Il apparaîtrait, selon des auteurs comme, par exemple, Georges PAPILLEAUD2060, que ce soit à la suite du mouvement philanthropique généré par la Révolution de 1848 que le législateur se soit décidé à porter un intérêt à une fonction aussi utile que périlleuse pour ceux qui l'exécutent. L'acte le plus caractéristique, premier du genre, fut évidemment la loi du 5 avril 1851, sur les secours et pensions à accorder aux sapeurs-pompiers municipaux ou aux gardes nationaux victimes de leur dévouement dans les incendies, à leurs veuves et à leurs enfants2061. Ainsi, dans l'article 1 de ce texte de loi était-il précisé que : ‘"les officiers, sous-officiers et soldats des bataillons, compagnies ou subdivisions de compagnie de sapeurs-pompiers ou gardes nationaux qui, dans leur service, auront reçu des blessures ou contracté une maladie entraînant une incapacité de travail personnel temporaire ou permanente, auront droit à des secours ou à des pensions, suivant les circonstances"’ 2062. Cet article spécifiait, en outre, que ‘"les veuves et enfants de ceux qui auront péri dans le service, ou qui seront morts des suites des blessures reçues ou des maladies contractées dans le service, auront également droit à des secours ou à des pensions’". Il s'agissait en fait d'un principe qui, s'il n'avait pas été consacré jusqu'à présent par un acte législatif, était cependant partiellement reconnu dans la pratique. Seulement, en dehors de quelques villes suffisamment importantes, y compris sous le critère de la disponibilité des ressources financières, où des caisses de secours avaient pu être constituées, les sapeurs blessés étaient généralement tributaires d'une initiative des magistrats municipaux en leur faveur, voire d'une sollicitation auprès du fonds de secours dont le gouvernement disposait2063, pour obtenir une quelconque réparation face à un préjudice subi. Ainsi, au tournant du XIXème siècle, si rien n'était explicitement évoqué, les soldats du feu de la compagnie de Lyon, victimes d'un accident en service, pouvaient-ils toujours réclamer auprès de l'administration municipale un secours pécuniaire de manière à compenser un dommage, autant moral que physique. Hormis qu'à cet instant, le libre choix était donc laissé à l'appréciation des édiles, ce qui n'allait plus être expressément le cas dans le cadre législatif fixé par la loi de 1851 faisant de la requête une obligation, sous réserve néanmoins de certaines modalités. Par la loi, la pratique, plus ou moins suivie, devenait un droit dont l'application était en fait régularisée.
Selon les différents articles de l'acte, les sapeurs avaient donc droit à un secours une fois payé, à des indemnités annuelles temporaires ou à une pension viagère par suite d'une blessure reçue, d'une infirmité ou d'une maladie contractée, soit lorsque l'homme luttait contre l'incendie, soit lorsqu'il accomplissait des devoirs imposés par son service2064. Selon les circonstances de l'intervention, plus exactement de l'accident, ou de l'incident, suivant la proportion, notamment sur ou hors les limites communales, le règlement de l'allocation pouvait différer sous le profil du débiteur2065. Conformément à l'article 5, lorsque la décision était donnée à l'accord d'une pension, le montant de celle-ci était alors établi proportionnellement aux besoins du ou des réclamants et, avant tout, des ressources de la commune2066. Cette décision, nécessairement admise par une délibération des représentants municipaux, pouvait néanmoins faire l'objet d'un recours, autant par la partie intéressée que par le maire, au nom de la commune2067. Lorsque le cas se présentait, le recours devait être porté devant le conseil général du département, organe statuant en dernier ressort et admis comme jury d'équité2068. A l'identique de ce qui prévalait dans le paiement des pensions de retraite, les secours et pensions concédés dans le cadre actuel devaient être portés au budget des cités et ce, comme dépenses obligatoires2069. Ceci posera le même genre de problèmes que ceux antérieurement évoqués sous l'indemnité des retraites, à savoir la disposition de ressources financières municipales sous la charge ; ce à quoi les conseils généraux pouvaient en partie répondre en accordant des subventions2070. La solution la plus courante demeurait toutefois l'autorisation qui pouvait être donnée, suivant l'article 8, à la formation d'une caisse communale de secours et pensions en faveur des sapeurs-pompiers victimes de leur dévouement dans les incendies2071. Le capital de cette caisse pouvait en fait être alimenté de différentes manières, soit par des dons et subventions volontaires, soit par le produit de souscriptions venant des compagnies d'assurance ou bien encore le produit de donations ou legs sous le caractère de l'institution comme d'un établissement d'utilité publique2072. Dans le cas d'une telle constitution, l'organisme était la propriété exclusive des communes et donc géré comme les autres fonds communaux ainsi que soumis, dès lors, aux règles de la comptabilité municipale2073. Enfin, selon l'article 11, les allocations accordées en vertu de la loi étaient incessibles et insaisissables2074.
A l'inverse de l'évocation implicite qui était faite aux retraites et sera allusivement et postérieurement interprétée par différentes circulaires concernant l'application de la loi de 18512075, la mention était précise en termes de secours liés aux accidents pouvant survenir dans l'exécution du service d'incendie. Le cadre d'administration des directives de cette loi, au même titre que le respect du droit en matière de responsabilité des départs de feu ou de la statistique, légitimera la rédaction des rapports de feu qui, associée aux procès-verbaux des autorités judiciaires et policières, fournissait un élément d'appréciation aux circonstances d'un événement fâcheux. Car, notamment et fort logiquement, l'indemnisation ne provenait que de la constitution d'un dossier contenant toutes les pièces nécessaires à l'évaluation du préjudice subi2076. Dans le rendu de la loi, hors décès, le plus approprié était clairement déterminé sur la concession d'une indemnité annuelle qui permettait en fait de tenir compte autant de l'amélioration de l'état de santé que de l'état de fortune d'un réclamant, et donc d'éviter -c'était le leitmotiv- des abus aux conséquences sensibles sur le compte communal2077. Le souci aux finances était permanent et c'est d'ailleurs sous cette préoccupation que le soin s'était manifesté de la possibilité de subventions du conseil général2078, mieux, de constitution d'une caisse de secours ; une institution dont le but était clair dans l'aide à fournir aux communes en offrant un moyen, sans se substituer totalement à l'administration municipale, d'alléger la charge qui pesait à présent sur les cités disposant d'un corps de sapeurs-pompiers, et ce, au regard de la loi de 18512079.
Ces caisses étaient établies par un décret, sur la demande de l'autorité municipale après une délibération, ce qui permettait de leur donner un caractère d'établissements publics propre à la réception de donations et de legs2080. Aucune confusion ne devait en fait s'opérer avec la constitution d'éventuelles caisses de pensions et retraites, aux buts sociaux différents. Surtout, former une institution de cette classe ne dispensait nullement les communes des obligations imposées par la loi ; c'est-à-dire que si la caisse disposait des ressources suffisantes pour subvenir au paiement des secours et pensions, le budget de la commune était exempt de toute charge, mais que si tel n'était pas le cas, le budget municipal devait fournir tout ou partie des sommes nécessaires au règlement2081. Seulement, par la création d'une semblable caisse, il était possible de former, par accumulation de subventions votées par la municipalité et le produit des dons et legs qui pouvaient être faits, un capital dont le revenu pouvait dispenser, à terme, de recourir aux ressources financières communales2082. C'était là un projet ambitieux qui, dans tous les cas, allait prendre du temps sous le critère de l'accumulation de capital, mais même si les fonds demeuraient peu importants, ils auront toujours l'occasion de fournir une aide précieuse aux communes. De plus, ces caisses devaient donner des garanties sur l'affectation des capitaux, par l'intermédiaire de l'emploi à un objet déterminé, car, pour les autorités, de ces dernières dépendait une influence directe sur la multiplication des dons de particuliers, expression de la reconnaissance du rôle et de la fonction des sapeurs-pompiers2083.
Selon le Ministre de l'Intérieur du moment, le Duc de PERSIGNY, exprimant la volonté du gouvernement, il était fortement souhaitable que, dans toutes les communes de France où il existait un corps de sapeurs-pompiers, quelle que soit sa base de constitution, soit établie une caisse de secours et pensions2084. D'après l'homme et ses services, deux systèmes de formation pouvaient répondre à ce voeu. Le premier consistait, en fait, à laisser à la charge du budget communal, pendant quelques années, le paiement des secours et pensions qui devait être réglé2085. Ceci avait un but : former, dans le même temps, un capital dont le revenu libérait, à terme, de toutes charges, comme il était dit dans la circulaire, le budget municipal en exécution de la loi du 5 avril 1851 ; encore fallait-il que la commune soit à l'origine suffisamment riche pour se permettre de fonctionner sous ce mode en constituant un fonds permettant le fonctionnement en autonomie de la caisse. La seconde possibilité, envisageable là ‘"où il ne paraîtrait pas possible d'espérer la formation d'une caisse en état de suffire à elle seule au paiement des secours et pensions"’ 2086, donc dans les villes et les cités ayant peu de ressources, se basait sur la simple orientation de la dite caisse à venir en aide au budget des communes en utilisant les capitaux périodiquement accumulés pour répondre, en partie, à la concession des secours et pensions. Concernant la première solution, paraissant la plus adaptée au titre des garanties, notamment futures, et de la disposition d'un capital pouvant annuellement répondre, concrètement et correctement, aux besoins, il y avait compromis, dans le cas d'une formation sous le second procédé, celui de placer une partie du capital en rentes produisant des intérêts constitutifs d'un fonds, l'autre partie étant utilisée pour assurer les secours2087. En dehors de la communication d'un ‘"modèle de règlement pour la création de caisses communales de secours et pensions en faveur des sapeurs-pompiers municipaux ou gardes nationaux"’ 2088, le Ministre de l'Intérieur achevait le texte de sa circulaire en ces mots : ‘"Le devoir de l'administration (...), et de chercher les moyens les plus sûrs de réaliser la pensée généreuse et morale de la loi, et de faciliter aux communes l'acquittement de la dette qu'elles contractent lorsqu'un citoyen est victime de son dévouement dans le service des incendies"’ 2089. Cette dernière phrase résumait parfaitement le devoir de reconnaissance dont les pouvoirs publics devaient à présent faire preuve face à des hommes si souvent sollicités et ayant accompli avec sacrifice leur principale mission, celle de la sauvegarde, de la protection des richesses et des fortunes, qu'elles soient publiques ou privées, économiques ou sociales, imposantes ou anodines.
L'ensemble de ces dispositions et la motivation conduisant à la formation de ces caisses seront, d'ailleurs, rappelés au moment de la publication de la circulaire d'application du décret d'administration publique des corps de sapeurs-pompiers français de 18752090. Quant au décret en lui-même, il contenait, notamment dans ses articles 29, 30 et 31, soit le titre VI du texte -"Dépenses. – Secours et pensions"-, la référence directe à l'obligation législative émanant de l'acte de 1851 et l'utilité qu'il y avait à constituer des caisses de secours2091. Cette création était, à cette date, vue sous deux alternatives : l'établissement public ou la société de secours mutuels2092. Aucun bilan n'était dressé à cet instant. Pourtant, il semble qu'un certain nombre de caisses ait bien été institué au lendemain de la publication de l'acte de 1851 et que leur fonctionnement se soit apparemment fait, jusqu'alors, sur le vote de subventions municipales. Ce n'est que progressivement que les dons de particuliers s'effectueront, au titre du mérite reconnu par les populations, comme ce fut présenté pour la ville de Lyon, et qu'ils entreront dans le capital de telles caisses2093. Dans tous les cas, que ce soit en 1851 ou en 1875, le droit, suppléant une pratique reconnue mais qui n'était pas partout admise, souvent involontairement, et ce, sous un rapport toujours identique, celui aux finances, était acquis, sous le caractère des dépenses obligatoires, des secours et pensions à allouer aux sapeurs-pompiers victimes d'accidents sur un incendie ou en service ainsi qu'à leurs veuves et à leurs enfants. Bien qu'il s'agisse d'un droit, celui-ci pouvait être également interprété comme un avantage. D'ailleurs, sous le régime d'application de la loi de 1851, cet acquis a autant pu constituer un frein à l'organisation d'unités, sous un rapport à l'argent, que jouer un facteur dans l'enrôlement des hommes.
PAPILLEAUD G. - Des droits et des obligations des communes en cas d'incendie, Bordeaux, s.éd., 1909,
122 p.
Bulletin des lois – 1851 ; Bull. n° 375, tome VII, pp. 447-449.
Idem 227.
Recueil des actes administratifs du département du Rhône – 1851 ; pp. 231-237. Circulaire d'application de la loi du 05/04/1851 en date du 28/06/1851.
Bulletin des lois – 1851 ; Bull. n° 375, tome VII, pp. 447-449. Articles 2 et 3.
Idem 230. Article 3.
Idem 230.
Idem 230. Article 6.
Ibidem 233.
Idem 230. Article 7.
Ibidem 235.
Idem 230. Article 8.
Idem 230. Article 9.
Idem 230. Article 10.
Idem 230.
Cette loi n'était pas applicable au corps des sapeurs-pompiers de la ville de Paris, organisé militairement.
Recueil des actes administratifs du département du Rhône – 1851 ; pp. 231-237. Circulaire d'application de la loi du 05/04/1851 en date du 28/06/1851.
Idem 242.
Pour bénéficier d'une subvention de cet organisme, les municipalités devaient toutefois justifier d'une insuffisance de leurs ressources et des difficultés à pallier celles-ci par des impositions extraordinaires.
Idem 242.
Recueil des actes administratifs du département du Rhône – 1853 ; pp. 77-84. Acte portant à la connaissance de Mr le préfet la circulaire de Mr le Ministre de l'Intérieur datée du 11/12/1852 et ayant pour objet la constitution des caisses communales de secours autorisées par l'article 8 de la loi du 05/04/1851.
Idem 246.
Idem 246.
Un point de la 1ère partie de ce chapitre VI s'est d'ailleurs attaché à porter une présentation sous la caractéristique des dons de particuliers.
Recueil des actes administratifs du département du Rhône – 1853 ; pp. 77-84. Acte portant à la connaissance de Mr le préfet la circulaire de Mr le Ministre de l'Intérieur datée du 11/12/1852 et ayant pour objet la constitution des caisses communales de secours autorisées par l'article 8 de la loi du 05/04/1851.
Idem 250.
Idem 250.
Idem 250.
Idem 250.
Idem 250.
Bulletin Officiel du Ministère de l'Intérieur – 1876 ; pp. 368-393. Circulaire du 06/05/1876 sur les modalités d'exécution du décret du 29/12/1875 relatif à l'organisation et au service des corps de sapeurs-pompiers, suivie de l'exposé des motifs du projet de décret (p. 371).
Bulletin Officiel du Ministère de l'Intérieur – 1876 ; pp. 193-200. Décret du 29/12/1875 relatif à l'organisation et au service des corps de sapeurs-pompiers (7 titres et 35 articles).
Idem 257. Article 30.
Bulletin Officiel du Ministère de l'Intérieur – 1876 ; pp. 368-393. Circulaire du 06/05/1876 sur les modalités d'exécution du décret du 29/12/1875 relatif à l'organisation et au service des corps de sapeurs-pompiers, suivie de l'exposé des motifs du projet de décret (p. 371).