Si l'incendie tirait, selon l'interprétation des textes sacrés, son origine de la justice divine avancée pour punir les mortels de leurs péchés ou de leurs déviances et leur restituer un terrain purifié, c'est la justice des hommes qui se chargeait de condamner tout individu soupçonné d'incendie volontaire, quelle qu'en soit l'origine186. A l'énoncé des raisons qui fondent l'embrasement coupable comme d'une monstruosité se lit, sous le code civil de 1810, que ‘"(...) ce crime, comme celui de l'empoisonnement, est l'acte qui caractérise la plus atroce lâcheté ; il n'en est point de plus effrayant, soit par la facilité des moyens, soit à cause de la rapidité du progrès, (...)"187.’ Aussi, la loi permettait-elle l'application de peines afflictives et infamantes188, de sanctions qui, suivant la gravité, allaient de la réclusion à la peine de mort en passant par les travaux forcés. De la même manière, si les textes législatifs ont pris des précautions salutaires à l'effet de prévenir les incendies que l'imprudence pouvait propager, la loi se chargeait d'y assortir des condamnations pour leur non-respect189. Cependant, le pouvoir de justice sous le mobile d'incendie volontaire ne s'est pas exercé sous la seule jurisprudence des sociétés modernes. Dans la culture romaine, les auteurs d'embrasement étaient déjà punis de manière exemplaire. La peine s'appuyait sur la cause : la mort par le feu190. Cette sévérité se plaçait en fait sous le signe des particularités et des propriétés de l'incendie : la menace qu'il laisse planer, les frayeurs qu'il engendre, son caractère d'imprévisibilité, sa rapidité de propagation ou les dégâts et les destructions qu'il inflige. La dureté dans le châtiment existait aussi sous l'ancien droit. Le code pénal de 1791 affligeait ainsi, uniformément, la peine de mort à tous les incendiaires191. Là encore, l'application de la sanction n'avait rien d'ordinaire. Le condamné était conduit à l'échafaud pour y expier son crime dans un cérémonial destiné à frapper les esprits. C'était l'occasion de dissuader quiconque de commettre le même type de forfait.
L'article le plus souvent évoqué par les cours de justice sur le XIXème siècle a sans aucun doute été l'article 434 du code pénal, soit un texte sur lequel s'est basé, pour partie, au titre des intentions, le droit français contemporain. Selon cet article, tout individu qui s'était rendu coupable d'un incendie volontaire de locaux qui servaient d'habitation se voyait affliger la peine de mort192. Il en allait du même article et du même châtiment lorsque l'embrasement avait causé des décès ou sous le seul motif de la mise en danger d'autrui. Quant à la condamnation aux travaux forcés à perpétuité ou à temps, à la lecture du texte, le jugement se rendait en fonction de la nature des locaux, des objets incendiés et des dégâts occasionnés. Le sinistre volontaire ne conservait, néanmoins, pas le privilège de l'application du droit : la menace d'incendie, la destruction de pièces -documents et actes, administratifs ou commerciaux-, la négligence coupable, étaient pareillement régies par des articles issus de la législation. La peine applicable dans le cadre d'une reconnaissance de menace se fixait sur l'article 456 du code pénal. Elle se confondait alors avec les sanctions portées au titre de la menace d'assassinat et des distinctions faites selon les articles 305, 306 et 307 du code193. L'article 439 constituait, lui, la base de la répression pour la destruction de documents et d'actes publics, de commerce ou de banques, alors que les articles 458, 471 et 472 régissaient la fautive négligence ; principalement par l'application de peines d'emprisonnement et la prononciation d'amendes194. L'évocation serait incomplète sans une référence aux textes qui régissaient la responsabilité des propriétaires et des locataires dans le cas d'un départ de feu en rapport avec les articles 1733 et 1734 du code civil, et la prise en considération, sous certaines formes, de l'embrasement involontaire195. Dans l'ensemble, la législation a suivi l'évolution imprimée par les bouleversements du XIXème siècle. Elle s'est adaptée au plus près au mobile du crime, par modification des actes législatifs. Il n'en a cependant pas moins subsisté que la tentative d'incendie, lorsqu'elle était prouvée, condamnait son auteur de manière édifiante196.
Dans l'analyse des textes de lois, c'est l'intention qui prévalait en priorité sur la qualification du crime ; une détermination à laquelle se joignait la prise en considération d'éventuelles disparitions d'individus, les blessures reçues, les dégâts engendrés ou la fonction des bâtiments incendiés. Seulement, la législation qui qualifiait le crime d'incendie n'est pas née de ces paramètres mais bien des propriétés internes et externes de la flamme sous son aspect dévastateur. Se résoudre à mettre le feu de façon intentionnelle matérialisait donc un acte grave sous le simple fait des propriétés du feu. Il devenait, de ce fait, compréhensible que le législateur ait choisi de le réprimer comme une infraction passible du droit pénal. C'est, d'autre part, en se plaçant sous un angle identique que le sinistre déclaré par imprudence, par négligence, par maladresse, par inattention ou par inobservation des règlements, s'est foncièrement et pareillement trouvé sanctionné comme un délit197. Quant aux modifications, aux adaptations et à l'établissement législatif des distinctions sur les différents mobiles d'incendie, c'est autant à l'ancien droit198 et aux bouleversements sociaux, techniques et économiques du XIXème siècle qu'il va falloir en reconnaître la paternité. Le code pénal ou le code civil du début du siècle établiront, de la sorte, les spécificités de l'incendie volontaire auxquelles le législateur apportera, sur les décennies qui suivront, les évolutions nécessaires. Proclamations et révisions ont fondé les distinctions auparavant remarquées sous la rédaction des articles de loi qui se rapportaient au feu. Se sont ainsi définis l'incendie par communication, le fait de propriété ou de non-propriété des biens détruits ou l'atteinte à la vie des individus199. Le but avoué était autant la répression que la sensibilisation. Par la primauté accordée à la qualité des lieux et à la différenciation entre maisons d'habitations et non-occupation humaine, le droit sous-entendait la protection des espaces et des personnes. Il en allait d'un principe semblable sous l'angle de la possession économique et donc de la préservation des richesses. Tout cet arsenal juridique, par une application stricte, a joué un rôle dans l'atténuation des effets et des origines de départs de feu dont la rédaction des rapports d'incendie garde une trace dans l'information qui y était restituée.
L'incendie, au regard des mesures édictées et des préoccupations législatives, qualifiait donc un crime, un acte qui, jusqu'au début du XXème siècle, intéressait au premier chef la sûreté publique, juste derrière le crime contre la personne humaine200. Comme il était d'usage, après chaque incendie ayant demandé l'intervention d'un corps de secours, un procès-verbal était rédigé avec force détails pour que les autorités compétentes puissent en établir la cause et l'éventuelle responsabilité201. Ce rapport, comme certains des documents administratifs du XIXème siècle, n'a pas toujours emporté la même adhésion dans le respect de sa rédaction et dans la rigueur de sa transmission. Au regard de la conservation de ces actes et des informations rassemblées, il n'est devenu une pièce qualitative que sur le dernier quart du XIXème siècle. Cependant, de ces papiers et de l'étude dans la pratique et le rendu du droit, deux hypothèses semblent émerger : l'enquête de police aurait conditionné l'institution puis la production de registres et de rapports d'incendie ; elle pourrait, en outre, expliquer, au-delà notamment de la garantie de l'ordre public et du concours à l'extinction, l'intervention simultanée de la police ou de la gendarmerie avec les corps de sapeurs-pompiers sur les lieux d'un sinistre. Ces exposés, qui relatent les faits, sont une mine d'informations. Hors la description des espaces incendiés, ils renseignent sur la cause présumée, la nature des bâtiments et des objets détruits, l'assurance éventuelle des biens, l'évaluation du montant des dégâts et plusieurs autres points. Ces renseignements étaient propres à établir l'accident ou le crime, le caractère de l'embrasement et l'état de la menace.
La législation, telle qu'elle a été définie sous la qualification de la tentative d'incendie, volontaire ou involontaire, par négligence, imprudence ou inattention, attribue tout son poids et toute sa dimension au risque incendie ; particulièrement et en fonction des mutations politiques, sociales et civilisatrices, flagrantes sur le XIXème siècle, qui livrent un argument supplémentaire à la problématique de l'incendie, calamité et préoccupation des populations. La peur de l'embrasement, l'imprévisibilité du phénomène, son rapide développement, l'importance de ses destructions, en ont dressé, en conséquence, la punition.
Le non-respect des règles de prévention, la vengeance, l'escroquerie, la tentative de meurtre, ...
GRAPIN P. - Les incendies, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, 128 p. ; pp. 55 et suiv.
Peine criminelle soumettant le condamné à la réprobation publique.
Article 434 du code civil.
On relève parfois l'expression de "tunica molesta" pour évoquer l'application de cette peine qui livrait le coupable à être brûlé vif après avoir été revêtu d'une tunique imbibée de produits inflammables.
Ibidem 109.
BRAYER F. - Dictionnaire général de police administrative et judiciaire, Paris, Editions de l'imprimerie administrative, 1875-1878, 2 vol. ; pp. 208 et suiv. Incendie. Le Salut Public du 14/05/1852 donne des détails sur un incendie criminel survenu dans la cité lyonnaise le 13/05/1852 et pour lequel l'auteur, par un jugement rendu en août 1852, fut condamné à la peine de mort.
BRAYER F. - Dictionnaire général de police administrative et judiciaire, Paris, Editions de l'imprimerie administrative, 1875-1878, 2 vol. ; pp. 208 et suiv. Incendie.
BLANCHE Al. (sous la direction de) - Dictionnaire général d'administration, Paris, Dupont, 3ème éd.,
1884-1885, 2 vol. ; pp.1296 et suiv. Incendie.
GRAPIN P. - Les incendies, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, 128 p. ; pp. 55 et suiv.
Dans son audience du 16/12/1872, la cour d'assise du Rhône rendra un jugement qui condamnait l'auteur d'une tentative avortée d'incendie d'une maison d'habitation à 8 ans de travaux forcés. Le Courrier de Lyon du 19/12/1872.
Ibidem 117.
Le droit ancien qualifiait le crime. Il ne fondait, toutefois, pas de distinctions selon les différents paramètres de la tentative et de l'événement.
Ibidem 117.
BRAYER F. - Dictionnaire général de police administrative et judiciaire, Paris, Editions de l'imprimerie administrative, 1875-1878, 2 vol. ; pp. 280 et suiv. Incendie.
Ibidem 122. Selon l'auteur, dans tous les cas, le procès-verbal constatant l'incendie devait être soumis au chef de parquet. Au désir correspondait un principe : tout incendie emporte la présomption d'une infraction et tous faits de cette nature doivent être vérifiés par la justice.