Introduction

Les notes de bas de page sont régies par une organisation précise et homogène sur tous les volumes de la présente recherche. Lorsque, dans une note, il est fait référence à une source, quelle qu'elle soit, elle se trouvera généralement indiquée en premier lieu avant que ne le soient d'éventuelles précisions sur les faits ou l'argumentaire. Le but avoué est de garantir une fonctionnalité maximale dans l'usage qu'il sera fait des intitulés Ibidem et Idem.

Lorsqu'une référence se trouvera être citée plusieurs fois sur une même page, dès la seconde citation, le terme Ibidem ou Idem, souligné, sera employé avec un renvoi à la note concernée. L'emploi de l'un ou de l'autre de ces vocables tiendra, soit dans l'exacte reproduction du référentiel, soit dans l'expression d'une différence sous le rapport à la même source.

Concrètement, si une note reprend une référence dans son intégralité, soit une notice bibliographique et des précisions de pagination, ou une liasse d'archives et une spécification documentaire, Ibidem x sera employé48. A l'inverse, lorsqu'une note ne recouvrera que la source mais une détermination de pagination ou de pièce différente, Idem x sera employé avec un correctif du folio ou de l'indication documentaire.

Exemple 49 :

‘"Le bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon a donc été organisé par un arrêté préfectoral du 1er septembre 185250. Cet acte s'appuyait, en référence, sur des textes distincts51 ; (...). (...). Il faudra, à ce titre, attendre le 14 novembre 1858 pour enrayer cette carence52. (...)" ’

De manière à aborder cette étude sous le meilleur angle, il est indispensable d'avoir parcouru les pages qui forment l'avant-propos.

Une table des documents et une table des matières sont disponibles en fin de
tome III, en ce qui concerne les volumes I à III ; une table des matières est également accessible en fin de chaque volume pour les tomes IV et V.

Il est recommandé de pouvoir disposer aisément, à la consultation, du volume V pour une appréciation accrue de plusieurs des chapitres de cette recherche.

‘"L'incendie est un très beau personnage dramatique. Ce n'est pas comme la tempête ou le tremblement de terre ou la foudre, les manifestations d'un dieu : c'est un dieu en chair et en os’"53. Et quel dieu ! Tantôt bénéfique, tantôt maléfique ; image de la vie ou expression de la mort. Tout est dit dans cette citation prêtée à Jean GIONO. L'allégorie y est puissante ; l'évocation, pleine de sous-entendus : de la théâtralité de l'événement à la synonymie passionnelle en passant par l'opposition entre le rationnel et l'irrationnel, entre l'humain et le divin ; des concepts d'antithèse qui se prêtent à un unique élément : le feu ; celui-là même qui a concouru à favoriser la supériorité de l'homme sur l'ensemble des êtres vivants ; ce Janus qui sera de toutes les légendes, de tous les mythes, de toutes les religions54 ; cet élément qui, force est de le constater, est indissociable de notre histoire.

L'interrogation persiste quant à savoir s'il faut fonder sur cette citation la persistance d'une représentation de la flamme issue de la nuit des temps, celle qui veut que le feu ait appartenu aux Dieux ; certainement pas car c'est bien ici l'image qu'il faut y voir transpirer et la dure réalité d'un phénomène redouté : l'embrasement ; la conflagration qui livre l'individu et sa famille à la ruine, à des situations tragiques ; le sinistre qui détruit l'outil de travail, consume l'instrument d'enrichissement des uns, celui de survie pour les autres.

Le portrait n'a rien de caricatural. Il se justifie au regard de plusieurs des pages de notre histoire. Toutes n'ont pas uniquement gardé les traces de l'évolution historico-sociale des civilisations qui se sont succédées. En les feuilletant, plusieurs événements refont surface, y compris les catastrophes qui livrent l'importance, la gravité ou la fréquence de phénomènes récurrents comme celui d'incendie.

Cette manifestation a pour origine la flamme, simple dégagement simultané de chaleur et de lumière que produit la combustion de certains corps. Pourtant, il n'y a rien de si simple. Le feu est un élément qui a presque raison de toutes les matières. Quant il ne les détruit pas, il les transforme. Quant il n'est pas un foyer producteur de chaleur ou une source de lumière, il est un fléau destructeur, un organe de désolation. Il ne revêt pas une spécificité mais des spécificités qui font de cet élément un "être" ; un "être" que les Dieux ou qu'un Dieu auraient envoyé sur la terre par compassion face à la condition humaine55, donation pour laquelle ils auraient omis d'informer les hommes sur certains des aspects de la flamme ; ce qui lui donne cette légitimité d'une nature originelle issue d'essence divine que lui octroieront les premières civilisations56.

Le feu est une richesse, pas uniquement au titre des bouleversements qu'il est envisageable de lui attribuer, mais dans un sens beaucoup plus large. Il s'agit plus de la richesse d'un sujet qui emboîte le pas à chacun des aspects de la vie humaine. Le rapport à l'élément n'a cessé d'exister. Sous de multiples visages, le feu fait partie intégrante de la civilisation. Même si les liaisons de l'homme moderne avec cet élément ont changé, le symbole persiste. Une sorte d'invincibilité le conditionne. Un halo de mystère continue de l'entourer. Si les sciences ont atteint les étapes de sa connaissance, si les hommes ont vaincu leur peur et fondé leur perception du feu de façon rationnelle, des interrogations subsistent ; un questionnement foncièrement capital et qui trouve sa genèse et sa pertinence dans notre histoire culturelle ; une problématique à laquelle archéologues, anthropologues et ethnologues cherchent encore plusieurs des réponses.

Le feu figure parmi les plus anciennes possessions de l'être humain. Au titre de sa "découverte", il sera le corps le plus précieux, le plus cher57. Très anciennement et très étroitement lié au devenir de l'espèce humaine, il aurait été au fondement du groupe social58. Il aura ou aurait surtout été l'un des principaux facteurs de l'évolution de notre espèce. Dans chaque étape de socialisation, sa présence est caractéristique. Au-delà de la préservation de la flamme, la découverte des procédés de production du feu et leur apprentissage en feront une richesse et une fortune qui enfanteront les liens étroits déterminant le rapport entre la flamme et la société.

La possession de cette force naturelle engendrera une symbolique et des croyances religieuses profondes. Les arcanes, la magie, l'énigme de son origine, le double visage de l'élément classeront le feu hors normes. Il est du domaine du sacré.

Les conceptions mettront longtemps la flamme hors d'atteinte et placeront l'incendie comme une fatalité et une acceptation sociale. Reconnu parmi les principes d'organisation, vénéré, adulé, glorifié, instrument de justice, outil de soumission, agent du réconfort, vecteur de ruine, la perception du feu demandera du temps pour voir se profiler un glissement vers des vues plus cartésiennes ; principalement sous la double représentation qui désignait la flamme en tant que principe d'organisation individuelle, de richesse sociale, et la cause de dévastation. La compréhension n'aura rien d'aisé. Comment un élément de vie et de développement pouvait-il devenir une cause de mort et de désolation ? Quel autre pouvoir que celui des Dieux détenait un droit de vie et de mort, que cette dernière soit sociale ou soit humaine, sur l'individu ?

Le feu, bienfaiteur de l'humanité, peut édifier une réalité au regard des bouleversements qu'il engendrera. Seulement, la question demeure quant à la vénération que lui ont portée les hommes. Etait-elle celle de la curiosité qu'aucune explication ne pouvait soulever ? Etait-elle celle du don et du bienfait, véhicule du bien-être ? Ou était-elle celle du corps irrémédiablement "in-domesticable" qui, de sa chétivité de flamme, avait le pouvoir de se transformer en monstre puissant ? Vraisemblablement, la considération a été au croisement de ces différents et précédents concepts. Toutefois, c'est le monstre puissant, l'égal de l'incendie, qui frappera le plus l'attention et l'esprit. Le feu conserve, dans les sociétés modernes, son double visage du bien et du mal, du bénéfique et du nuisible. Il laisse une fausse impression de domestication qui ne prépare, en aucun cas, l'individu à ses débordements lorsque, de foyer, il devient brasier. Il a donc la particularité de l'image qui fonde la maîtrise de l'homme sur l'élément tout en conservant une docilité inachevée ; un contresens en définitive. Pourtant, il s'agit bien du même élément. Aussi petit peut-il être, une simple flamme, aussi catastrophique peut-il devenir. Les villes de Paris, Londres, Rennes, Chicago en ont subi les caprices jusqu'à en être parfois de très cruelles illustrations.

A la lecture des événements, chacune de ces cités a réellement vécu un ou des phénomènes tragiques. La tragédie a encore tout son sens au milieu du XIXème siècle. Dans son projet de réorganisation du corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, l'architecte Christophe CREPET ne qualifiait pas l'embrasement de simple accident mais de fléau59. Il le présentait comme une lave courante et brûlante sans aucun obstacle. Pourtant, cette visée de restructuration des services de secours lyonnais date de 1851. Il s'agit donc de l'ère contemporaine. Certes, le profond désir d'obtenir l'attention de l'administration et l'aboutissement du dessein ont pu porter à l'exagération. Seulement, l'auteur n'était pas si loin de la vérité. Sa sollicitude demeurait louable face à une menace omniprésente et vis-à-vis de ses concitoyens. Si l'incendie avait perdu de son fatalisme, il était encore un fléau. Il ne deviendra un risque qu'avec les premiers temps du XXème siècle. Ainsi, le danger d'incendie figurera jusqu'à la fin des années 1800, par sa fréquence et ses capacités à détruire, le péril urbain par excellence ; mais un péril que l'être humain avait appris à appréhender et pour lequel il réussira, pour partie, à en contenir les limites à défaut de pouvoir en réduire les effets ; notamment sous le rapport aux dégâts.

Le fait demande une accréditation. Il nécessite de savoir faire la part entre la propension de l'homme à enfler l'aspect dramatique de catastrophes, sous l'influence principale de l'imaginaire, et la réalité des faits, particulièrement dans la transmission orale ou écrite qui pouvait être faite de l'événement ; ce qui n'enlève aucunement à la répétition et à la persistante récurrence du phénomène jusqu'à une période récente à l'échelle des temps historiques. Hors excès de la nature et faits de guerre, l'embrasement détruit, ruine, tue ; très régulièrement, trop régulièrement jusqu'à la conjugaison d'une intervention des autorités, du développement technique et de l'organisation d'unités qui ont été chargées de le combattre alors que, dans le même temps, il arrivait encore que le feu conserve son image de fléau, voire celle d'instrument de la providence.

Comme pour d'autres risques, les groupes sociaux ont appris à vivre avec celui propre à l'embrasement. Avant d'être noyé dans la "masse", soit "récemment", l'incendie a été une menace persévérante, fondée sur l'imprévisibilité. Cette menace se serait inscrite dans une logique d'histoire urbaine, dans un raisonnement qui serait celui d'un mouvement triptyque de construction, destruction, reconstruction, un temps indépendant de la réflexion humaine60. Ce danger n'a donc rien eu d'insignifiant au cours des siècles passés. Il serait inexact de supposer que l'histoire n'a retenu que les accidents les plus dramatiques. L'incendie a été, et surtout il peut encore être, un fléau urbain ; mais, de nos jours, sous un attribut qui sera celui de l'exception, tout au moins sous le trait de l'étendue et hors surfaces forestières ; ce qui fonde la légitimité d'une étude sur ce péril, celle d'une analyse qui puisse recadrer les effets et les conséquences du feu comme calamité puis comme risque, mais également les mesures et les progrès institutionnels, organisationnels et techniques auxquels il a été à l'origine.

Concrètement, et hors des règlements locaux, des créations particulières, c'est la Révolution de 1789 qui posera les principes réels d'une intervention contre le feu61. Par une loi promulguée en 1790 était dressée la norme d'une intervention contre les accidents et fléaux calamiteux tels que, notamment, l'incendie. Sous l'alinéa numéro 5 de l'article 3 au titre XI de cet acte paraissaient deux principes fondamentaux : la prévention et la distribution des secours. D'ailleurs, il serait plus approprié de parler d'une légitimation. La loi intervenait, en effet, tardivement au regard de prescriptions et d'organisations que plusieurs cités et quelques édiles avaient déjà pris soin de composer. Seulement, au travers du document, c'est incontestablement au titre de la nation qu'il fallait en relever la portée et la reconnaissance parmi les dangers d'un fait soutenu et constant : l'embrasement. Cette préoccupation s'affichait à un moment où il devenait urgent de remédier aux effets des destructions par le feu, de garantir la sécurité des biens et des personnes. Car, si la perte de la vie n'effrayait pas l'être humain, si ce n'était de périr par les flammes qu'il s'imaginait être celles de l'enfer, l'incendie détruisait souvent considérablement. Il réduisait les ménages à la misère.

En fait, l'acte de 1790 constitua un relais qui fondera l'acceptation d'un travail national que ne permettait pas, ou de manière insuffisante, l'Ancien Régime. L'impulsion sera confirmée, celle de l'élan que d'anciennes ordonnances avaient amorcé, que le développement technique servira, et au nom duquel l'organisation d'unités de secours officiera. Au fur et à mesure que le XIXème siècle ouvrira ses portes, le premier rapport ainsi connu à la flamme se modifiera ; ce rapport qui concevait l'impuissance et le fatalisme des hommes face au feu62. Dorénavant la personne humaine allait oser, soit directement, soit indirectement, contrecarrer le phénomène, si bien que l'élément y perdra son essence divine. Pour un temps, ce sera d'ailleurs sa perte la plus significative.

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Document n° 2 : Impuissance et fatalisme des hommes face aux flammes

Il faudra encore plusieurs générations pour qu'il perde sa fréquence, sa puissance et, particulièrement, ses effets. S'il pesait sur le monde urbain à la veille des années 180063, il continuera de peser, sous certaines nuances et dans le cadre des notions précitées, en 1850 ou à l'aube des années 1900. Ces lectures demeurent d'ailleurs visibles à l'échelle d'une aire géographique déterminée ; dans le cas présent, la ville de Lyon. Ainsi, par exemple, Le Salut Public de 1869 revenait-il sur la fréquence et les conséquences des incendies hivernaux64 alors que Le Petit Lyonnais de 1876 délivrait une phrase révélatrice du phénomène65.

La question se pose quant à savoir si seul le sensationnel prévalait : apparemment non, et bien que la période et l'orientation de la presse écrite s'y prêtent. A l'évidence, l'incendie était encore partout présent, le ferment d'inquiétudes et un terrible organe de destruction. Les déclenchements étaient quotidiens mais non répertoriés de façon rigoureuse ; ce qui laisse une fausse impression, celle d'une crainte non fondée. Cependant, il ne s'agissait plus du dramatique fléau qui ravageait couramment des quartiers entiers dans les villes de l'ère moyenâgeuse.

Sous les seuls traits de la plume, le phénomène apparaîtrait forcément important, ne serait-ce que par le choix qui était fait des mots. L'embrasement lyonnais de la Maison Milanais, en 1851, en offre le témoignage : ‘"(...) ressemblait à la gueule d'un four immense, et vomissait des colonnes de feu (...)"66 ; "La lueur sanglante de l'incendie embrasait le ciel (...)"67 ; "C'est un volcan en éruption."68 ; "(...) n'était plus qu'un gouffre enflammé."69 ; "L'incendie s'est prolongé jusqu'à 7 heures du matin, dévorant tout, brûlant tout, anéantissant tout."70 ; "(...) grandiose spectacle des flammes éclairant comme une torche gigantesque les 2 rives du fleuve.’"71. Bien loin de ces images, c'est l'analyse méthodologique et rigoureuse qui fondera l'interprétation et qui composera la réalité des faits. L'exemple de ce sinistre n'est pas pris au hasard. L'incendie de cette construction a été un événement qui marquera durablement l'esprit de la population lyonnaise. Sa relation était révélatrice des images et des représentations du feu encore présentes à cette époque, du fait divers, de la marque du péril, mais également de l'avancée des techniques de lutte ou de prévention, du fonctionnement des services de secours.

Sous l'écrit se perçoit, en outre, l'évolution, celle qui conduira la société à la maîtrise du risque. En se fondant sur la raison, l'observation, la logique, le groupe, les progrès et la société, l'élément allait perdre son fatalisme. Entre la qualification du feu comme calamité par la loi de 1790 et la fin des années 1800, l'incendie aura évolué. D'ailleurs, les auteurs de La ville en feu ne s'y sont pas trompés lorsqu'ils livrent à l'incendie urbain trois définitions successives : celles de la fatalité, du fléau et du risque72 : la fatalité qu'ont connu les civilisations anciennes ; le fléau qui frappa le Moyen Age et les Temps Modernes et son graduel estompement à l'époque contemporaine pour aboutir au risque. D'autres chercheurs iront plus loin dans l'analyse en établissant un passage en plein XIXème siècle entre l'incendie dévastateur et étendu et le sinistre ponctuel et déterminé73. Seule manque à l'appel une démonstration, celle d'une justification que légitime l'actuel travail.

A la lumière de l'ensemble des informations ici distillées se profile un XIXème siècle caractéristique dans le cadre de la défense contre le feu : celui d'une ère de transformation qui affectera le phénomène incendie, la ville, ses réseaux, sa structuration, son armature, sa trame et ses services. Cette évolution s'affichera de manière différente au Sud, au Nord, à l'Est ou à l'Ouest de la nation, et plus ou moins rapidement ; mais en tous lieux et à tout moment dans un mouvement identique. Exposer ce processus n'a d'intérêt que dans l'étude ciblée, qui montre et démontre, quitte à ce que cela s'opère en replaçant des décisions ou des bouleversements nationaux dans une définition locale.

Etayer le raisonnement doit se faire avec justesse et avec le plus de clarté possible. Dans cette perspective, user d'un triptyque est apparu le plus adapté74. La présente approche se veut ainsi successive, selon le phénomène, le corps de secours et l'organisation structurelle, fonctionnelle et technique sous le dit corps, soit : LE DIABLE, SES SERVITEURS, SON SACERDOCE. Ces trois étapes permettront d'explorer plusieurs pistes et portent, sous leur titre, une évocation fortement imagée, issue des représentations et des perceptions de la flamme qui font autant référence aux croyances qu'à la religion et aux pouvoirs que la société a donnés et fondés sur le feu.

Il est impossible de prétendre traiter du risque d'incendie sans dresser un état des lieux. C'est là une première étape à laquelle renvoie le DIABLE, approche qui dresse un tableau de la situation et propose une évaluation. L'incendie serait un danger permanent mais à quel titre ? S'il a été un danger, foncièrement, la société, dans son instinct de protection, a dû chercher à s'en protéger. C'est manifeste au regard des règles sociales et des mesures qui ont été édictées. Il est surtout évident que le concours d'hommes formés à la lutte contre le feu et à la protection des personnes a été capital. Ses SERVITEURS ont eu un rôle de tous les instants et il est inconcevable de traiter du risque d'embrasement et de sa maîtrise sans un point consacré à ces hommes. Certes, les modèles de prévision et de prévention ont joué un rôle dans l'atténuation des maux. L'implication est tout aussi lisible à travers les progrès techniques nés de la révolution industrielle. Cependant, la réduction et l'évolution des dévastations par la flamme auraient-elles été aussi perceptibles si une organisation humaine particulière n'avait pas fonctionné en parallèle ? A l'inverse, le seul pouvoir de composition de cette structure n'a pas eu, à lui seul, le poids de l'éradication car sans une fonctionnalité à l'épreuve du feu, l'office n'aurait qu'imparfaitement rempli ses fonctions. Défendre le bien d'autrui contre la destruction a été un service, un SACERDOCE éprouvant pour les hommes qui composèrent les rangs des sapeurs-pompiers. Pourtant, après chaque intervention, le soldat du feu pouvait avoir le sentiment du devoir accompli ; celui d'une tâche qui, menée conjointement à un interventionnisme fort des autorités et associée aux progrès techniques, allait fonder l'affaiblissement du péril75.

L'incendie, danger permanent, a été, est et demeure une réalité. Même s'il tend à muter entre le début et la fin du XIXème siècle, il conservera des traits caractéristiques. Il est, dès lors, primordial de définir et de comprendre le phénomène incendie pour cerner, durablement, les enjeux de sa maîtrise. Sans une recherche de compréhension, celle de l'élément et de ses propriétés, l'accession à l'interprétation serait inexécutable. Définir la combustion, ses propriétés physiques et mécaniques, détermine une étape fondamentale, un niveau d'interprétation qui n'explique pourtant pas la persistance des lectures qui continueront d'entourer la flamme. Seul l'examen des influences humaines, au travers de la symbolique, des croyances et de plusieurs représentations, donnera, en fait, cet éclaircissement à quelques-uns des comportements tenus face à l'incendie, face à ce phénomène pour lequel les autorités auront des devoirs à remplir et des obligations à tenir au titre de la préservation des biens et des personnes. Ces principes, obligataires et responsables, que le droit aura également en charge de faire respecter, n'ont d'ailleurs pas uniquement été le fait des civilisations modernes ou urbaines76 bien que l'embrasement, dans ses souffrances, demeure, par essence, et historiquement, un péril citadin. D'ailleurs l'histoire des nations en porte des traces significatives jusqu'à la période contemporaine. Le feu et le milieu urbain auraient ainsi entretenu des liens étroits. Ces rapports entre la ville et l'incendie, au regard d'analyses effectuées, sont en outre vérifiés et vérifiables, ce jusqu'aux siècles les plus récents, et notamment le XIXème siècle qui a été une période où le danger, en raison de l'essor humain, urbain et industriel des cités, est allé en s'accroissant. Il s'agissait, de plus, de liaisons que la persistance de plusieurs risques de déclarations de feux ou le passage d'anciennes à de nouvelles menaces ne feront que corroborer ; une constance face à laquelle l'assurance incendie se justifiera et apportera, sous différents angles, une réponse aux conséquences des embrasements. Sous différents aspects, la ville de Lyon a porté le témoignage de ce danger, et ce au sein d'un espace à l'histoire et à la situation géographique parfois particulières, dans une cité où administration et destinée lui échappèrent, par périodes, spécialement entre 1851 et 1881. Cela ne représentera pas uniquement des contraintes, à l'image du développement économique, industriel et urbain qui la conduira jusqu'à l'aube du XXème siècle. Ce sera néanmoins, parfois, un frein à l'avancée des progrès sécuritaires dans le domaine de la lutte contre le feu.

Apprendre à composer avec le risque incendie impliquait de savoir prévoir, prévenir pour mieux protéger, pour mieux défendre. Bien avant que l'homme ne s'organise en une structure destinée à livrer un corps à corps avec la flamme, l'initiative sera, au préalable, celle de concourir à la prévention des risques, première réponse admise devant favoriser l'émergence de réflexes sécuritaires. Ainsi se déterminèrent les concepts de prévision et de prévention, facteurs fondamentaux dans la quête de la maîtrise du risque incendie. Sous leur modélisation, les réponses prendront différentes formes allant de l'initiative des pouvoirs publics à l'intervention du législateur en passant par l'assimilation des progrès qui seront réalisés dans différents domaines, par exemple dans les modes d'édification. L'urgence était flagrante devant les effets d'une déclaration d'incendie qui demeuraient ceux de la tragédie, personnelle, sociale, collective ou économique. Aussi, les notions de prévision et de prévention auront-elles un rôle prépondérant à jouer. Cette attribution était d'autant plus capitale lorsque le rapport est fait à des espaces publics. Certaines classes de constructions, dont les édifices accueillant les foules, par la conjugaison de multiples paramètres, détenaient, en effet, une potentialité qui se vérifiera malheureusement de nombreuses fois, au XIXème siècle notamment, soit celle d'une destruction par le feu. Ce sera le cas, explicite, des théâtres et des salles de spectacles dont la ville de Lyon portera, elle aussi, la trace dans le double anéantissement qui frappa le Théâtre des Célestins. Prévoir, prévenir, impliquaient, également, de pouvoir protéger et défendre lorsque les mesures s'avéraient finalement, pas nécessairement inefficaces mais souvent mal adaptées, et qu'un départ de feu était signalé. C'est à cet instant qu'il importait de disposer d'une structure capable d'intervenir, dans l'urgence, pour lutter contre les flammes et contre un phénomène craint par-dessus tout, celui de l'enchaînement des destructions par la propagation des flammes. La disposition d'une semblable structure deviendra progressive. Ainsi, les organisations issues de l'Ancien Régime laisseront place aux corps de sapeurs-pompiers, gardes nationaux ou municipaux. L'octroi d'un statut et d'une dimension nationale sera, certes, tardif, à l'image du décret de 1875 et, à sa suite, la loi de finances de 1898. Seulement, face à l'échelle de la menace, face à l'appréciation des dangers et aux fonctions remplies par les hommes qui formaient les rangs de ces institutions, la reconnaissance du rôle, social, de préservation et de sauvegarde, des corps de sapeurs-pompiers n'attendra pas. Quant à la manifestation, elle sera celle d'une fonctionnalité et d'une efficacité affirmant la primauté à disposer de ces unités, gages de sécurité.

Cette garantie face à la lutte contre l'incendie prend d'ailleurs une dimension mesurable qui donne une interprétation expressive lorsque l'appui se détermine quasi exclusivement sur un rapport à la ville, sur une cité urbaine telle que Lyon ; une ville soumise aux mutations du siècle, concentrant populations et développement économique et traduisant ses craintes lorsque les cris "Au feu !" résonnaient dans les rues de l'agglomération. L'étude, la recherche et la production statistique engageront l'évaluation des dangers à l'échelle du terrain, soit Lyon et ses incendies. La menace s'appréciera alors sous différentes approches dont les plus notoires demeureront un accès général et une revue de détail, chacune donnant une information précise permettant de dresser une situation des risques, des effets et des conséquences. Le premier aboutissement, au-delà de fournir un répertoire des grands incendies ayant touché la cité lyonnaise entre 1853 et 1913, sera, précisément, celui de l'appréciation, du rapport à l'incendie et des évolutions qui s'en dégagèrent ; des processus évolutifs devant concourir à une réduction des sinistres, que la liaison se fasse à l'incendie tel qu'il se définit ou à des feux caractéristiques tels que ceux de cheminée. La revue de détail parachèvera le travail d'évaluation de l'ensemble. Elle permettra d'apprécier le péril et ses manifestations, à l'échelle lyonnaise, sous les différents modes qui les distingueront, natures de feux, origines mais également en fonction d'une causalité se rapportant à la géographie de l'espace urbain lyonnais. L'évaluation, sous la recherche informative de précision, permettra aussi de dégager des indications sur d'autres données, celles des dommages occasionnés ou des risques selon les déclarations. L'interprétation de l'état de la menace n'est envisageable que sous la globalité et la rigueur de l'étude donnant sa crédibilité à la démonstration. Seule l'analyse du phénomène, sous de multiples paramètres et facteurs, coïncidant entre eux, sera en effet capable de révéler l'évolution et l'éventuel accès à la maîtrise du risque incendie qui, d'ailleurs, ne s'opposera pas à une permanence du péril. Si la tendance exprimée est celle d'un déplacement des dangers, dans le sens des manifestations d'incendie, encore fallait-il pouvoir le déterminer et le mesurer, ce que seul permet un travail à l'échelle d'un espace géographique qualifié ; ce qui ne vaut donc pas nécessairement à une échelle plus vaste ou sortie du caractère de la société urbaine.

L'évolution dans la maîtrise des incendies, dramatiques, ou, au fil du temps, accidents ponctuels, trouvera une réponse catégorique dans la disponibilité et l'intervention d'unités distribuant des secours. Sans l'implication d'une classe d'hommes, engageant dès lors l'intérêt, l'étude et l'interprétation du danger et ses effets seraient inévitablement déformées. La réaction face au risque n'était pas uniquement celle d'un interventionnisme dans l'établissement d'une législation et la préconisation de mesures mais également celle de la mise à disposition des populations de moyens de sauvegarde et de défense contre le feu. Le principal de ces moyens s'établira sur les corps de sapeurs-pompiers. Entre le début et la fin des années 1800, leur évolution sera manifeste. Cependant, plus encore que sur un siècle, la concentration des bouleversements se fera sur la seconde moitié du XIXème siècle avec toutefois la réserve et la valeur d'un fondement valable pour une ville : Sapeurs-pompiers, ville de Lyon. Sur la période 1852-1913, le corps de sapeurs-pompiers de l'agglomération lyonnaise subira, ainsi, une évolution qui le conduira du volontariat au professionnalisme, du service d'incendie au service de secours ou des pompes ordinaires aux gros engins d'extinction. Ce processus ne s'inscrira pas exclusivement dans le paysage urbain de la cité lyonnaise mais autant dans la société que dans les principes qui régiront l'administration de la ville. Le corps subira également, bien involontairement et indépendamment de ses missions, certains des bouleversements, notamment politiques, qui affecteront la nation française. D'ailleurs, quelques-uns de ces éléments établiront de marquantes étapes dans l'histoire des sapeurs-pompiers lyonnais et la transformation du service d'incendie de l'agglomération ; sans compter que la correspondance se fera également à la subordination de principes péremptoires de fonctionnement, qu'ils prennent la forme d'un budget, d'un respect de modes d'administration et l'observation de règles de discipline, critères déterminants en termes de sécurité incendie, dernière notion établissant, à elle seule, l'expression d'enjeux capitaux et la manifestation de l'intérêt comme de l'ingérence des pouvoirs locaux dans sa conduite. Reste que le support fondamental à l'organisation d'un corps de sapeurs-pompiers obéira à une variable, impérative dans le concours à la lutte contre les incendies, en dehors d'un rapport à une composition structurelle, soit : les hommes, ceux formant les rangs des unités, et nommés ici "serviteurs".

Les sapeurs-pompiers ne sont pas strictement à interpréter comme les pièces d'une stratégie. Derrière la fonction apparaîtront des hommes qui établiront une dimension, une représentation, celle du cadre humain de l'activité. Les rangs se composaient sur des effectifs qui détermineront des critères de forme, de composition évoluant au rythme des transformations qui affecteront la société. Le corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, par correspondance à la surface du territoire de l'agglomération, à la concentration humaine, aux risques, s'organisera sous la forme d'un bataillon. Sa troupe se formait d'officiers d'encadrement et d'hommes du rang pour lesquels divergeront, fort logiquement, les facteurs de recrutement. L'étude des rangs de l'unité de la ville de Lyon mettra ainsi en lumière les principaux supports conduisant à l'engagement des hommes, sous des correspondances de professions ou de positions sociales souvent héritées du passé. Celle-ci permettra, dès lors, un travail d'analyse selon les nominations et l'occupation des différentes fonctions, officiers, sous-officiers et sapeurs, pour aboutir à une assimilation de processus évolutifs et de mouvements des effectifs sous le rapport à l'exercice du service d'incendie. Néanmoins, sous l'association au cadre humain, la liaison ne sera pas exclusivement celle d'un rapport à la forme, à la composition et à l'évolution des effectifs. Elle sera également celle d'un reflet, d'une représentation d'une forme associative, pour la moins nouvelle, qui trouvait son origine dans un modèle de solidarité et de sécurité sociales ayant conduit à la formation d'unités capables d'intervenir dans le cas d'une déclaration d'incendie ; des corps aptes à sauvegarder les biens, privés ou collectifs, d'une destruction. En outre, ceci s'inscrira parfaitement dans la tendance du XIXème siècle puisque, rapportés à l'esprit humain, c'est-à-dire à une des nombreuses dimensions du caractère individuel et social, les sapeurs-pompiers seront une source de représentation, autant d'ailleurs pour les hommes qui en formaient les rangs que pour les populations. L'expression sera celle d'une identification et d'une correspondance à l'image où perçaient le désintéressement, le courage et le dévouement pour les uns, la reconnaissance et les hommages rendus pour les autres. De plus, ce rapport, qu'il se fasse à la représentation ou à la fonction, ne s'arrêtera pas au service d'incendie car les corps de sapeurs-pompiers, à Lyon comme dans d'autres grandes villes, seront également des vecteurs de la vie municipale et associative sous d'autres fondements que celui du combat contre le feu. Seulement, ces dernières notions n'enlèveront rien à une exigence de service, la correspondance à un devoir -presqu'une vocation-, celui de lutter contre l'incendie, mission originelle.

L'engagement des hommes, sapeurs-pompiers, à servir la société dans sa quête de sécurité et sa recherche de la maîtrise des risques, impliquera un investissement de tous les instants déterminant, dès lors, des notions et des paramètres sociaux attachés à la fonction. En échange de l'accomplissement et de l'exécution du service d'incendie, qui ne sera pas simplement celui d'intervenir lorsqu'un embrasement était signalé mais inclura, par exemple, un temps de formation ou des gardes, et qui, parfois, mettra en péril la vie sociale ou individuelle des soldats du feu, ceux-ci obtiendront une solde. Ce mode rémunératoire évoluera entre service volontaire et professionnel, entre indemnité et salaire. Il était censé correspondre à une exigence de service et à la charge de sapeur-pompier mais, au regard des sommes, ne portera pas distinctement la reconnaissance des pouvoirs publics. Cette gratitude sera progressive sous le régime administratif et, avant tout, manifeste sous un point, la concession d'une prérogative, celle du droit à des pensions et à des secours. La reconnaissance, sociale, sera celle d'avantages, encore que le terme ne corresponde qu'imparfaitement sous sa définition. Cependant, que l'indemnité prenne la forme d'une solde ou d'un salaire, l'implication des hommes sera la même et les risques courus identiques en remplissant l'exercice, à l'origine volontaire, d'un service que les sapeurs assimileront à un devoir. Si modicité est un terme qui pourrait caractériser la solde, les sapeurs-pompiers lyonnais bénéficieront, pourtant, sous la correspondance de critères et l'application de la loi, de pensions de retraite, de pensions et d'indemnités de secours en cas de maladie et de blessures ; des droits qui ne devaient nullement être assimilés à une récompense mais à l'expression et au témoignage d'une gratitude envers les hommes formant les rangs. Car, à Lyon, comme ailleurs, certains d'entre eux, en remplissant leur devoir, y laissèrent la vie -un don-, leur santé, leur constitution physique, ou supportèrent, sur leurs vieux jours, les conséquences de l'exigence, et parfois la rudesse, du service à cette époque. Pensions de retraite, secours et pensions pour blessures ou maladies contractées en accomplissant leur devoir, jusqu'à l'assurance des personnels des services d'incendie, quelle que soit l'initiative, seront donc l'expression, parfois tardive mais catégorique, de la dette, selon la qualification de certains auteurs77, que la société avait contractée envers ces hommes, soldats du feu, accomplissant un sacerdoce.

Combattre les incendies répondra à plusieurs impératifs parmi lesquels les actions consistant à protéger, alerter, secourir établiront des facteurs primordiaux. Si la protection était, notamment, à concevoir au travers de l'adaptation de la trame d'un réseau de distribution des secours à la ville et ses risques, alerter et secourir détermineront le rapport à deux besoins fondamentaux ; celui de la communication et celui de disposer du plus appréciable des agents extincteurs, l'eau. Ne pas remplir ces paramètres, répondant toutefois à ce qui, aujourd'hui, serait interprété comme les rudiments de la sécurité incendie, aurait voué l'agglomération lyonnaise à subir encore de nombreuses destructions par le feu, la disposition d'un corps de sapeurs-pompiers n'étant, en aucun cas, le gage de la maîtrise des déclarations d'incendie et d'une limitation de leurs effets. En fait, distribution des secours, communication de l'alerte et disposition d'un réseau d'adduction des eaux ne devaient pas être des éléments superposables les uns aux autres mais des variables devant fonctionner simultanément, en s'adaptant à l'évolution de la cité et en assimilant les progrès techniques et sociaux. C'est à ce prix que le monde urbain verra en fait s'opérer le processus transitionnel de l'état de la menace incendie et ses conséquences même si le phénomène demeura, dans tous les cas, latent, sans être nécessairement endémique. Ainsi, les éléments de l'armature de la toile de répartition des secours, à l'échelle de la ville de Lyon, ne cesseront d'évoluer. L'adaptation sera bien celle du terrain et non pas exclusivement celle d'une correspondance à la recomposition humaine des effectifs. Elle sera également celle de l'assimilation des principes de développement moderne de la société, des techniques, et, avant tout, de l'évolution des risques. Ces notions vaudront aussi dans les modes de diffusion de l'alerte tout comme dans l'extension graduelle du réseau de distribution des eaux, voyant plusieurs innovations inscrire un progrès décisif dans la réduction du nombre, ou plus manifestement de leurs conséquences, des incendies. L'étude à l'échelle du terrain lyonnais, sur la seconde moitié du XIXème siècle, en portera ainsi le témoignage ; celui de la diffusion de l'alerte qui, si elle conservait l'usage de la voix et des sons, allait rapidement passer du cri à la communication téléphonique, du clairon à la sonnerie électrique ; un mouvement d'ailleurs comparable lorsque le rapport est fait à l'eau marquant le passage de la chaîne d'alimentation des pompes par la réquisition des individus à des tuyaux désormais vissés sur des bouches d'arrosage ou d'incendie, résultat de l'extension et de l'amélioration du réseau d'adduction des eaux ; autant d'éléments qui serviront les hommes remplissant la charge et l'exercice du service d'incendie -bientôt service de secours- dans le combat qu'ils livreront contre la flamme.

L'exercice du service d'incendie a pris différentes formes. Il ne peut se réduire, en aucun cas, au seul et unique stade de l'intervention des sapeurs-pompiers sur le théâtre d'un départ de feu bien qu'il s'agisse de la mission, hautement symbolique, encore ordinairement remplie à la veille du XXème siècle. L'attachement à cette simple perspective reviendrait à nier le fondement de l'organisation, soit l'engagement, social, des hommes qui ont formé, dans le cas présent, les rangs du bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon ; l'engagement dans un service soumis, à l'image de la société de la seconde moitié du XIXème siècle et du début du XXème siècle, à des bouleversements et, plus catégoriquement, à une évolution qui vont mener les services urbains de secours contre l'incendie -au moins à Lyon- aux services de secours et d'incendie. Cette extension des missions n'aurait été, en fait, que l'appréciation d'un témoignage, individuel ou collectif, de l'investissement des hommes dans la charge qu'ils choisissaient d'occuper. Quant à la correspondance avec l'exercice du service d'incendie, elle s'établira sur les éléments que déterminaient la distribution des secours, la diffusion de l'alerte et le réseau des eaux, bases sans lesquelles le combat contre la flamme ne pouvait avoir que le caractère d'une défaite. Seulement, et avec la même affirmation, l'exécution de l'office établira un renvoi indéniable à la disponibilité des hommes engagés, entre astreintes et consignes de services, entre surveillance et formation, impliquant de faire corps avec la fonction et son exercice. L'exécution du service d'incendie ne sera, en conséquence, pas celle du seul départ au feu. La définition sera beaucoup plus large et déterminera un service hors ou préalablement à l'intervention établissant alors différents paramètres : une base, celle de l'accomplissement de gardes ; une "mutation"78, celle figurant l'extension des missions ; un rapport à l'uniforme, facteur d'immersion ; une liaison à la formation, permanente, des hommes. Il n'en reste pas moins qu'à la mesure des risques, le rôle, fondamental, du sapeur-pompier renverra irrémédiablement à l'analyse de l'exercice du service d'incendie sous la stricte exécution des opérations de lutte contre le feu. L'étude des processus d'extinction témoignera d'ailleurs de l'évolution, non pas uniquement des techniques ou des modes d'intervention, mais également des dangers et des risques d'incendie. Ceci reflèterait, en outre, l'hypothèse d'une action de protection, dans la gestion de la menace, qui aurait été, à Lyon, progressive, y compris sous la disponibilité d'un service de secours professionnel, du fait, précisément, de la considération de l'événement. Seulement, cette ligne directrice, ramenée à l'exercice du service d'incendie, ne pourrait être exclusivement celle de la fonction remplie par les hommes engagés ; elle sera aussi celle des moyens mis à leur disposition.

Sans l'appui de supports matériels et techniques, le courage et le dévouement des sapeurs étaient de piètres armes face aux flammes. Le développement technique, dont le XIXème siècle portera la marque, introduira ainsi le passage de témoin entre un parc matériel classique, qui pourrait aussi se définir comme ancien, et un parc moderne qui verra, tour à tour, s'employer, à l'échelle de l'agglomération lyonnaise, les pompes à vapeur puis les autopompes. Toutefois, l'usage d'un parc matériel sera beaucoup plus vaste que le simple rapport à un équipement en agrès d'extinction pour s'étendre à l'exercice opérationnel des missions qui seront progressivement dévolues aux sapeurs-pompiers bien que la liaison légitime demeure celle au feu. En dehors des moyens d'établissements en eau, ne faisant que s'adapter, le premier support, ramené à l'opération d'extinction, sera celui des pompes à bras constituant le plus gros du parc d'incendie mais pas nécessairement le plus manoeuvré. Puis, misant sur la puissance, la modernité, pour dissimuler le voeu de représentation de la cité lyonnaise, reflétant néanmoins l'exigence de sécurité et l'importance du risque et ses enchaînements, l'emploi sera celui des pompes à vapeur. D'ailleurs, sous ce caractère de la puissance, et par-dessus tout de la rapidité, le progrès sera aussi celui, au début du XXème siècle, beaucoup plus important, témoin de l'innovation et de l'orientation de la société dans l'ère industrielle et moderne, du véhicule automobile d'incendie. Secteur en plein développement, promis à un avenir économique qui fondera une nouvelle définition sociale aux déplacements des populations,
l'automobile présentait un débouché manifeste sur le marché de l'équipement des corps de sapeurs-pompiers ; ce que reflèteront les marchés passés à la suite des projets de dotation du bataillon en agrès à traction mécanique. S'attacher à la définition des supports matériels et techniques mis à la disposition des sapeurs-pompiers déterminera encore la référence à d'autres moyens comme ceux de secours ou de sauvetage, ceux de renforts, ceux d'exploration ou à tous les instruments composites utiles aux missions de secours. L'acquisition de certains de ces matériels n'ira d'ailleurs pas sans poser de réels embarras relatifs, notamment, à l'origine de leur fabrication. Seulement, le prix de la maîtrise de l'incendie déclenché ne devait pas uniquement être celui du dévouement et du courage des hommes mais également -et manifestement- celui de l'investissement en équipement matériel.

Notes
48.

Le x n'a ici que la valeur de l'exemple et sera remplacé par le numéro de la note concernée.

49.

Dans ce cadre précis, le support -texte, notes et numéros- de la page II-245 a été utilisé.

50.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Arrêté en date du 01/09/1852 portant organisation du corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon. Organisation de 1852.

51.

Ibidem 48.

(...)

52.

Idem 48. Règlement pour l'organisation, l'administration, le service et la discipline du corps municipal des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon en date du 14/11/1858.

53.

Citation prêtée à J. GIONO (écrivain français, 1895-1970). Cette citation est en fait mentionnée dans la revue Le Sapeur-Pompier, n° 858, Décembre 1994, p. 848.

54.

FRAZER J.G. - Mythes sur l'origine du feu, Paris, Payot -traduction de l'original publié en 1931-, 1991,
243 p. L'ouvrage de J.G. FRAZER offre une illustration aux abondants mythes qui entourent la flamme.

55.

La référence est faite à la légende de PROMÉTHÉE.

56.

Les différents travaux conduits et les recherches menées sur les mythes associés directement à la flamme et au feu démontrent cette filiation.

57.

ROSNY J.H. - La guerre du feu, Paris, Tallandier, 1979, 254 p. Le roman publié par J.H. ROSNY illustre cette préciosité de manière manifeste.

58.

PERLES C. - Préhistoire du feu, Paris, Masson, 1977, 180 p ; ce que cherche à démontrer C. PERLES dans son livre.

59.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Projet d'organisation générale des corps de sapeurs-pompiers des villes de Lyon, La Guillotière,
La Croix-Rousse et Vaise – 1851.

60.

DUBOIS-MAURY J. - La vulnérabilité de la ville à l'incendie, Annales de la recherche urbaine, 1988, n° 40, pp. 65-72.

61.

Loi du 16 et 24/08/1790.

62.

Voir le document n° 2, page I.32 : Impuissance et fatalisme des hommes face aux flammes. DOLLINGER R. (sous la direction du colonel pour l'édition française) - Objectif brûlant, les sapeurs-pompiers du monde, Paris, Editions et diffusions internationales, 1984-1993, 8 vol. (tome 2 : Origine et évolution des sapeurs-pompiers, 1984, 287 p. ; p. 33). Dans le texte, qui renvoie à la gravure, est noté le comportement fataliste des gens au Moyen Age. "Désespérément l'homme s'écarte devant la puissance de Dieu. Désoeuvré, il regarde ses biens disparaître dans les flammes."

63.

RIBOUT Th. - Corps législatif – Commission du conseil des Cinq Cents – Vues et projets de résolutions présentés par Thomas Ribout sur les moyens de rendre les incendies plus rares et moins funestes, Paris Imprimerie Nationale, 1799, 134 p.

64.

Le Salut Public du 12/11/1869 s'arrête sur les conséquences des incendies au moment de la saison hivernale. Pour ce quotidien, et fort légitimement, les incendies qui se multiplient à l'entrée de l'hiver laissent les malheureuses victimes de ces sinistres dans un dénuement que les secours officiels et la bienfaisance privée ont bien de la peine à soulager

65.

Le Petit Lyonnais du 10/11/1876 : "Il faut avoir assisté à un de ces spectacles dramatiques pour pouvoir en comprendre les douloureuses péripéties."

66.

Le Salut Public du 01/04/1851.

67.

Idem 14.

68.

Idem 14.

69.

Le Salut Public du 02/04/1851.

70.

Idem 17.

71.

Le Salut Public du 04/04/1851.

72.

FRIES F. / YERASIMOS S. - La ville en feu, Paris, Laboratoire Théorie des mutations urbaines, Cahiers
n°s 6-7, 1993, 172 p.

73.

DUBOIS-MAURY J. - La vulnérabilité de la ville à l'incendie, Annales de la recherche urbaine, 1988, n° 40, pp. 65-72.

74.

A la consultation du sommaire ou de la table des matières, un équilibre légèrement plus appuyé sur la première partie peut ressortir. Il convient de préciser et de noter que ce phénomène ne procède, physiquement, que d'une manifestation visuelle de présentation et que le traitement, tel qu'il est proposé, correspond pleinement aux thèmes, à l'information, à l'argumentation et à la logique de démonstration.

75.

A partir de cette fin de texte et jusqu'au titre de la première partie, les pages qui vont suivre forment une présentation de détail s'appuyant sur le plan de rédaction de la présente analyse. Il s'agit en fait de donner, dans ces pages, un modèle plus "littéraire" et interprétatif, lui-même annonciateur de la trame de démonstration, que ne permet pas nécessairement une simple lecture du sommaire ou de la table des matières. Dans cette perspective et afin que chacun puisse aisément repérer l'armature de ce travail d'interprétation de même que les chapitres et leur objet, chaque titre a été repris -la mention est faite en caractères utilisant le mode italique- dans le corps du texte qui va suivre. Le lecteur maîtrisant la logique de recherche ou souhaitant garder la découverte du raisonnement de manière plus personnelle, ce qui implique cependant d'avoir présent à l'esprit le plan, peut, s'il le souhaite, entrer directement dans l'étude en entreprenant, dès lors, la lecture du chapitre I (se reporter
p. I-44).

76.

Dès l'Antiquité, des mesures ont été définies qui déjà s'appliquaient au monde urbain.

77.

RIVIERE M. - Pandectes françaises – Nouveau répertoire de doctrine, de législation et de jurisprudence, Paris, Chevalier-Maresq/Plon-Nourrit, 1886-1905, 59 vol. ; volume n° 51, pp. 219-238.

78.

Le terme de "mue" conviendrait peut-être davantage.