Conquis par une première expérience de la recherche au moment de la préparation d'un diplôme de maîtrise, le cursus universitaire que j'ai suivi s'en est trouvé influencé au point d'aboutir, aujourd'hui, à la présentation d'une thèse de Doctorat. Seulement, l'étudiant de maîtrise que j'ai été était loin de soupçonner, même s'il l'imaginait, l'intensité et le degré des sacrifices que réclament la conduite et la préparation à l'obtention du
titre de "docteur ès" une spécialité. Concevoir la nécessité de fonder son travail, de lui accorder rigueur et méthode, temps et sacrifices, demeure du domaine du superficiel
pour le profane ou la personne extérieure. Pour celui qui vit l'événement de l'intérieur,
cela dépasse généralement tout ce qu'il a pu envisager en termes d'amplitude ; cela a été mon cas.
Bâtir un travail académique du niveau d'une thèse n'est pas du domaine de l'insignifiant. Il n'existe pas de synonymie qui puisse en porter les caractéristiques. Il ne s'agit pas d'une activité dans sa définition classique ; une thèse se vit. La vie s'organise autour de celle-ci. Difficile de chasser sa présence. Même dans les moments les plus inattendus, elle refait surface. Sans cesse le côtoiement est perceptible. Elle s'immisce partout sans se soucier de la jalousie, des droits et des libertés. C'est un travail qui pèse sur l'individu par les sacrifices qu'elle impose. Elle réclame une discipline et une hygiène de vie dignes de l'athlète de haut niveau en quête de reconnaissance, du titre supérieur qui ne s'obtient qu'avec un travail de fond, de qualité et un don de soi. Car voilà bien là un couronnement, un aboutissement, une atteinte de ses propres limites quand il ne s'agit pas d'un dépassement ; la consécration ou non de l'aptitude d'un individu à mener et à construire une réflexion, à effectuer un travail de longue haleine, à garder le cap et à se maintenir dans la course. Pas seulement d'ailleurs ; c'est aussi le jugement de ses capacités intellectuelles, de traits de caractère qui l'animent comme la ténacité, la volonté et le courage.
L'achèvement d'un travail de recherche de cette envergure se mêle, métaphoriquement, à un sentiment et une conviction de sportif : avoir tout donné. Comme dans l'épreuve, la préparation est primordiale. Elle pèse sur tous les paramètres : vie personnelle et privée, vie familiale qu'affectent déjà doutes et repli sur soi. Pour ne pas l'avoir encore fait, l'occasion m'est donnée de remercier toutes les personnes que représentent ces deux pôles majeurs de vie et qui s'y reconnaîtront, amis ou proches, intimes et membres familiaux, pour leur soutien, leur aide, leur compréhension et leur affection.
Si j'accède aujourd'hui à la présentation de ce travail, ce n'est pas, non plus, sans un sentiment de "fierté". Celui d'avoir, difficilement, réussi à concilier des études de "haut niveau" avec une activité professionnelle46. Avec recul, il me semble aujourd'hui ne rien avoir à regretter dans cette configuration, surtout pas l'épreuve au regard de la rigueur et de la discipline qu'elle impose, la force de caractère, la motivation et la résolution qu'elle provoque.
Bâtir un tel travail n'est pas que l'unique synonyme de sacrifices et de contraintes : il l'est aussi de plaisirs et de satisfactions, de doutes, d'inquiétudes et d'incertitudes. Le plaisir de voir s'édifier, pierre après pierre, "l'oeuvre" ; doutes dès lors que les périodes de production, en recherches, en notes, en analyses ou en rédaction, se dérobent aux périodes stériles sur ces précédents points, phases généralement imposantes et longues ; inquiétudes et émoi face, parfois, à la disparition de l'information ; incertitudes lors de chacune des remises en question qui mènent parfois jusqu'à envisager le pire pour un chercheur : le non-achèvement de son travail47.
Voici qu'aujourd'hui je livre cette étude à l'appréciation et à la critique de mes pairs. Conscient des limites et des imperfections de cette recherche, j'en revendique cependant l'orientation et les choix personnels qui l'ont conduite. J'en attends un jugement objectif qui me permettra d'attribuer un sens, définitif, aux années que je lui ai consacrées et, par-dessus tout, à mon avenir. Excès, carences, redondances, choix, orientation, organisation, plan, hypothèses, démonstration, rédaction, conclusions, méthodes, tout est critiquable ou tout est justifiable ; seuls dépendent le point de vue et la position auxquels il est choisi de se référer.
"Au service du diable", ...
Une "économie de subsistance".
Un point extrême qui n'est plus, à présent, qu'un mauvais souvenir.