2. AU SERVICE DU PARTICULIER

message URL DOC09.gif
Document n° 9 : Extincteur DICK - Vue et coupe - Vers 1885

Les arguments utilisés par les sociétés commerciales ou par les inventeurs étaient les mêmes, qu'ils soient à destination d'un public d'industriels, de fonctionnaires ou de particuliers. Seul le mode de diffusion changeait. Le catalogue était alors remplacé par l'encart publicitaire dans les quotidiens497 et, la présentation, par une expérience devant les foules498. C'est ainsi qu'ont commencé à se répandre des moyens de protection comme les extincteurs, les grenades et cartouches extinctrices, et différents procédés d'extinctions dont quelques-uns parfois assez insolites. Les propositions d'expériences étaient nombreuses et visaient une reconnaissance de l'invention. Après chaque sinistre, fréquemment imposant, se fondait ainsi toute une série de courriers de prétendus ou reconnus inventeurs qui pensaient, à tort ou à raison, pouvoir circonscrire n'importe quel feu499. Ces communications s'accompagnaient de demandes d'autorisation auprès des autorités de manière à procéder à des expériences en public500. Ces essais étaient alors l'occasion de démontrer l'utilité de l'appareil, pour les sapeurs-pompiers, mais surtout les particuliers. C'était aussi une forme de sensibilisation des populations aux dangers de la flamme et aux possibilités qu'il y avait de concourir efficacement à limiter les destructions par le feu sans attendre passivement l'arrivée des secours. Dans le cadre de ces expériences, il arrivait généralement que les autorités municipales nomment des commissions. Ces dernières se chargeaient de rendre un rapport qui établissait le bien-fondé ou l'inaptitude des modes expérimentés avec, dans la perspective, un équipement en appareils éprouvés501.

Les expérimentations les plus répandues touchaient les modes opératoires du type des extincteurs, instrument qui n'a cessé de se perfectionner depuis la mise au point du paraflammes de Mr MAURET de PURVILLE502. Cet outil permettait de projeter et de diriger, sous l'effet d'une pression intérieure, un agent extincteur sur la base des flammes d'un foyer. Il se composait, ordinairement, d'un corps métallique, d'un orifice de projection, d'un système de fermeture, d'un produit extincteur et d'un dispositif de mise en pression503. Seuls changeaient la forme et le procédé d'usage entre les différents types504. Ce moyen ne pouvait intervenir que sur les premiers instants d'une déclaration d'incendie. Il est manifestement établi que cette solution, en se vulgarisant, bien que ce soit progressivement, contribua à la préservation de la fortune privée et, certaines fois, publique. Seulement, il est impossible, même sous le critère de l'estimation, de chiffrer combien de sinistres hebdomadaires ont pu être stoppés par un tel mode. Même l'étude de la couverture des assurances ne pourrait y répondre, à cette période, car si dommages il y avait, tous n'étaient pas couverts par un contrat. Pourtant, il est fortement plausible que cela représente un important pourcentage. Dans tous les cas, le risque était bien présent et la demande, en proportion. Dans une liste dressée, cependant dans un but commercial, le 12 mars 1870, nombreuses étaient les citations de fabriques, d'industries, surtout dans le secteur du textile, de bâtiments commerciaux et publics, équipés de l'extincteur des incendies 505. Les exemples d'extinctions ne manquaient pas et concouraient, par l'intermédiaire de la presse, à assurer le développement de cet utile moyen de préservation506 ; ce, à l'image d'un article publié dans Le Salut Public du 14 janvier 1869 qui estimait que le jour où chaque maison, chaque bâtiment, chaque fabrique seraient équipés, les incendies deviendraient moins déprédateurs ; et ce à quoi le commandant des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon se faisait l'écho, en 1880, lorsqu'il parlait de la pompe ZAPFLE 507 après avoir assisté à une démonstration508. Il définissait cette pompe comme un matériel excellent que l'administration pourrait utiliser favorablement pour préserver les grands établissements ou des espaces comme les archives, les musées, les théâtres.

message URL DOC10.gif
Document n° 10 : Grenade extinctrice – 1888

Parmi les petits matériels qui figuraient également au titre de la lutte personnelle contre le feu se déterminaient les cartouches et les grenades extinctrices, des moyens qui, à peu de choses près, se présentaient sous une forme identique509. Leur conception demeurait somme toute sommaire : un flacon -lequel renfermait une composition chimique gazéifiée- qui, jeté dans un foyer -à la condition qu'il soit pris dans son éclatement-, avait la propriété d'étouffer celui-ci. Dans la présentation qui était faite de la grenade Harden, en 1888, le fabricant trouvait onze critères avantageux à faire l'achat de sa production510. Il invoquait plus communément que ‘"pouvoir agir d'une manière efficace dans les premières minutes d'un incendie sans rien abîmer et sans exposer la vie humaine, est plus important que d'avoir tous les pompiers de la ville chez soi après un quart d'heure d'attente"511.’ Son utilisation était des plus simples puisqu'il suffisait de jeter avec assez de force la grenade dans le foyer ou un feu de cheminée pour qu'elle y exerce ses propriétés. En outre, si le flacon ne se brisait pas, celui-ci éclatait alors après quelques secondes sous l'effet de la chaleur dégageant l'acide carbonique en réaction. Comme pour l'extincteur, ces instruments de sauvegarde se diffusèrent plus ou moins largement. Vendues par lot, fréquemment avec un panier qui permettait de les accrocher près d'un âtre, elles participèrent à l'extinction des départs de feu, qui plus est abondamment dans les feux de cheminée, très nombreux, et qui avaient parfois des enchaînements catastrophiques512.

La plupart, néanmoins, de ces modes d'intervention étaient garantis SGDG, c'est-à-dire Sans Garantie Du Gouvernement. De plus, si, effectivement, ces outils montraient une propension manifeste à la sécurité et à la protection des biens, il était des préparations qui exposaient leurs utilisateurs à des dangers ; ce qui allait obliger les pouvoirs publics à réglementer l'usage comme la vente de quelques-uns de ces matériels ou quelques-unes de ces préparations. Il arrivait, en effet, que des préparations soient confectionnées sous le mode de l'artifice. Le principe se focalisait sur une explosion qui, dans le cas d'un feu de cheminée, devait faire chuter la suie enflammée de façon à circonscrire le développement du feu. Le danger était double : pour l'individu d'abord et pour la gaine de cheminée qui risquait de se fissurer, auquel cas l'incendie pouvait se propager. La fissure, si elle n'était pas relevée, pouvait avoir, de plus, la possibilité de favoriser un nouvel embrasement ; ce qui explique plusieurs des interdictions qui frappèrent toutes les compositions fabriquées sur ce modèle513.

Les instruments compacts du type des extincteurs trouvèrent leur place dans de nombreuses constructions lyonnaises, privées ou publiques, dans des bâtiments industriels, aux archives, dans les bibliothèques, les théâtres, dans des espaces qui pouvaient en fait cruellement souffrir lorsqu'une conflagration s'y déclarait. Ainsi, dans le cadre de la prévention des incendies, la décision fut maintes fois prise de déposer, dans les théâtres de la ville, placés sous la tutelle municipale, des extincteurs ; comme en 1903, lorsque l'administration opta pour un nouveau type de matériel514. Ces lieux de plaisir, de détente et de spectacles, à l'image de plusieurs édifices, ont payé, d'ailleurs, un tribut énorme aux destructions par le feu, si bien que les mesures de sécurité qui y étaient appliquées y ont été de plus en plus sévères. Fréquemment, ces règles ont effectivement été la conséquence de tragédies que la mémoire collective occultait jusqu'à ce qu'un nouveau drame fasse resurgir le démon. Malgré les normes appliquées, les salles de spectacles lyonnaises ont eu, elles aussi, "l'occasion" de connaître les affres d'une destruction par le feu, mais, heureusement, jamais dans des proportions qui ont été catastrophiques. Quoi qu'il en soit, ces lieux donnèrent une toute puissance aux progrès techniques qui pouvaient être réalisés. La menace et les résultats, ne serait-ce que de la défectuosité d'un bec de gaz, pouvaient être proportionnellement gigantesques. Il devient alors aisé d'imaginer le bénéfique concours qu'ont pu apporter les extincteurs et la présence devenue permanente d'un personnel de garde. Malgré tout, des théâtres mais également des édifices publics, des manufactures, parfois protégés par des réseaux de sprinklers, allaient continuer de disparaître dans les flammes.

Notes
497.

Les encarts publicitaires dans les journaux lyonnais étaient très nombreux. Le Salut Public du 28/11/1870 présente une publicité pour l'extincteur des incendies en jouant sur le conflit guerrier qui venait de s'ouvrir : "L'extincteur des incendies est un appareil indispensable à toute personne qui tient à sauver sa vie et sa fortune".

498.

AML, 1270 WP 015 – Sapeurs-pompiers : Matériel, équipement et habillement : Offres de service de fabricants ; 1869-1839.

499.

Idem 111.

500.

Idem 111.

501.

AML, 1270 WP 015 – Sapeurs-pompiers : Matériel, équipement et habillement : Offres de service de fabricants ; 1869-1939.

502.

Ibidem 114. Il arrive que ce nom soit orthographié différemment selon les sources.

503.

Voir le document n° 9 : Extincteur DICK - Vue et coupe - Vers 1885. AML, 1270 WP 015 – Sapeurs-pompiers : Matériels, équipement et habillement : Offres de service de fabricants ; 1869-1939. Société L'extincteur.

504.

Idem 114. Ce carton d'archives présente les prospectus de différentes marques et sociétés : l'extincteur des incendies – 1870 ; la pompe ZAPFLE – 1880 ; l'extincteur parisien – 1883 ; le parafeu BERNHEIM – 1896 ; l'extincteur carburex – fin XIXème siècle ; (...).

505.

Idem 114. L'extincteur des incendies – 1870.

506.

Le Salut Public du 01/09/1867 revient sur un incendie déclaré Rue Tronchet dans un atelier de menuiserie et éteint à l'aide d'un extincteur.

507.

Idem 114. Lettre du commandant des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon au secrétaire général de la préfecture du département du Rhône en date du 07/01/1880 sur une expérience conduite le 06/01/1880, à Lyon, sur un liquide extincteur et la pompe ZAPFLE.

508.

Le Petit Lyonnais du 07/01/1881 donne, dans ses colonnes, le compte-rendu d'une expérience menée sur le liquide extincteur et la pompe ZAPFLE en présence d'une foule nombreuse de curieux et les instances de la ville.

509.

Voir le document n° 10 : Grenade extinctrice - 1888. AML, 1270 WP 015 – Sapeurs-pompiers : Matériel, équipement et habillement : Offres de service de fabricants ; 1869-1939. Grenade Harden – 1888.

510.

AML, 1270 WP 015 – Sapeurs-pompiers : Matériel, équipement et habillement : Offres de service de fabricants ; 1869-1939. Grenade Harden – 1888.

511.

Ibidem 123.

512.

Idem 123.

513.

Recueil des actes administratifs du département du Rhône – 1861 ; pp. 323-325. Un acte du 12/09/1861 mettait en demeure toute autorité compétente d'interdire la vente d'une préparation chimique d'origine allemande considérée comme dangereuse pour la sécurité publique.

514.

AML, 1271 WP 010 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement du bataillon : Registres d'ordres ; 1900-1905. Ordre du 29/10/1903. Extincteurs du type Excelsior.