L'exercice, effectif, du service d'incendie reposait sur différents éléments qui déterminaient, en fait, trois classes : celle favorisant la dispense des secours à travers leur distribution, les moyens d'alerte et les moyens en eau ; celle du strict rapport à l'exécution du service de ou du feu, soit les secours au sens strict ; celle se rapportant au parc matériel et technique utilisé. De même qu'il s'agissait, ici, de paramètres fonctionnant en étroite imbrication, il est difficile de ne pas opérer une confusion, sous un sens général, entre service d'incendie et service de secours puisque intervenir pour sauvegarder des biens, lorsqu'un départ de feu était signalé, n'était, ni plus ni moins, que la dispense d'un secours : celui de la lutte contre les effets de la flamme. Quels que soient les services accomplis, la fonction originelle des hommes demeura bien celle, strictement, d'intervenir sur le foyer d'un incendie. La seconde moitié du XIXème siècle situera, ainsi, pleinement une période transitoire, notable pour de grosses structures, non seulement entre volontariat et professionnalisme, mais également dans l'extension des missions qui accroîtront alors le rôle social des sapeurs-pompiers, expression dès lors de l'association confuse et de l'emploi de la qualification des structures en service d'incendie et de secours. Ceci sera notamment perceptible, pour le corps de Lyon, sous la diversification des tâches, à compter de la dernière décennie des années 18002623. Cependant, cela ne signifiait, en aucun cas, que la mission originelle, pour laquelle les corps avaient été composés, avait vécu et pour cause : l'incendie continuait de faire des ravages. En revanche, l'expression était celle d'une société qui, sous les bouleversements qui l'affectaient, disposait d'une institution adaptable à d'autres classes de secours. En parallèle, le risque incendie conservant, effectivement, sa permanence, latente, impliquera la pleine correspondance avec un service de ou du feu, précis, qui ne disparaîtra jamais. Il arrivera seulement que celui-ci soit, encore que de manière moderne, transporté d'un domaine de compétence publique, pour certains lieux, à une surveillance privée exercée, quoi qu'il en soit, sous une tutelle et une intervention publiques au cas de la survenue d'un événement.
Exercer une surveillance était une des clés de voûte du service d'incendie devant garantir la rapidité entre la découverte d'un départ de feu, l'alerte et l'intervention des sapeurs-pompiers. Tisser la toile d'un réseau de distribution des secours à l'échelle de la ville de Lyon était capital au même titre qu'une mobilisation efficace des hommes, une transmission rapide de l'alerte ou la disponibilité et le rapport à un agent extincteur universellement connu et reconnu, l'eau. Néanmoins, le service du feu, de façon à remplir le plus efficacement possible la mission qui lui était affectée, établissait aussi une liaison avec une exigence de service. Celle-ci n'était pas, exclusivement, celle de la formation des hommes et de l'application d'une théorie des incendies, résumée alors aux manoeuvres des pompes, notamment dominicales, ainsi qu'au combat contre les flammes. Il s'agissait, dès l'origine, d'abord au travers des concepts de prévision et de prévention, puis des constitutions de corps de garde et des sapeurs-pompiers, d'une participation manifeste à la garantie du groupe social. C'est cet établissement qui aboutira progressivement à la définition ‘d'une "politique de gestion des risques’" dont, parmi ceux-ci, l'incendie demeurait expressément craint. La manifestation du phénomène était autant redoutée que ses propriétés physiques, notamment celles se rapportant à la propagation. Dès lors, limiter la communication faisait partie des points fondamentaux sur lesquels il fallait agir. Le rapport et les concepts de rapidité sont d'ailleurs primordiaux pour le service d'incendie et l'orientation d'une déclaration d'embrasement. Parmi les réponses proposées, celle de la surveillance était, et demeure, parmi les plus appropriées. Elle permettra d'optimiser, conjointement à l'adaptation de la distribution des secours et l'assimilation de progrès techniques et d'innovations matérielles, l'intervention sur le foyer des incendies et le combat contre les flammes. Postes de garde, piquets d'incendie, service des théâtres et des bâtiments publics établiront ainsi une des caractéristiques du service de feu et une participation manifeste à l'évolution du risque incendie déclaré, ses effets et ses conséquences2624.
L'étude et l'analyse des règlements et des consignes de service apporteront de très nombreux renseignements dans la manière dont les sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, sous la responsabilité de l'administration municipale et de leur hiérarchie, s'acquittaient de leur mission, originelle, soit lutter contre le feu et ses débordements2625. En dehors d'instructions, qui avaient généralement la forme de manoeuvres, puis progressivement de concours et de partage des "savoir-faire", d'une maîtrise de la théorie des incendies, qui feront de ces hommes des techniciens, d'abord du risque d'embrasement, puis des risques de façon globale, une des réponses consistait en une organisation précise du service, de celui qui sera donc appelé de ou du feu. Cette structuration, d'aval en amont, allait des consignes d'activité à l'intervention sur le foyer d'un incendie. Cette dernière action ne révélait pas un échec mais le caractère du risque, ou des risques d'ailleurs, qui, par essence, conservaient une part d'imprévisibilité2626. Car lorsque le choix est porté sur l'usage de l'expression qualifiant la maîtrise des incendies, la définition n'est pas établie sur celle d'une domination incontestée, dans le cas présent, sur l'élément, mais sur la sûreté de la ou des techniques. Or, la sûreté n'est autre que la qualité d'une situation qui offre des garanties, des protections, et il arrivera que l'offre, malgré le mouvement transitionnel concernant les déclarations d'incendie sur le XIXème siècle et les perfectionnements introduits dans la sécurité, ne corresponde pas nécessairement aux situations, réclamant dès lors l'appel aux unités de secours2627. A l'intérieur des rangs du bataillon de la ville de Lyon, comme pour toute unité composée à cette époque sous cette forme structurelle et de mission, rapporté au facteur urbain, tout était donc évidemment régi et réglé autour du feu, sa nature et ses propriétés2628, autant pour éviter que pour prévenir une intervention. Devant l'ampleur de certaines catastrophes, en face desquelles les pouvoirs publics savaient retirer, certes trop tard, les enseignements, la réponse des secours devait être imminente. Si bien que parmi les priorités était, dès lors, établie celle de la disponibilité des hommes qui, en s'engageant, s'astreignaient à un service aussi dur que contraignant.
Le corps lyonnais fut organisé, au moment de la réunion des communes suburbaines à la ville de Lyon, sous la forme d'un bataillon, soit la composition humaine la plus imposante à cette époque, équivalente à ce qui fonctionnait à Paris avant que ne soit composé un régiment2629. Afin que le service d'incendie de la ville puisse répondre à toutes réquisitions, de la population, des autorités ou de l'administration, les hommes devaient être constamment disponibles2630, sous peine de l'application d'un régime d'amende souvent sévère2631. Chaque homme, dont le service était codifié distinctement à partir du règlement de 18582632, ne pouvait, ainsi, et en aucun cas, s'absenter de la ville sans en avoir obtenu l'autorisation auprès de l'Etat-major du corps et de l'administration ayant en charge la municipalité2633. Tout sapeur qui dérogeait à cette règle était considéré comme démissionnaire et perdait, dès lors, les droits que lui ouvrait son engagement parmi les soldats du feu2634. Sans compter que, sous ce facteur de disponibilité, le domicile des hommes était signalé par une plaque, et couramment une sonnette, à l'attention du public, ce qui faisait que le sapeur pouvait être sollicité, à tout instant, pour répondre à une réquisition2635. Parfois, ce dérangement prenait le sens réel d'une gêne, également familiale, lorsqu'il arrivait qu'il soit intempestif ou qu'il n'obéisse pas à un motif légitime de sécurité. Ces mesures étaient, certes, imposées par la constante des accidents et l'importance qu'il y avait à disposer des hommes, mais, sous un régime d'engagement volontaire, la contrainte était lourde. Cela renvoie alors invariablement au caractère des hommes qui choisissaient de s'enrôler dans le corps de sapeurs-pompiers, à l'acceptation consciente des contraintes d'un service d'utilité. Les faits n'évolueront, pour partie, qu'avec la constitution d'une division d'hommes permanents. L'astreinte ne se fera, en fait, qu'un peu moins exigeante. Les hommes qui composaient les compagnies d'arrondissement demeuraient encore assujettis à une présence à leur domicile qui, par exemple, selon une consigne de 1904, allait de 22h00 à 5h00 du matin2636. En dehors de cette obligation, de ce devoir de présence, répondant à un sens civique et moral des hommes qui s'étaient engagés, et alors que sera décrit, postérieurement, l'aspect instruction et intervention du service de feu, l'imposition était également celle d'un service de garde. Il s'agissait, en fait, de l'application d'un principe de prévention hérité de l'histoire des incendies et de la lutte contre les destructions par le feu, que ce soit en référence à l'institution des cohortes urbaines romaines ou du service du guet. Ces organes étaient en effet, et avant tout, déterminés sur la surveillance et la protection, deux notions fondamentales dans la réduction des départs de feu ou, le cas échéant, de leurs effets. Les sapeurs-pompiers, par analogie au principe de distribution des secours, occupaient donc des corps de gardes. La présentation de ces espaces a déjà été abordée dans le chapitre VII mais sous la simple description des locaux et de leur répartition en tant qu'éléments de l'armature composant la toile du réseau de secours lyonnais. L'information n'était pas encore celle de l'exercice et des consignes de ces gardes, parmi les pièces maîtresses du dispositif et du service de feu.
Deux services, sous le danger, les effets et les conséquences d'un départ de feu sont à distinguer, celui des corps de gardes et celui des théâtres et bâtiments publics auxquels pourraient, d'autre part, s'adjoindre ceux des spectacles et des manifestations publiques2637. De nombreux rapprochements comme des distinctions sont à faire entre chacun de ces services sous leur exercice et leurs conditions d'exécution bien qu'ils ne répondent qu'à une seule et même motivation. En dehors du fait de satisfaire à des ordres et à des recommandations précises2638, les principaux paramètres étaient ceux des lieux et du temps, entre postes permanents, une garde de 24 heures, et veilles de nuit. Celles-ci avaient lieu, soit dans les locaux affectés au service d'incendie, soit dans les salles de spectacles. Le but protecteur était donc double et l'association ainsi faite avec la sécurité incendie à travers un service public à destination des populations et les risques concentrés dans certaines catégories de bâtiments. Pour l'exercice de ces services, les sapeurs-pompiers recevaient une indemnité. Si celle-ci venait en fait s'ajouter à leur solde, elle n'était pas forcément compensatoire au regard des sacrifices physiques, moraux, familiaux et professionnels auxquels pouvait aboutir l'obligation d'assurer cette surveillance. Selon le règlement de 1858 était alors allouée aux hommes, pour un service de 24 heures de garde, une indemnité de 3,50 francs, pour le chef, généralement un caporal, et de 3,00 francs, pour un sapeur, la somme étant ramenée à 2 francs pour une veille nocturne2639. En 1896, le montant fut augmenté sous le régime de la garde accomplie sur 24 heures, en passant respectivement à 5,25 francs et à 5 francs2640, encore que ce "tarif" demeure modeste lorsque la relation est faite à la rémunération que percevait le sapeur dans l'exercice d'une profession, à cette date, pour 10 ou 12 heures de travail. Quant aux gardes de nuit, elles devenaient moins bien rétribuées, en passant respectivement à 1,75 francs et à 1,50 francs2641.
Jusqu'à ce que les corps de gardes soient transformés, ou purement et simplement supprimés, sous les différentes réformes conduites dans la modernisation du service d'incendie de la ville de Lyon et la transition entre volontariat et professionnalisme, les postes de garde, locaux d'incendie, étaient généralement occupés par 3 ou 4 hommes, soit 1 chef de poste et 2 ou 3 sapeurs. Lorsque le rapport est fait, par exemple, au nombre des vigies de nuit, informations que fournit le document n° 352642, cela signifiait que l'agglomération lyonnaise était surveillée, sur la période 1855-1900, par des effectifs de sapeurs-pompiers instantanément mobilisables de seulement 15 à 20 hommes, en 1855, et de 30 à 40 hommes, en 1900. En fonction des inquiétudes, maintes et maintes fois réitérées, autant par la population que les autorités, dans la crainte des départs de feu et des dangers de propagation, mais également en liaison avec le nombre des incendies et le chiffre des dommages, ce fonctionnement était loin de correspondre aux besoins ou à l'exigence de sécurité. Lorsque le rapport est fait au recensement de population ou à la superficie du territoire, les chiffres sont éloquents. Selon le dénombrement de 1856, la population de l'agglomération lyonnaise comptait 292.721 habitants2643. Ce comptage, ramené au nombre des hommes de garde précédemment admis pour 1855, ce qui est réalisable du fait qu'il n'y a seulement qu'une année d'écart entre les deux supports, donnait une correspondance de 1 sapeur pour 19.515 ou 14.636 habitants. La proportion, plus exactement la disproportion, était donc énorme surtout sous la connaissance des propriétés du feu, du facteur essentiel de la promptitude ou de l'importance de disposer d'un nombre notable de bras, ne serait-ce que pour la manoeuvre des pompes. A l'autre extrémité de la période de référence indiquée, selon le recensement de 1901, la cité lyonnaise concentrait 459.099 personnes sur son territoire2644. Sous cet état, la proportion des sapeurs-pompiers de garde durant la nuit demeurait tout autant révélatrice de la situation, sous le dénombrement des postes, en 1900, avec cette fois 1 sapeur de garde pour 15.303 ou 11.477 habitants. Cette proportion entre population et effectif de sapeurs-pompiers de garde était encore plus démesurée lorsque le rapprochement est fait aux hommes de garde le jour, et ce, jusqu'à ce que soit progressivement augmenté l'effectif composant la section active formée en 1890.
Cette situation, précaire dans la surveillance et donc l'accomplissement du service d'incendie, fut de nombreuses fois mise en avant par l'opinion publique. Le prétexte, vérifié, était celui d'une inadaptation du service de feu avec le chiffre de la population, la superficie de l'agglomération, et les risques que concentrait la ville de Lyon. Dans le travail de réflexion mené en vue de la réorganisation du bataillon des sapeurs-pompiers lyonnais, ces faits étaient également notés2645. Si le projet était celui d'organiser un corps professionnel, une des motivations était, justement, d'accroître le personnel de surveillance, et, dès lors, de permanence2646. Les chiffres restaient significatifs, l'état alarmiste, mais, en fait, moins qu'il n'y paraît, au fur et à mesure de l'avancement du temps et pour plusieurs raisons. Surtout, malgré des événements dramatiques, des grands feux, aucune réelle situation d'exception -une destruction très étendue ou un nombre de victimes important- hormis le prétexte de l'incendie des Célestins, en 1880, mais dans une période précise de l'histoire de l'agglomération, ne révèlera totalement l'inadaptation ; heureusement pour la ville, ses habitants et l'administration municipale. Le nombre des hommes de garde était en fait plus élevé2647, certes très légèrement, que les chiffres obtenus en opérant le calcul informatif précédent. En effet, certains dépôts de matériel étaient pourvus d'une vigie qui, bien qu'occupée généralement par un seul homme, contribuait à accroître la surveillance. Surtout, et avant tout, la proportion était à mettre en relation avec des éléments plus sensibles comme le nombre des incendies se modifiant sous leur qualité et l'évolution des dommages ; les projets de réorganisation du corps ; l'assimilation de progrès et d'innovations techniques ; l'amélioration de la distribution des secours, de la diffusion de l'alerte ; l'extension du réseau d'adduction des eaux ; l'appui sur un matériel puissant tel que les pompes à vapeur ; le perfectionnement des déplacements ; la création d'une section de professionnels ; soit un ensemble de facteurs qui se modifiera avantageusement avec le temps et qui fait que la correspondance aux gardes et à leur rôle se transformera. De plus, la proportion entre 1 sapeur de faction et la population se réduira sensiblement sur la période, selon les chiffres exposés précédemment, alors que, dans le même temps, le service d'incendie bénéficiera d'avancées techniques et de bouleversements structurels, fonctionnels, qui modifieront bientôt le rapport au risque et à l'incendie. Il n'en demeure pas moins que tout reposait sur le fonctionnement en association de la plupart de ces éléments, sur le fait de disposer de l'un pour rattraper ou compenser l'autre, couramment sous l'évocation d'un rapport à l'argent. Seulement, il arrivera que l'un fasse défaut, ce qui, à la lecture des rapports et des registres de feu, des procès-verbaux des séances du conseil municipal et l'application, sans cesse renouvelée, des mesures et des prescriptions sécuritaires, révélait la fragilité du système. Néanmoins, hors les paramètres antérieurement exposés, un des supports de la sécurité et de l'exercice du service d'incendie était bien celui de la surveillance avant de voir le service uniquement sous l'angle de l'intervention.
Chaque corps de garde était placé sous la responsabilité d'un chef de poste. Celui-ci avait en charge de faire respecter, officiellement, les consignes de veille, ce qui, officieusement, était loin d'être la réalité de terrain à la lecture des procès-verbaux dressés lors des séances du conseil de discipline2648. Ce chef de poste remplissait, à chacune de ses prises de fonction, des fiches qui formaient des registres et consignaient toutes les informations relatives au fonctionnement de la vigie2649. Les consignes stipulaient, notamment, l'heure à laquelle devait être prise la garde, le rôle des hommes pendant leur veille, l'uniforme qu'ils devaient revêtir pour leur service et la manière dont ils devaient procéder dans le cas d'une réquisition et de l'intervention sur le foyer d'un incendie2650. L'heure de début et de fin de la prise de veille fluctuait en fonction des saisons, généralement été et hiver, et se modifiera au fil des années. Couramment, il s'agira d'un début de faction à l'achèvement de la journée de travail de l'homme désigné pour accomplir celle-ci et d'une fin entre 4 et 6h00, puis 5 et 7h00 du matin, la fourchette de temps à la limite de cette garde étant d'ailleurs fréquemment plus courte2651. Il était formellement interdit aux hommes de quitter les locaux en dehors d'une réquisition pour un secours, d'une autorisation du chef de poste, et du temps accordé aux sapeurs pour prendre leur repas du soir2652 ; hors intervention, l'accord n'était donné qu'au cas par cas, relativement à une très courte durée, et était adressé individuellement. Lorsqu'un incendie était signalé, deux possibilités s'offraient au chef de poste : soit les hommes du poste se rendaient, tous ensemble, sur les lieux en tractant leur matériel et intervenaient en dispensant les premiers secours alors qu'un homme, après avoir pris les directives auprès du chef d'agrès, allait prévenir les officiers et le reste de la compagnie2653 ; soit l'un d'entre eux était directement dépêché auprès de l'officier commandant la compagnie d'arrondissement pour l'avertir du sinistre et mobiliser les hommes, à l'aide des clairons ou des avertisseurs2654. C'était là le propre de l'exécution du service de feu, hors travail sur l'incendie, conformément aux consignes de 1859 qui n'évolueront que dans le détail jusqu'à la suppression des corps de gardes2655.
Le service des théâtres et des salles de spectacles obéissait à des principes équivalents. Il se fondait sur la crainte, légitime, d'une destruction par le feu selon la nature et l'affectation de ces bâtiments2656. La présence des piquets d'incendie -2 sapeurs- dans les théâtres de la ville de Lyon et dans les différents établissements recevant du public, était réglée, à l'origine, par un arrêté du 1er germinal an VII2657. La décision provenait en fait des terribles incendies qui avaient ravagé des scènes françaises ou étrangères en faisant régulièrement de nombreuses victimes2658. Selon les consignes établies en février 1858, les postes furent modifiés dans leur composition pour passer à 3 sapeurs et 1 machiniste et formés dans chaque théâtre dépendant d'une gestion de l'administration municipale2659. Le fonctionnement de ces postes était contrôlé par un rapport et des feuilles de ronde2660. Le rôle de chaque homme était préalablement défini. Les sapeurs composant ces veilles étaient en fait de faction, à tour de rôle, d'heure en heure, dans les différentes parties de l'édifice2661. Avant chaque représentation, les hommes devaient vérifier le matériel qu'ils avaient à leur disposition de manière à tenir les éponges prêtes, les seaux pleins d'eau et les couvertures mouillées pour leur permettre de parer à tout accident2662. A la clôture du spectacle, après avoir baissé le rideau de fer séparant la scène de la salle, leur mission était d'inspecter et de visiter attentivement, au moyen d'une lanterne sourde, toutes les parties du théâtre2663 et de déplier les colonnes, moyens en eau. Outre les effets de la flamme, la peur et la panique étaient redoutées en ces lieux si bien que le capitaine de semaine2664 et l'officier de ronde2665 avaient leur entrée gratuite à chaque représentation et occupaient la place la plus rapprochée du commissaire de police afin de pouvoir, en cas d'incendie, se concerter immédiatement sur les mesures de sécurité publique à prendre2666. Comme dans le cas des postes de gardes classiques, seules des modifications de détail interviendront, comme en témoigne le règlement de 18962667, jusqu'à ce que des progrès techniques et parfois des gardes organisées sous d'autres modalités assurent la sécurité des lieux. Parmi ces progrès figureront, notamment, les installations d'extinction automatiques mais surtout les moyens d'alerte mécaniques, comme l'établissement de liaisons, d'abord entre la scène et la loge du gardien de la salle, puis, progressivement, une mise en relation de cette dernière avec le service d'incendie2668 ; ce qui était un moyen d'accélérer la demande de secours et l'arrivée de renforts.
La crainte était si forte, l'exigence de service si importante et la responsabilité de l'administration tant engagée que fut décidé, à partir de 1859, d'équiper les théâtres municipaux lyonnais de contrôleurs de ronde2669. Le but était celui de la vérification, de la certification que soit convenablement assurée la sécurité des salles de spectacles, et les rondes effectuées selon les heures établies. L'équipement se déterminait sur un chronomètre et des boîtes en fonte fixées dans les différentes parties du théâtre où la veille devait être régulière2670. La boîte se constituait d'une ouverture circulaire découvrant 3 entailles et 1 poinçon sur lequel l'homme de garde venait appliquer le contrôleur qu'il tenait à la main, contenant un cadran intérieur qui, mécaniquement, tournait en donnant l'heure et sur lequel s'imprimait la lettre du poinçon2671. L'opération, renouvelée à chaque station de contrôle, imprimait une lettre différente. Le disque de contrôle du chronomètre contenait ainsi autant de lettres qu'il y avait de boîtes, ce qui permettait de s'assurer que la ronde était faite sur toute la surface du bâtiment. Quant au respect des passages à heure fixe, si ce n'était pas le cas, les lettres composant le mouvement, se plaçant à l'origine sur la même ligne, se trouvaient dès lors en décalage les unes par rapport aux autres, révélant ainsi la façon dont était accompli le service. Malgré toutes les précautions prises, les postes commandés pendant ou hors représentation, certaines salles de spectacles de l'agglomération lyonnaise eurent à subir des départs de feu et parfois des destructions massives, par deux fois pour le Théâtre des Célestins. Sans revenir sur les sinistres qui dévastèrent cette salle, longuement analysé, pour celui de 1880, dans la deuxième partie du chapitre II, certains journaux émirent l'hypothèse d'un départ de feu dans le poste de garde et celle de chronomètres fracturés, pour ceux accessibles, afin qu'aucune vérification ne puisse être faite du service effectué cette nuit-là2672. Certains quotidiens allèrent même jusqu'à écrire, à cette occasion, que les sapeurs n'avaient aucune conscience de leur service, qu'ils ne prenaient, en aucun cas, leur tâche au sérieux et qu'ils se voyaient plus comme une présence rassurante que comme de réels intervenants de sécurité2673. Il est difficile d'accorder un crédit à l'ensemble de ces propos à la vue du contexte dans lequel se produisit l'évènement. Il est surtout évident que sur l'ensemble de l'effectif du corps, des sapeurs devaient être plus appliqués que d'autres dans l'exécution de leur service, c'est le propre de toute composition associative humaine. A décharge des hommes, l'argument de l'exigence du service poussait sans doute à quelques manquements dont la conséquence n'était pas toujours envisagée. C'est néanmoins à la suite de ces remarques que furent instituées, pour les sapeurs du bataillon, des formations à l'intérieur de chaque bâtiment public afin d'en connaître la configuration, les consignes et mesures à respecter, et la position des agrès d'intervention, quelle que soit leur forme : réservoirs, premiers secours, colonnes montantes ou procédés d'avertissement.
En dehors du service des théâtres, des arrêtés spéciaux portant règlement étaient également pris, au titre du service de feu, mais également déjà au titre des missions annexes, pour ce qui concernait toutes les manifestations où le public était convié, que ce soit des bals, des cérémonies ou, beaucoup plus généralement, des réunions festives2674 ; ce qui avait trait à l'exécution de services ponctuels bien que parfois périodiquement répétés. Ainsi, entre service du feu, service de sécurité, représentation et symbole sociaux, les sapeurs-pompiers de Lyon veillèrent-ils, par exemple, durant les courses et concours hippiques2675, à l'occasion des illuminations2676, des bals donnés à la préfecture2677, ou encore, sous les innovations issues du monde moderne, au concours d'aviation2678 ; en fait, partout où le besoin de sécurité était manifesté et où la crainte d'un départ de feu était également celle d'un mouvement de panique des foules, aussi dangereux que la propagation des flammes. Si l'exécution de ces dernières fonctions ne présentait, en effet, pas spécifiquement les mêmes caractéristiques sous un rapport à la menace d'incendie, leur exercice était, en revanche, à présent catégoriquement applicable à l'usage d'un service de sécurité que remplissait, à l'origine, le service des sapeurs-pompiers ; celui d'un service formé à l'urgence et, progressivement, à différents secours. Ces missions faisaient dès lors des soldats du feu, organisés à l'échelle d'une importante cité, des instruments de garantie sous l'accomplissement de différentes charges et services et rendaient leur présence indispensable dans les manifestations présentant des risques, quels qu'ils soient. Le rapport au service d'incendie était, soit explicite, soit implicite, mais, dans tous les cas, sur le début du XXème siècle, il établissait l'amorce d'une orientation vers un service de secours.
AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929 / AML, 1270 WP 008 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement et services du bataillon ; - Services spéciaux : Secours aux noyés et asphyxiés, désinfection, ambulance ; 1890-1940.
AML, 1270 WP 008 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement et services du bataillon : - Règlements et consignes d'ordre général ; 1863-1911 ; - Service des théâtres ; 1855-1938.
Idem 2.
Sous ce constat, l'homme s'entoure de nombreux moyens de protection.
L'analyse vaut également pour la société actuelle.
AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929.
En revanche, l'organisation parisienne ne reposait pas sur une structure civile mais militaire.
AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929.
AML, 1270 WP 007 – Sapeurs-pompiers : Personnel : Conseil de discipline : - Sanctions ; 1859-1908.
Idem 8. Règlement pour l'organisation, l'administration, le service et la discipline du corps municipal des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, rendu en date du 14/11/1858. Arrêté du 16/04/1859 sur le service et l'instruction du corps des sapeurs-pompiers municipaux de la ville de Lyon.
Idem 8. Arrêté du 16/04/1859 sur le service et l'instruction du corps des sapeurs-pompiers municipaux de la ville de Lyon. Article 19.
Ibidem 11. Article 20.
Le système a été antérieurement décrit, dans la partie du chapitre VII se rapportant aux moyens dont disposait la population dans ses demandes de secours.
Idem 8.
AML, 1270 WP 008 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement et services du bataillon : - Règlements et consignes d'ordre général ; 1863-1911 ; - Service des théâtres ; 1855-1938.
AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Exemple des consignes de postes du corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon arrêtées par le chef de bataillon Ch. CRÉPET le 24/09/1859 / Idem 15. Exemple des consignes applicables au service des théâtres, arrêtées par le chef de bataillon Ch. CRÉPET le 20/02/1858.
AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Règlement pour l'organisation, l'administration, le service et la discipline du corps municipal des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon rendu en date du 14/11/1858. Article 18. Dans le cas de gardes assurées dans des théâtres privés, l'administration de ces salles prenait en charge l'indemnité.
VILLE DE LYON. - Sapeurs-pompiers - Bataillon des sapeurs-pompiers – Règlement, Lyon, Association Typographique, 1896, 55 p.
Idem 18.
Voir le document n° 35, page III-436 : Evolution du nombre de postes et dépôts du service d'incendie de la ville de Lyon selon leur localisation sur la période 1855-1900.
Les chiffres liés aux recensements sont présentés parmi les points abordés annuellement dans les pages du volume V, Bible d'informations.
Idem 21.
THIERS Ed. - La réorganisation des sapeurs-pompiers de Lyon, Lyon, Association Typographique, 1881,
118 p.
VILLE DE LYON. - Sapeurs-pompiers - Commission d'études pour la réorganisation du bataillon des sapeurs-pompiers, Lyon, Association Typographique, 1885, 29 p.
Le volume V comporte, dans la présentation annuelle des éléments liés aux incendies, aux sapeurs-pompiers et à la ville de Lyon, un point, sous la partie Service présentant le bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon et le service d'incendie, se rapportant aux hommes de garde. Les comptages mentionnés sont présentés hors service des théâtres et personnel de l'état-major.
AML, 1270 WP 007 – Sapeurs-pompiers : Personnel : Conseil de discipline : - Procès-verbaux de séances ; 1876-1912 / APSL, n°s 321, 326 et 444 – Conseil de discipline ; 1886-1908.
AML, 1270 WP 008 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement et services du bataillon : - Règlements et consignes d'ordre général ; 1863-1911. Les archives contenues sous cette cote renferment quelques fiches de poste.
AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Exemple des consignes de postes du corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, arrêtées par le chef de bataillon Ch. CRÉPET le 24 septembre 1859.
L'observation des heures de garde sur la période 1853-1913 est à l'origine, sous l'appréciation d'une moyenne, de l'analyse des incendies selon leur heure de déclaration et leur classification en incendie ayant eu lieu de jour ou de nuit.
Une heure et demie, en 1859.
AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929.
Idem 31.
Idem 31. La suppression des corps de garde, notamment des postes de nuit, a commencé à partir du début du XXème siècle.
La seconde partie du chapitre II, la scène tragique, a dressé un état du risque et une situation des sinistres survenus dans ces espaces. Plusieurs études menées tout au long du XIXème siècle portaient le témoignage de très fortes préoccupations à l'égard de ces bâtiments en termes de sécurité incendie.
21/03/1799.
Idem 34.
AML, 1270 WP 008 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement et services du bataillon : - Service des théâtres ; 1855-1938. Service des théâtres, 20/02/1858.
Ibidem 37. Article 3.
Ibidem 37. Article 7.
Ibidem 37. Article 10.
Ibidem 37. Article 6.
Officier, généralement de compagnie d'arrondissement, qui avait en charge de s'assurer, hebdomadairement, du bon déroulement du service de feu.
Officier, généralement de compagnie d'arrondissement, qui avait en charge de s'assurer, journellement,
de l'accomplissement du service de feu.
Ibidem 37. Article 18.
VILLE DE LYON. - Sapeurs-pompiers - Bataillon des sapeurs-pompiers – Règlement, Lyon, Association Typographique, 1896, 55 p.
AML, 1270 WP 008 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement et services du bataillon : - Service des théâtres ; 1855-1938 / AML, 480 WP 010 : Théâtres municipaux : Grand-Théâtre et Théâtre des Célestins : Mesures de sécurité : Incendie, ordre public, service médical : Acquisition, inspection et entretien du matériel contre l'incendie, protection des conduites d'eau contre le gel, incombustibilité des décors, service des sapeurs-pompiers, circulation du public, police des théâtres, organisation du service médical des théâtres, personnel ; 1855-1901.
AML, 480 WP 010 – Théâtres municipaux : Grand-Théâtre et Théâtre des Célestins : Mesures de sécurité : Incendie : - Surveillance du service des sapeurs-pompiers : Acquisition d'appareils contrôleurs ; 1859-1860. Lettre des services de l'architecture de la ville de Lyon au préfet le 14/12/1859.
Idem 47. Des documents publicitaires figurant parmi ces archives donnent de précieuses informations sur le fonctionnement de ces matériels.
Ibidem 48.
Le Petit Lyonnais du 03/06/1880.
Idem 50.
AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Exemple de l'arrêté du 12/05/1859.
AML, 1270 WP 008 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement et services du bataillon : - Règlements et consignes d'ordre général ; 1863-1911. Exemple d'un ordre rendu le 11/06/1885. En 1901, les sapeurs-pompiers ne font pas qu'assurer une garde au concours hippique mais y participent au travers de la présentation d'une pompe à vapeur et de son attelage dont Le Progrès Illustré du 28/04/1901 propose une estampe.
Idem 53. Exemple d'un ordre rendu le 04/12/1884.
Idem 53. Exemple d'un ordre rendu le 12/03/1885.
Idem 53. Exemple d'un ordre rendu le 04/05/1910.