Procéder à une analyse des incendies sous le rapport aux dommages conserve une forte part de prudence pour une raison essentielle et qui se place sur l'estimation. Les rapports de feu contenaient, parmi les renseignements qu'ils faisaient figurer, une évaluation des dommages causés par la flamme. Dans tous les cas, il s'agissait bien d'une approximation qui fut faite, soit par le chef de bataillon, soit par l'officier commandant le détachement d'intervention, soit par le chef de poste, plus couramment le propriétaire ou le locataire des espaces incendiés ou le bénéficiaire des richesses détruites. Dès lors, il va de soi que certaines expressions de la valeur des biens brûlés ont été faites à la hausse, enlevant une part de vérité aux sommes. Toutefois, il est généralement arrivé que, à une exagération de l'estimation d'un particulier, l'officier rédigeant le document de feu ait lui-même porté une correction. Une manière d'effectuer un travail plus pertinent sur le montant des déprédations aurait été d'étudier les contrats d'assurance, plus exactement les sommes versées par les assureurs pour couvrir les dommages. Seulement, dans cette perspective, la recherche aurait eu encore plus à souffrir dans son approximation car l'assurance incendie mit beaucoup de temps à toucher toutes les strates de la société. A ce qui a été envisageable jusqu'alors, le traitement offre plus de qualité sur la période 1886-1913, principalement et en fonction des recoupements qui ont dès lors été permis avec les états portés, par exemple, dans les Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon. Il conviendra, cependant, d'apporter quelques corrections aux données communiquées, spécialement en ce qui concerne les années touchées par de grands feux dont les principaux ont été antérieurement repérés et présentés. Dans l'analyse qui va suivre, il ne sera peu ou pas fait cas des feux de cheminée et des destructions qu'ils pouvaient entraîner puisqu'une allusion leur a été portée dans l'étude qui fut précédemment faite sur ce type d'embrasement.
Entre 1886 et 1913, l'évaluation des dommages n'a pas subi d'évolution flagrante bien que les richesses, du moins la valeur des objets, aient généralement augmenté1075 ; ce qui suppose qu'à la hausse des déclarations des départs de feux, l'intervention des services de secours se faisait rapidement et efficacement de manière à éviter de trop fortes déprédations. Hors années exceptionnelles, que sont 1893 avec l'incendie des usines Teste1076, 1898 avec l'embrasement du Quai Saint-Clair1077, 1908 avec le brasier des usines RIVOIRE et CARRET1078, 1911 avec la conflagration de l'entrepôt de la compagnie des Omnibus et Tramways de Lyon1079, le mouvement des pertes approximatives serait de type ondulatoire. Son interprétation ne peut guère aller plus loin que les concepts d'imprévisibilité de l'événement et des lieux dans lesquels celui-ci se produisait. Il est évident que les dommages n'étaient pas d'une même nature ni d'un même montant lorsque le déclenchement avait lieu chez un négociant en soierie ou dans le logement d'un ménage ouvrier ; ni le même effet d'ailleurs, le premier bénéficiant souvent de l'assurance de ses marchandises, la famille de journaliers étant fréquemment réduite à la misère. Pourtant, il convient de prendre en compte d'autres paramètres qui sont l'organisation, la disposition et l'amélioration des services de secours. Comme il l'a été démontré, les départs de feux iront en s'accroissant pour différentes raisons. Si les estimations des dégâts n'augmentent pas sous un mouvement identique, c'est bien que la fonctionnalité et l'efficacité du corps de secours se sont accrues, y compris avec l'extension de l'alimentation en eau et la professionnalisation ; ce qui laisserait présager -ce qui fut démontré sous d'autres angles-, et bien que persistent des événements majeurs dont certaines années portent le témoignage, que la tendance demeure fixée sur des incendies de faible ou de moyenne importances ; encore qu'il faille donner une limite à la notion d'importance. Le graphique n° 6, bien qu'une légère montée des incendies supérieurs ou égaux à 1.000 francs de destruction se remarque, déterminait une courbe des embrasements inférieurs à 1.000 francs de dégâts en position haute du diagramme, qui, après un fléchissement entre 1897 et 1907, se réamorçait à l'ascension1080 ; donc une relative continuité dans les conflagrations moyennes. Reste que, comme il l'a été sous-entendu à l'évocation du ménage ouvrier victime d'une dévastation par le feu, 500 francs de dégâts, au regard du salaire d'un journalier à cette époque, représentaient déjà de forts dommages. La comparaison peut d'ailleurs s'établir sur la solde d'un sapeur-pompier de la section active. Selon les registres de matricules, en prenant presque l'année centrale à la période étudiée, 1900, comme modèle, un sapeur de 1ère classe touchait, pour l'exercice de sa fonction, 137,50 francs mensuels, soit 1.650 francs annuels1081 ; c'est-à-dire que si un brasier se déclarait dans l'espace de vie de cet homme et sa famille et procurait de 500 à 600 francs de dégâts, c'était en gros quatre fois le salaire mensuel de cet individu qui était détruit avec les conséquences qu'on imagine sur la survie économique du ménage. Lutter contre le feu revêtait donc également d'autres caractères, plus humains, que la protection des richesses.
Sous le critère de l'intervention du corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, et bien que ses modalités d'organisation soient souvent décriées par la presse, la proportion des dommages les plus importants se veut celle des incendies ayant engendré de 0 à 5.000 francs de déprédations1082 ; ce qui, sur les 28 années citées, mais hors 1891 où les chiffres ne sont pas accessibles, représenterait une moyenne de 80,7 % des incendies ayant engendré des dommages compris dans cet intervalle d'estimation ; une situation qui placerait le risque sous une certaine maîtrise encore qu'elle devienne toute relative, comme il l'a été dit, lorsque le rapport est fait au coût de la vie en fonction de l'époque ; un contrôle que renforcerait significativement le calcul des autres moyennes, et bien que des écarts annuels subsistent, cependant modestes. Ainsi, les embrasements qui auraient engendré de 5.001 à 10.000 francs détermineront-ils une moyenne de 6,1 %, les brasiers ayant provoqué des dommages compris entre 10.001 et 100.000 francs, une moyenne de 11,2 % et les conflagrations ayant détruit pour plus de 100.000 francs, une moyenne de 2,5 %1083. Si les chiffres ont été posés sur des bornes comme, par exemple, à 5.001 ou 10.001 francs, c'est essentiellement parce que, dans la plupart des cas, l'évaluation, généralement faite sur des chiffres ronds, se faisait à la borne supérieure. Comptabiliser, notamment, les incendies chiffrés comme ayant occasionné 5.000 francs de dégâts dans une seconde classe qui aurait été fixée sur des déprédations ayant entraîné de 5.000 à 10.000 francs, aurait faussé les données en admettant dans un groupe supérieur des sommes inférieures ; en d'autres termes, les embrasements estimés à 5.000 francs représentaient en fait, le plus couramment, des incendies ayant provoqué des dégâts supérieurs à 4.500 francs et arrondis, pour présentation, à 5.000 francs. Accepter ces évaluations dans une classe de 5.000 à 10.000 francs aurait déterminé une erreur en comprenant dans ce groupe des brasiers ayant en fait généré des dommages inférieurs à 5.000 francs. De l'analyse de ces données, ce qui est également abordable par l'intermédiaire des moyennes, s'établirait que les déclarations de feux provoquaient, soit des dommages de faible à moyenne importance, voire un peu plus, soit des dommages de très fortes conséquences ; l'intervalle entre les deux demeurant plutôt léger. Ce fait renforcerait et légitimerait tous les adages et les dictons qui circulent encore dans les rangs des hommes de feu et jusqu'aux techniques d'intervention au travers de l'effet et de la portée des premières minutes d'un départ de feu et du "décalage" des sapeurs-pompiers avec leurs matériels. De ces chiffres ressort donc la flagrance des incendies ayant occasionné jusqu'à 5.000 francs de dégâts et ceux ayant provoqué plus de 10.001 francs de dommages. Plusieurs interprétations se dégagent dont la principale s'appuie sur la rapidité de la maîtrise des foyers derrière laquelle paraissent la qualité des secours, la rapidité d'intervention, la disposition des moyens de lutte et la primauté de l'alerte, notions renforcées par le calcul de 6,1 % des incendies ayant donné de 5.001 à 10.000 francs de déprédations. La signification placerait essentiellement un feu, au moment de sa déclaration, indépendamment du lieu et des conditions de déclenchement, dans deux positions : générer des dommages inférieurs ou égaux à 5.000 francs ou supérieurs à 10.001 francs. Sous un autre mode de calcul, les embrasements ayant provoqué de 0 à 5.000 francs de dégâts, sur la période concernée, porte un état de 4.068 foyers et, pour les conflagrations ayant occasionné plus de 10.001 francs de dommages, une somme de 662 départs1084. Sur l'agglomération lyonnaise, toujours hors engagement des déprédations établies par les feux de cheminée, il y aurait donc eu une malchance sur six environ qu'un feu dégénère en un brasier de forte importance ; ce qui demeurait manifeste et imposait l'organisation d'un service d'incendie efficace, rapide à intervenir et déterminé dans sa mission. Ces principes, malgré les aléas et les reproches qui furent adressés régulièrement à la structure, répondaient, pour partie, à leurs obligations. Pour partie car, sur la période 1886-1913, de la fin du XIXème siècle et jusqu'à la veille de la Grande Guerre, le mouvement serait à la baisse sur le groupe des incendies compris entre 0 et 5.000 francs de déprédations1085. L'interprétation ne se révélerait pas sous une réduction du coût des déclarations de feu mais sur une augmentation des sinistres détruisant pour plus de 5.001 francs de biens ; une tendance à mettre en liaison directe avec l'augmentation de la comptabilité des départs de feux pour toutes les raisons et les arguments avancés avant le renforcement des mesures et l'orientation définitive du bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon vers un exercice de professionnels, servi par un parc technique automobile.
Si le coût des destructions occasionnées par les incendies sous le rapport à la population de l'agglomération lyonnaise suit en toute logique l'expression de l'état des pertes approximatives1086, il aurait été intéressant de pouvoir mettre en corrélation les dommages notés par arrondissement et le chiffre des populations résidentes de ces quartiers. La liaison demeure interprétable en fonction des pertes estimées pour chaque partie administrative de la ville sur une période s'échelonnant entre 1886 et 19101087. Le 1er arrondissement, hormis l'année 1898 qui porte une proportion de 73,4 %1088 du total des dommages et, dans une moindre mesure, l'année 1890 avec 32,1 %, ce quartier ne figurait pas parmi les plus touchés en termes de pertes1089. Hors les deux années précitées, le pourcentage des pertes répertoriées dans cet espace ne dépassera pas 12,8 % et fondera, dès lors, une moyenne fixée à 6,1 %1090. Ce sont des données vers lesquelles tendrait à se rapprocher le 2ème arrondissement où, hors 1894 avec 63,8 % des dommages, et, de façon moins flagrante, 1887 avec 18,7 %, le pourcentage des pertes listées, hors ces deux dates, ne dépassera pas 11,4 %, la moyenne s'établissant à 6,7 %1091. Ces chiffres demeurent cependant plus élevés que les données qui se rapporteront au 4ème arrondissement qui, sur la période 1886-1910, ne dépasseront pas les 6,3 %1092, la moyenne s'établissant à 1,9 %. Ces trois arrondissements subiront donc moins de dommages que d'autres parties de la cité, en l'occurrence, les trois autres arrondissements qui se placeront, sur la période de référence, pour le 3ème, avec une moyenne de 29,5 % des dommages, pour le 5ème, avec une moyenne de 17,4 %, et, pour le 6ème, avec une moyenne de 16,4 % ; des chiffres qui, pour s'exprimer sur l'ensemble, doivent s'associer aux pertes estimées en périphérie et composant une moyenne de 15,5 %. Les 5ème et 6ème arrondissements ont connu des variations ou des périodes plus affirmées : 1886-1900 pour le 5ème, par exemple1093 ; 1888-1898, voire 1903-1910, encore que l'année 1908 se réfère à l'incendie des usines RIVOIRE et CARRET, pour le 6ème arrondissement1094. Des variations se noteront également pour le 3ème si ce n'est que, dans le cas présent, les chiffres demeureront plus élevés1095. Ces constats, touchant chacun des six quartiers administratifs de l'agglomération lyonnaise, corroborent en fait les analyses présentées jusqu'alors.
Voir le graphique n° 13 : Etat des pertes approximatives exprimé en francs sous le rapport des incendies pour les années 1886 à 1913. Ce graphique a été construit avec les données disponibles dans le volume V.
800.000 francs de dommages.
3.000.000 de francs de dommages.
Idem 281.
1.300.000 francs de dommages.
Voir le graphique n° 6, page I-191 : Evolution des incendies selon le montant des dommages sur la période 1886-1913.
AML, 1271 WP 151 – Sapeurs-pompiers : Comptabilité : Dépenses : Solde versée au personnel : Registre ; 1896-1915.
Voir le graphique n° 14, page I-227 : Proportion et répartition des incendies selon 4 classes de montant des dommages sur la période 1886-1913. Ce graphique a été construit avec les données disponibles dans le
volume V.
Idem 286.
Tous les calculs obtenus et mentionnés sont issus des données chiffrées portées dans le volume V.
Voir le graphique n° 14, page I-227 : Proportion et répartition des incendies selon 4 classes de montant des dommages sur la période 1886-1913.
Se reporter à l'histogramme, page V-265 : Vue d'ensemble : état des pertes exprimé en francs tous sinistres confondus sur la période 1886-1913 / Vue d'ensemble : évolution du coût exprimé en francs par habitant tous sinistres confondus sur la période 1886-1913.
Voir le graphique n° 15, page I-230 : Proportion et répartition des pertes estimées pour chaque arrondissement de la ville de Lyon, hors périphérie, fonction du montant total sur la période 1886-1910 (hors montant des dommages occasionnés pour feux de cheminée). Ce graphique a été construit avec les données chiffrées accessibles dans le volume V. Il s'agit ici d'une présentation synthétique de l'information. Pour chaque arrondissement, par année, puis périodiquement, ont été construits des diagrammes ou des histogrammes, disponibles dans le tome V, établis sous le critère du pourcentage exprimé par l'estimation, pour permettre les comparaisons. Le choix a été fait d'une présentation synthétique sur cette page afin de ne pas encombrer le développement de tracés représentant les pertes pour les six arrondissements de la ville de Lyon. Il conviendra, néanmoins, de s'y reporter pour bénéficier d'une meilleure interprétation visuelle.
Année de l'incendie du Quai Saint-Clair.
Se reporter à l'histogramme, page V-268 : Revue de détail : évolution du pourcentage des pertes estimées pour le 1 er arrondissement de la ville de Lyon fonction du montant total des pertes estimées tous arrondissements confondus sur la période 1886-1910 (hors feux de cheminée).
10,6 % pour la totalité.
Se reporter à l'histogramme, page V-269 : Revue de détail : évolution du pourcentage des pertes estimées pour le 2 ème arrondissement de la ville de Lyon fonction du montant total des pertes estimées tous arrondissements confondus sur la période 1886-1910 (hors feux de cheminée) ; 10 % pour la totalité.
Se reporter à l'histogramme, page V-270 : Revue de détail : évolution du pourcentage des pertes estimées pour le 4 ème arrondissement de la ville de Lyon fonction du montant total des pertes estimées tous arrondissements confondus sur la période 1886-1910 (hors feux de cheminée).
Se reporter à l'histogramme, page V-270 : Revue de détail : évolution du pourcentage des pertes estimées pour le 5 ème arrondissement de la ville de Lyon fonction du montant total des pertes estimées tous arrondissements confondus sur la période 1886-1910 (hors feux de cheminée).
Se reporter à l'histogramme, page V-271 : Revue de détail : évolution du pourcentage des pertes estimées pour le 6 ème arrondissement de la ville de Lyon fonction du montant total des pertes estimées tous arrondissements confondus sur la période 1886-1910 (hors feux de cheminée).
Se reporter à l'histogramme, page V-269 : Revue de détail : évolution du pourcentage des pertes estimées pour le 3 ème arrondissement de la ville de Lyon fonction du montant total des pertes estimées tous arrondissements confondus sur la période 1886-1910 (hors feux de cheminée).