'un témoignage de reconnaissance au colonel B. JANVIER.

L'interrogation de tous ces documents, inventoriés, classés, fournit déjà une base considérable que complète la lecture de sources imprimées puis d'ouvrages bibliographiques.

Les sources imprimées composent une forte tranche d'accès à l'information18. Elles ont la particularité de se confondre, spécifiquement, avec le thème de l'analyse puisqu'elles lui sont, soit antérieures, soit contemporaines. Quelle que puisse être la classification appliquée, il ressort un constat flagrant : la production d'ouvrages puis de publications qui concernaient l'incendie ou la façon de procéder à son éradication a été abondante. Cette observation se conduit tout au long du XIXème siècle et plus encore sur la période 1850-1900. La preuve est donnée, s'il le faut, de la présence et de la persistance d'une préoccupation récurrente dont l'esprit humain n'aura de cesse de chercher la solution, ce qui étaye l'hypothèse d'un risque omniprésent. Des ouvrages sur l'incendie font référence : ceux de ALDINI19, de CERISE20, de MICHOTTE21, de PARIS22 ou de PETIT23 ; d'autres sur les sapeurs-pompiers : ceux de BOUISSOU24, de BOURNAND25, de FROND26, de HITZEMANN27 ou de RABANY28 ; ou bien sur le service d'incendie, au sens de l'office rempli, que ce soit au travers de livres très théoriques, comme les fameux manuels RORET29, ou au travers de recueils destinés aux sapeurs30 ou d'ouvrages qui formaient des instruments de vulgarisation31. Quant à l'histoire des corps, elle suscitait déjà un certain intérêt32.

Au chapitre de la ville de Lyon, outre les collections qui donnent un droit d'entrée à la connaissance historique de la cité, les documents paraphés sous le profil de la municipalité et les comptes-rendus des procès-verbaux des séances du conseil municipal33, ce sont le Recueil des actes administratifs du département du Rhône 34, les Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon 35 et la presse locale qui brûleront les planches36.

Quant à la bibliographie37, cette dernière, dans sa présentation, est loin d'être exhaustive. En quelques pages, elle tente de faire le tour d'ouvrages de références dans les domaines précis que sont la recherche historique, la France du XIXème siècle et la ville de Lyon. Toutefois, c'est à la partie consacrée au "diable" et à ses "serviteurs" qu'une attention toute particulière doit être accordée. Le XXème siècle, dans la littérature du feu, marque l'analyse de la flamme sous toutes ses facettes, y compris de l'interprétation symbolique38 à la psychanalyse39 en passant par les mythes40. Surtout, et avec le développement de la culture, de l'histoire, des sciences humaines mais également des techniques, des réglementations, ce sont tantôt des publications à caractère historique tantôt des recueils théoriques qui vont occuper le devant de la scène.

Sous le modèle de la définition, de la réglementation, de la prévention et de la gestion des risques, se citent ainsi, parmi de nombreux écrits, ceux de BELTRAMELLI41,
CHALINE et DUBOIS-MAURY42, GRAPIN43, ODILLON44 ; les publications d'organismes spécialisés : par exemple, celles de l'Association Française de Normalisation -AFNOR- ou de la Direction de la Sécurité Civile -DSC-.

Sous le modèle des corps de sapeurs-pompiers, sous celui de l'institution, la relation est fréquemment le fait de personnes qui gravitent ou font partie du milieu propre aux soldats du feu, de juristes, voire de passionnés d'histoire. Très peu d'éditions proviennent du milieu de la recherche universitaire dont la voie a pourtant été ouverte par
H. LUSSIER45. Cet état des lieux se modifie aujourd'hui lentement avec des étudiants de maîtrise et parfois de niveau supérieur qui profitent du vide pour s'engouffrer dans la brèche de cette histoire des sapeurs-pompiers ou du risque, dans cette partie de l'histoire sociale, urbaine et technique, d'une classe d'individus, qui reste à édifier. Du point de vue local, narratif et descriptif, seule la quantité des monographies, oeuvres d'érudits ou, encore une fois, de passionnés, témoigne de l'intérêt porté à la profession et à son office ; une sollicitude reprise d'ailleurs, à son compte, par la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers Français (FNSPF) avec un projet de constitution : celui d'un comité d'histoire, cercle né, à l'origine, sous le patronage de Georges DUBY.

Parmi les sources figurent enfin des espaces comme les musées qui, sous leur définition propre, conservent les traces du développement technique, de l'évolution. C'est le cas du Musée des sapeurs-pompiers du Grand Lyon. La cité lyonnaise peut se prévaloir de disposer d'un étonnant et prestigieux musée : un lieu de mémoire et de culture qui retrace, tout au long d'un cheminement visible, les différentes étapes qui se sont rapportées à la défense contre le feu ; le tout sous une priorité et avec un axe majeur : la période qui va du XIXème siècle au début du XXème siècle.

Cette analyse condensée des sources ne saurait s'achever sans l'adresse de remerciements et de témoignages de reconnaissance ciblés sur l'accession à l'information, aux ouvrages et aux publications. Outre les personnels des archives municipales et des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, des remerciements sont destinés aux employés de la Bibliothèque Municipale de Lyon, principalement pour une liberté de consultation et une accessibilité dans plusieurs collections que peu de lecteurs doivent avoir. Un témoignage particulier sied également aux "pied-à-terre" et aux "intermédiaires" parisiens qui se reconnaîtront dans cette simple évocation de façon à éviter les omissions ; à l'adjudant ROLLAND, de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et du magazine "ALLO 18", pour l'ouverture des portes de sa bibliothèque privée.

Notes
11.

Voir le tome IV : Sources et bibliographies (détails).

12.

Voir le tome V : Bible d'informations (détails).

13.

Disponible à la BML.

14.

Idem 12.

15.

Le Recueil des actes administratifs du département du Rhône est accessible à la BML et à la BUQ.

16.

Le Bulletin du ministère de l'Intérieur est consultable à la BUQ.

17.

Direction Incendie et Secours – Etat-major des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon – 17-19, Rue Rabelais – 69003 Lyon.

18.

Voir, dans le tome IV, la partie consacrée aux sources imprimées.

19.

ALDINI J. - Art de se préserver de la flamme, Paris, Huzard, 1830, 170 p.

20.

CERISE G. - Etudes sur l'ancienne France : la lutte contre l'incendie avant 1789, Paris, L. Warnier, 2ème éd., 1893, 64 p.

21.

Pour ne citer qu'un ouvrage de cet auteur : MICHOTTE F. - La science du feu – Etude théorique et pratique de l'incendie, Paris, Vve C. Dunod, 1905, VI-563 p.

22.

Pour ne citer qu'un ouvrage de cet auteur : PARIS G. - Le feu à Paris et en Amérique, Paris, Germer-Baillère, 1881, VIII-219 p.

23.

PETIT M. - Les grands incendies, Paris, Hachette et Cie, 1882, 302 p.

24.

BOUISSOU J. - Le régime des sapeurs-pompiers, Toulouse, G. Mollat, 1911, 196 p.

25.

BOURNAND F. - Les sapeurs-pompiers, Paris, A. Taffin-Lefort, 1893, 282 p.

26.

FROND V. - De l'insuffisance des secours contre l'incendie et des moyens d'organiser ce service public dans toute la France, Paris, P. Dupont, 1851, VI-224 p.

27.

HITZEMANN I. - Les sapeurs-pompiers de France, Versailles, La Gutenberg, 2ème éd., 1909, LXXXII-241 p.

28.

Pour ne citer qu'une édition : RABANY Ch. - Les sapeurs-pompiers communaux – Commentaires pratique du décret de 10/03/1903 portant règlement d'administration publique sur l'organisation des corps de sapeurs-pompiers, Paris, Berger-Levrault, 4ème éd., 1914, XVI-425 p.

29.

PAULIN G. - Nouveau manuel complet du sapeur-pompier, ou théorie sur l'extinction des incendies, Paris, Roret, 2ème éd., 1850, VIII-272 p.

30.

DUPRE D.A. - Nouveau manuel du sapeur-pompier, Paris, Fland, 1847, VIII-189 p.

31.

NANSOUTY M.C.(de) - Au feu ! Chaleur, lumière, chauffage, éclairage : les dangers d'incendie ; comment les prévenir et les combattre, Paris, J. Dumoulin et Cie, 1907, VIII-190 p.

32.

BOURNAND F. - Le régiment des sapeurs-pompiers de Paris, Paris, Moutonnet, 1893, 36 p. / ROUSSET H. - Histoire des pompiers de Grenoble (1500-1892), Grenoble, Hatier, 95 p.

33.

Disponible à la BML.

34.

Idem 32.

35.

Disponibles à la BML et aux AML.

36.

Chacun des éléments précités a d'ailleurs largement contribué à la réalisation des tableaux figurant dans la Bible d'information.

37.

Voir, dans le tome IV, la partie consacrée à la bibliographie.

38.

Pour ne citer que cet auteur : BAYARD J.P. - La symbolique du feu, Lausanne, Payot, 2ème éd., 1973, 225 p.

39.

Pour ne citer que cet auteur : BACHELARD G. - La psychanalyse du feu, Saint-Amand, Gallimard -réimpression de l'original de 1931-, 1968, 190 p.

40.

Pour ne citer que cet auteur : FRAZER J.G. - Mythes sur l'origine du feu, Paris, Payot -traduction de l'original publié en 1931-, 1991, 243 p.

41.

BELTRAMELLI R. - Traité de prévention, Paris, France-Sélection, 1974, 1478 p.

42.

CHALINE Cl. / DUBOIS-MAURY J. - La ville et ses dangers : prévention et gestion des risques naturels, sociaux, et technologiques, Paris, Masson, 1994, VIII-247 p.

43.

GRAPIN P. - Les incendies, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, 128 p.

44.

ODILLON A. - Le dictionnaire du feu, Paris, L'argus, 2ème éd., 1953, 1015 p.

45.

LUSSIER H. - Les sapeurs-pompiers au XIX ème siècle – Associations volontaires en milieu populaire, Paris, L'Harmattan, 1987, 174 p.