Le colonel BELTRAMELLI, au moment de la publication de son traité de prévention, notait le rôle singulier du bois, mauvais conducteur pour des pièces de grosses sections mais aliment parfait lorsqu'il était utilisé en petites sections464 ; ce que remarquaient, bien avant lui, des auteurs comme Jean BALAY, personnage pour qui une construction bâtie en briques avec une épaisse charpente en bois, des poutres de gros calibre et des planchers de bois épais, offrait plus de résistance aux attaques du feu que le type le plus parfait d'édifice avec charpente métallique et voûte en briques465. Ceci se déterminait sur une argumentation scientifique simple basée sur la réaction et la résistance au feu. La construction et l'aménagement intérieur des bâtiments devaient donc tenir compte d'une donnée fondamentale : le comportement au feu des matériaux employés. Il s'agissait alors d'une propriété qui définira, notamment, le temps d'évacuation des personnes et celui de la préservation des biens. De là provient un début d'explication dans l'apparition et l'usage de nouveaux matériaux dont l'emploi était d'abord né d'une observation déductive avant de procéder de la recherche architecturale et scientifique.
Dans le cas d'une structure en fer, les parties métalliques soumises à un échauffement fondaient une incapacité de l'élément à supporter son propre poids, ce sous l'effet d'une dilatation produite au contact de l'eau qui entraînait l'effondrement de l'armature466. Par opposition, le bois, en grosses sections, peut être entamé par le feu sans compromettre l'équilibre d'un bâtiment. De plus, l'eau a la propriété de procéder à une extinction rapide sur cet élément lorsqu'il s'agit d'un foyer concentré. L'intervention était autre sur le métal dont il fallait, du fait qu'il n'y avait pas de flamme mais une chaleur élevée du corps, progressivement abaisser la température ; ce qui, face au développement grandissant de l'usage d'armatures métalliques, et corrélativement à une baisse des coûts de production du fer, à la rapidité de l'édification de ces structures et à la disparition du bois, supposait des progrès techniques rapides dans l'adaptabilité des constructions et dans la protection. C'est pour partie l'alliance du fer et du béton dans les bâtiments qui a fourni une des réponses à la solidité. Habiller les poutres métalliques d'un treillage de fils de fer et les noyer dans du béton produisait en effet une garantie de sécurité et d'équilibre au bâtiment467. Lorsqu'il y avait un effet de flamme sur l'ensemble de la portée, celui-ci se trouvait combattu par la réunion des efforts de résistance du béton et du fer : le premier, par son travail à la compression, et, le second, à l'extension et donc, par opposition, à la flexion468.
Au-delà de l'armature en elle-même d'une structure édifiée se posait, parallèlement, la question de l'aménagement et de la configuration de l'espace. Les premières réponses à ces interrogations ont été données dès le milieu du XIXème siècle de manière efficace ou concrète, essentiellement sous la définition et l'application des concepts de réaction et de résistance au feu des matériaux. La réaction au feu est la capacité d'un matériau à fournir un aliment à la flamme et au développement du brasier469. Quant à la résistance, elle mesure l'aptitude d'un corps à jouer une fonction déterminée comme celle de l'opposition à la chaleur ou au passage des flammes470. Ces notions fondent d'ailleurs, aujourd'hui, une classification destinée à faciliter la prévention et le choix dans l'emploi des matériaux, ne serait-ce qu'en fonction de la qualité du bâtiment : édifice public, construction privée, bâtiment commercial471. La préconisation était et demeure donc simple : utiliser des matériaux dont la résistance au feu est reconnue et suffisante472. De ce fait, une attention particulière était manifestée aux murs porteurs ou de refends, aux murs coupe-feu ou au compartimentage. Quelle que soit la fonction d'un mur, non chargé, légèrement ou fortement chargé, l'action du feu est néfaste pour la sécurité. Plus fondamentalement, cette action peut compromettre l'équilibre de la construction. Ainsi, diviser un bâtiment avec de bons murs de refend permettait d'opposer un obstacle efficace à la transmission du feu comme pouvait l'être la construction des usines ou des manufactures en dents de scie. Dans tous les cas, les murs qui portaient les planchers, supportaient les étages, devaient faire l'objet d'une attention particulière. Le ou les murs coupe-feu devaient définir un obstacle permanent à la propagation de la conflagration473. Le compartimentage formait, sous d'autres angles, un mode préventif à la communication rapide du feu, autant par l'emploi qui était fait de matériaux indiqués que pour cloisonner une activité ou des machines potentiellement nuisibles et dangereuses. Dans un rapport dressé par le commandant du corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon le 26 août 1855 sur l'incendie d'une fabrique d'aiguilles à Vaise, celui-ci indiquait que ‘"dans l'intérêt de la sécurité publique, il serait à désirer que la machine à vapeur et la chaudière -de cet établissement- fussent séparées de l'atelier par des maçonneries et que les autorisations ne soient à l'avenir accordées qu'à cette condition"474.’
Les moyens de propagation du feu, convection, rayonnement, transport des gaz de distillation, conductibilité et retombées, au fur et à mesure de l'aiguisement de l'observation, ont, d'une certaine manière, conditionné les modes de construction autant que l'usage de nouveaux matériaux. Avec le XIXème siècle où la ville se développait fortement, il devenait urgent de bâtir en garantissant la sécurité des personnes. Des normes commencèrent à se développer pour, au fil des années, se généraliser475. Les espaces se sont élargis pour éviter les risques de propagation du feu par convection. Cependant, les cages d'escalier ont continué de former des cheminées d'appel et de distribuer le feu dans les étages, de transporter les gaz chauds tout en fermant le chemin d'accès au sauvetage des personnes, ceci, jusqu'à ce que les cages soient cloisonnées et que soient pratiqués, en partie haute, des dégagements d'air qui permettent une atténuation aux effets. A propos des mouvements d'air, dans son rapport du 26 août 1855, l'officier commandant le détachement sur les lieux d'intervention notait la difficulté que lui et ses hommes avaient eu à combattre le feu dont le foyer était alimenté par un courant d'air établi entre la rue et une très petite cour qui formait le dos du bâtiment476. C'était là une illustration aux dangers de l'exiguïté ou de la promiscuité des constructions qui caractérisaient plusieurs parties de l'agglomération lyonnaise. Dans un même temps, la qualité du vitrage s'améliora pour éviter son éclatement sous l'effet de la chaleur. Quant à la ventilation, notamment dans les édifices à risques, son développement allait aller croissant477. Car, la ventilation et le conditionnement d'air pouvaient autant avoir une charge néfaste que bénéfique lors d'un feu, la première, au titre de l'appel d'air, le second, au titre de l'évacuation de la fumée mais surtout de la chaleur et des gaz de distillation ; ce qui réduisait alors les risques d'inflammation localisée478. Lors de la reconstruction du Théâtre des Célestins, après 1880, une attention particulière fut d'ailleurs apportée à ce point. Sous ces différents aspects étaient donc pris en charge les paramètres de communication fondés par la convection ou le transport des gaz de distillation. Sous le phénomène du rayonnement, différentes notions entraient en jeu qui allaient des distances de sécurité entre les bâtiments à des éléments fondant une échelle locale : les matériaux coupe-feu ou résistants à la chaleur, aux flammes et pour lesquels se développeront les procédés dits d'incombustibilité. Dans cette recherche de l'édification de bâtiments sécurisés se posait pourtant la question des grands magasins479. Ces espaces comportaient généralement une coupole centrale dont un éventuel éclatement sous l'action de la chaleur pouvait déterminer des conséquences tragiques à une déclaration d'incendie. Il est difficile de trouver une réponse dans les autorisations qui ont été données à leur exploitation, hors la réalisation de profits aux dépens de la sécurité des personnes, à moins qu'il puisse être établi que ces lieux bénéficiaient des derniers perfectionnements techniques dans la prévention et la défense contre les sinistres.
BELTRAMELLI R. - Traité de prévention, Paris, France-Sélection, 1974, 1478 p. ; pp. I.41et suiv.
BALAY J. - De la protection et de la lutte contre le feu par une meilleure construction et une défense raisonnée des bâtiments d'après les derniers perfectionnements de la science moderne, Lyon, Rey et Cie, 1907, 31 p. ; pp. 5 et suiv.
Ibidem 78.
BALAY J. - De la protection et de la lutte contre le feu par une meilleure construction et une défense raisonnée des bâtiments d'après les derniers perfectionnements de la science moderne, Lyon, Rey et Cie, 1907, 31 p. ; pp. 5 et suiv.
Ibidem 80.
GRAPIN P. - Les incendies, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, 128 p. ; pp. 96 et suiv.
Ibidem 82.
Ibidem 82.
Ibidem 80.
BELTRAMELLI R. - Traité de prévention, Paris, France-Sélection, 1974, 1478 p. ; pp. I.116 et suiv.
AML, 1270 WP 024 – Sapeurs-pompiers : Incendies : - Rapports ; 1852-1879.
BELTRAMELLI R. - Traité de prévention, Paris, France-Sélection, 1974, 1478 p. La prévention de l'incendie dans les constructions.
Idem 87. Incendie dans un magasin de la Rue Mercière qui occasionnera 110.000 francs de dégâts.
BALAY J. - De la protection et de la lutte contre le feu par une meilleure construction et une défense raisonnée des bâtiments d'après les derniers perfectionnements de la science moderne, Lyon, Rey et Cie, 1907, 31 p.; pp. 5 et suiv.
Ibidem 88.
Le Petit Lyonnais, dans son édition du 12/08/1878, possède un encart publicitaire sur le magasin "Aux deux passages". Quant au Progrès Illustré du 15/12/1895, c'est une publicité du Grand Bazar qui y figure avec une présentation du lieu où se voit cette coupole.