Au moment de l'adoption du règlement d'administration de la dite caisse, le rapporteur du projet écrivait : ‘"Attendu que le moment le plus pénible de leur existence est celui de la vieillesse et des infirmités, coïncidant avec celui où ils sont rayés des cadres, leur interdisant l'exercice de leur profession, que dans cette situation, les pensions de retraite qui sont payées par la ville sont insuffisantes ; (...), considérant qu'il peut être apporté une amélioration sans imposer de nouvelles charges à la ville ; (...), qu'il est dans l'intérêt et de la dignité de la ville de s'attacher de braves serviteurs par des mesures susceptibles de leur assurer une vieillesse moins pénible, (...)",’ ni plus ni moins que des propos présentant l'accueil favorable fait à la constitution de cette caisse2032. L'idée fera en fait son chemin entre l'observation des différents modes de fonctionnement de concession, plus exactement de l'amélioration de leur montant, des retraites en France ou à l'étranger, et d'une affectation non arrêtée du produit des amendes. L'origine se déterminerait sur une revendication exprimée dans une pétition de 18812033. Celle-ci mentionnait, sous des remarques prêtées aux retraités des rangs du corps lyonnais, que la retraite donnée par la ville de Lyon était peu élevée, ce à quoi il était demandé que les intérêts produits par la caisse des amendes, créée en 1875, servent à générer un supplément d'indemnité aux retraités. La revendication se faisait, selon les hommes, sur une interprétation du droit. Les amendes, régissant le service du feu, le service de représentation, accomplis par les hommes engagés, intimant des règles d'ordre, venaient fréquemment imposer des retenues sur les soldes. Il apparaissait donc comme logique, même s'il ne s'agissait pas d'équité au regard de tous les enrôlés et, avant tout, des conditions d'obtention d'une pension, d'un juste retour des choses que de souhaiter voir les sommes prélevées sous la forme d'amendes servir, sous un autre aspect social que celui du respect de la discipline, soit celui de la vie, à améliorer des situations d'anciens sapeurs. D'autant plus que si l'équité, derrière la valeur qu'elle véhiculait, pouvait passer pour négligée parmi les rangs des sapeurs-pompiers, la reconnaissance et le respect des anciens ainsi que la contribution sous la forme du témoignage particulier de l'affectation des amendes dépassaient celle-ci.
Le second pas dans la démarche de réflexion fut franchi lors d'une réunion des officiers du bataillon de la ville de Lyon, en février 18822034. L'ordre du jour portait sur la solution à apporter à la caisse des amendes de l'unité lyonnaise et à laquelle il fut unanimement exprimé la volonté de pourvoir à un supplément d'indemnité aux retraités du bataillon sans aucune distinction de grade2035. La caisse des amendes avait été, en fait, créée en 1875, et le produit des sanctions régulièrement versé, depuis cette date, au Mont-de-Piété2036. Car, jusque là, le "bénéfice" des amendes était couramment employé et absorbé dans l'organisation des fêtes, notamment de la Sainte-Barbe. Néanmoins, devant le relais d'une organisation municipale, le produit des amendes pouvait être inscrit à d'autres emplois. Seulement, au moment de cette création, le choix n'était pas encore déterminé sur l'orientation définitive à donner à la constitution et expliquera le versement, périodique, des sommes perçues au Mont-de-Piété. Celles-ci, converties en titres de rente sur l'Etat, produisant des intérêts à 3 %, représentaient, lorsque fut dressé un état du capital à la veille de la réunion de février 1882, un total de 35.977,52 francs2037. Au vu du fonds et des intérêts produits, il était donc temps de leur donner une destination. Dans la perspective de la formation d'une caisse devant améliorer les retraites des sapeurs-pompiers du corps, les années 1882, 1883 et 1884 furent donc riches en discussions, en réunions et en projets qui aboutiront à la nomination d'une commission chargée de conduire la réflexion et dont les motivations ont été citées précédemment2038. Le souhait était donc manifesté de la constitution d'une caisse dite de secours et en faveur des retraités du bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon pour laquelle il fut décidé de n'employer, à l'origine, que les intérêts produits annuellement par la caisse des amendes2039.
Ainsi, fut adopté un texte, en date du 5 mai 1885, par lequel était approuvé le projet de règlement en vue de déterminer l'emploi de la rente provenant du fonds des dons particuliers, jusque là non compris, faits au bataillon et des amendes infligées à ses membres à l'occasion du service2040. Celui-ci stipulait, outre la légalisation de la création par son article 1, que le capital de cette caisse pouvait être, dès lors, alimenté par le produit des amendes mais également de dons, de legs ou encore de subventions municipales2041. Aussitôt que ce projet aura été agréé par les autorités administratives supérieures, les fonds devaient être impérativement convertis en titres de rente sur l'Etat à 3 %2042. Selon l'article 6, seuls les intérêts provenant de ces titres de rente pouvaient être employés à augmenter les pensions de retraite des membres du bataillon2043 ; et ce, par parts égales et quels que soient les grades. Dans cette répartition, les veuves étaient admises à participer dans des proportions réglementaires, soit pour une demi-part2044. Cette caisse demeurait administrée par le service de la Recette Municipale sous la surveillance du conseil d'administration du corps2045. L'article 10 portait que devaient être admis, à compter de la première répartition, et afin justement de rétablir une certaine équité, tous les retraités à partir du 1er janvier 1875, soit à la date d'officialisation de la caisse des amendes2046. Enfin, l'article 11 précisait, s'il arrivait que le service de lutte contre l'incendie lyonnais soit réorganisé sur d'autres bases que celles actuellement en vigueur, que la rente devait être partagée entre tous les retraités y ayant droit, que ce soit antérieurement ou au moment de la réorganisation, avec réversibilité de moitié sur leur veuve2047. Ce dernier article rajoutait encore que les sapeurs qui, pour une cause externe à un accident en service, auront été admis comme retraités avant le temps régulier d'activité, ne seraient compris dans le partage de cette rente que proportionnellement à leur temps de service. Quant au montant de la rente, il serait toujours partagé entre les survivants jusqu'à un maximum de 450 francs par individu, le surplus restant acquis à la ville2048 ; cette dernière reprenant la jouissance du capital à l'extinction du dernier pensionné dans le cas d'une modification structurelle.
A sa première soumission pour approbation auprès des autorités compétentes, le projet ne fut pas accepté en l'état pour un vice de forme concernant la dénomination de la caisse. Au départ, celle-ci portait le nom de Caisse de Secours en faveur des Retraités du Bataillon des Sapeurs-Pompiers de la ville de Lyon. Or, selon les termes de la loi de 1851 sur les secours et pensions et les directives établies par le décret de 1875, il ne pouvait pas être fait d'assimilation entre une caisse de secours classique et une caisse créée dans le but d'employer un capital qui provenait des amendes infligées aux soldats du feu2049. C'est ainsi que fut supprimé l'emploi du mot secours pour former alors la Caisse Spéciale en faveur des Retraités du Bataillon et le capital employé sur le revenu des fonds. Le règlement reçut alors son approbation le 25 août 1885 si bien qu'à compter du 1er janvier 1886, le capital, représentant, au 31 décembre 1885, 55.856,01 francs recevait une affectation précise2050. En fonction des états de répartition disponibles du montant des arrérages de rente, le partage se faisait, en 18872051, au compte de 62 titulaires, soit, pour une somme de 2.221 francs, une affectation de 48,81 francs, par retraité, et de 24,41 francs, par veuve, donc respectivement 29 et 33 personnes2052. Dix ans plus tard, soit en 1897, la répartition, pour une somme de 3.696 francs, s'effectuait au compte de 92 titulaires, soit une affectation de 48,60 francs, par retraité, au nombre de 60, et de 24,35 francs, par veuve, au nombre de 322053. Encore dix ans plus tard, soit en 1907, la répartition, pour une somme de 4.687 francs, s'établissait au compte de 114 titulaires, soit une affectation de 50,40 francs, par retraité, au nombre de 72, et de 25,20 francs, par veuve, au nombre de 422054.
Sous l'exemple du sapeur de 1ère classe, engagé volontaire, en admettant, par facilité de calcul dans le cadre de ce modèle, qu'aucune évolution hiérarchique ne lui ait été proposée, l'homme, après 25 ans de service, sans prendre en compte les tranches supplémentaires d'activité, avait droit, que ce soit en 1887, 1897 ou 1907, puisque aucune augmentation de solde ne fut concédée, à une pension de retraite de : 166,67 francs2055. En 1887, 48,81 francs lui étaient alors rajoutés au titre des bénéfices accordés par la caisse spéciale en faveur des retraités du bataillon, soit tout de même une augmentation de presque 30 % pour un total de 215,48 francs d'indemnité de retraite. Cette augmentation, toute relative qu'elle puisse être eu égard à la modicité, déjà, de la solde et donc, en conséquence, de la pension de retraite, constituait un surplus appréciable surtout en fonction des situations sociales des classes d'âge auxquelles elle s'adressait. Lorsque fut rendu le règlement de 1896, aucune modification ne fut introduite, que ce soit dans le mode de gestion ou celui d'administration de cette caisse2056. Elle fonctionna donc sur son règlement, établi en 1885, jusqu'à la délibération du 24 juin 1907 portant sur la réorganisation à entreprendre du bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon. A cette date, il fut choisi d'admettre une limite maximale, fixée à la moitié de la retraite servie par la ville, au supplément attribué sur les fonds de la caisse2057. Cette disposition, qui dans tous les cas ne reçut aucune application concrète à la vue de l'accroissement des bénéficiaires sous la disparition des compagnies d'arrondissement, fut d'ailleurs partiellement occultée par les modifications introduites en 19132058 ; et ce, dans la perspective des mises à la retraite consenties sur les modalités de la délibération du 5 août 1912, applicables au 1er janvier 1913 ; notamment, en fonction d'un calcul proportionnel aux années de service effectuées, de 10 à 25 ans selon les cas, à cette date précise, et donc un montant des indemnités aléatoire et parfois faible. Une préoccupation plus importante existait : celle de l'extrapolation des effectifs de retraités bénéficiaires se réduisant, à terme, avec l'orientation, à présent professionnelle, du corps lyonnais2059. En tout état de cause, l'institution de cette caisse, sur l'initiative des cadres du corps mais sous l'acceptation des pouvoirs publics, fut une part contributive à l'amélioration d'un avantage consenti au titre de l'exercice de la fonction de sapeur-pompier. Le but fut tout aussi louable que celui destiné à l'accord de pensions de secours pour des blessures reçues ou des maladies contractées dans l'accomplissement du service d'incendie, et aux modalités d'assurance des personnels de services d'incendie.
AML, 1270 WP 012 – Sapeurs-pompiers : Pension de retraite : - Caisse spéciale en faveur des retraités du bataillon des sapeurs-pompiers de Lyon : Création et fonctionnement ; 1879-1913. Règlement du 15/01/1885.
Idem 198.
Idem 198. Réunion du 25/02/1882.
Ibidem 200.
Idem 198.
AML, 1270 WP 012 – Sapeurs-pompiers : Pension de retraite : - Caisse spéciale en faveur des retraités du bataillon des sapeurs-pompiers de Lyon : Création et fonctionnement ; 1879-1913. Etat au 14/01/1882.
Idem 203.
Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1885 ; vol. 2, séance du 05/05, pp. 204-210.
Idem 205. La correspondance s'établit avec le règlement du 15/01/1885.
Idem 205. Article 2.
Idem 205. Article 3.
Idem 205.
Idem 205. Article 6.
Idem 205. Article 8.
Idem 205.
Idem 205.
Idem 205. Article 11.
Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1885 ; vol. 3, séance du 28/07, pp. 89-93.
AML, 1270 WP 012 – Sapeurs-pompiers : Pension de retraite : - Caisse spéciale en faveur des retraités du bataillon des sapeurs-pompiers de Lyon : Création et fonctionnement ; 1879-1913.
En fait au 01/01/1888.
Idem 216. La répartition selon les deux catégories de personnes peut apparaître comme surprenante car un état des retraités et des veuves disponible pour 1884 recensait respectivement 57 et 17 personnes, soit presque 2 fois moins pour l'un et 2 fois plus pour l'autre que par rapport à 1887.
Idem 216.
Idem 216.
Pour rappel, le montant se déterminait aux deux tiers du traitement au moment de la liquidation de la dite pension. Dans l'exemple proposé, la solde du sapeur de 1ère classe était, à cette date, de 250 francs.
VILLE DE LYON. – Sapeurs-pompiers – Bataillon des sapeurs-pompiers – Règlement, Lyon, Association typographique, 1896, 55 p. Articles 150, 151 et 153.
Idem 216.
Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1913 ; vol. 2, séance du 04/11, pp. 164-165.
Idem 224.