II. L'EXERCICE DU SERVICE D'INCENDIE À TRAVERS SON COMBAT CONTRE LES FLAMMES

A. INTERVENIR SUR LE FOYER D'UN INCENDIE

1. PREMIERS TEMPS DE L'INTERVENTION : DE L'ALERTE AU DÉPART DES HOMMES ET DES MOYENS

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Document n° 41 : Incendie de la Rue Centrale - Lyon - 1894 - Arrivée de la pompe à vapeur sur les lieux

La liaison se fait d'elle-même entre la formation et l'intervention. L'imbrication de l'une envers l'autre était le gage de la maîtrise technique des manoeuvres devant conduire à une action efficace des services de secours sur le foyer d'un incendie. Lorsqu'un feu était signalé, le premier temps à la conduite d'une opération était celui de la demande de secours. Celle-ci dérivait dès lors sur la mobilisation du service puis le déplacement des hommes et des moyens jusque sur le lieu du sinistre2818. Ce fut un ensemble de paramètres qui se perfectionna sans cesse sous l'introduction de réformes et l'assimilation de progrès techniques. Cela conduira à mettre progressivement fin à certaines lenteurs telle celle de la réunion des hommes. Cette dernière fut maintes fois mise en avant, autant par l'opinion publique, au travers d'articles de presse notamment2819, que par les personnes qui travaillèrent aux projets de réorganisation du corps, que ce soit Ed. THIERS ou le rapporteur GRINAND2820. Seulement, à la mobilisation rendue difficile par l'exercice volontaire du service jusqu'à la permanence de sapeurs casernés, l'acheminement des moyens, sous le critère de la rapidité, posera également des problèmes. Pour l'essentiel, ceux-ci seront, un temps, issus de l'orientation choisie dans la traction hippomobile des agrès en faisant appel à un prestataire externe avant que le progrès ne soit l'apparition du transport automobile. Dans les premiers temps, afin que la demande de secours se fasse dans les meilleurs délais, une base de réponse développée sera l'occupation de postes de garde auprès desquels la population trouvait des sapeurs disposant d'un premier matériel et prêts à partir. Le parc technique des corps de garde, occupés par 3 ou 4 hommes, était généralement une pompe à bras à 2 roues au maniement de laquelle les sapeurs étaient constamment formés2821. Cette base était en fait le propre de la distribution des secours à l'échelle de l'agglomération lyonnaise. Toutefois, les possibilités de demandes d'assistance ne se limitaient pas à ces vigies qui, hors deux postes permanents implantés sur la surface de la cité lyonnaise jusqu'à l'apparition de postes-casernes -ne faisant d'ailleurs passer ce chiffre qu'à trois mais avec d'autres critères d'interventions2822-, ne s'organisaient que sur des veilles nocturnes. Une demande de secours s'opérait également directement auprès des sapeurs-pompiers, à leur domicile ou sur leur lieu de travail, voire aussi auprès des officiers de compagnies d'arrondissement. Une fois la demande faite, l'étape qui lui succédait était la diffusion de l'alerte bien qu'il ne s'agisse pas nécessairement de stades distinctifs entre l'un et l'autre. Les temps étaient généralement longs sous ces facteurs et l'assimilation de progrès techniques, ceux du télégraphe puis du téléphone2823, aura une importance capitale, produisant un gain, mesurable en termes de délais, dans l'obtention d'un secours. Ceci aboutira dès lors au raccourcissement de l'intervention des soldats du feu sur le théâtre des opérations. Il s'agissait des premiers éléments décisifs qui permettront de mener à bien une intervention plus ou moins rapidement et d'éviter certaines conséquences. Dans tous les cas, le renvoi sera catégorique à la distribution des moyens et aux perfectionnements introduits dans les procédés de communication ; le tout sous un rapport à ce caractère fondamental que représentait la rapidité.

Sous ce facteur se rapportant à la promptitude, l'argument s'établissait donc autant sur l'acheminement rapide des matériels que sur la prompte mobilisation des hommes. Avec l'orientation donnée au bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon à partir de la création de la section active, en 1890, la rapidité allait d'abord être celle du support d'un casernement des hommes et d'un service constitué de sapeurs professionnels astreints à la permanence du service d'incendie. A ces éléments se rajoutera l'emploi d'un matériel à traction automobile ne concentrant pas seulement une innovation, celle d'un moteur, mais celle de l'association avec une pompe. Un départ au feu, à la veille de la guerre de 1914-1918, aura donc tout de la fonctionnalité la plus adaptée à l'exigence du service, de la mobilisation des hommes au déplacement des moyens. En 1910, par exemple, lorsqu'un feu était annoncé, le sapeur téléphoniste mettait en mouvement des sonneries d'alarme qui se diffusaient dans l'espace de la caserne RABELAIS2824. Selon la nature du feu, l'officier de service indiquait les engins à faire partir, désignés au moyen de sources lumineuses représentées à proximité des véhicules ou des portails et commandées de la pièce du central téléphonique2825. Dans le même temps, l'officier de piquet passait prendre les directives d'informations sur l'intervention auprès de l'homme de permanence. Ces renseignements lui communiquaient alors le lieu du sinistre, la nature du feu jusqu'à l'indication des bouches d'incendie qui pourraient être utilisées2826. Il ne restait plus qu'à l'équipage de l'engin, soit le piquet d'incendie, qui n'avait plus rien à voir avec sa définition originelle du point de surveillance, à décaler et se rendre sur les lieux. Le temps se comptait alors à présent à l'échelle de secondes entre la demande de secours et le départ des agrès, le tout ne dépassant plus guère les 3 minutes réglementairement admises à la sortie des véhicules. L'effort sera perpétuellement axé sur cette recherche de départ des hommes et des moyens se rapprochant le plus possible de cette mesure des 3 minutes, issue des modèles théoriques2827. Cela ne sera qu'une affaire de temps et de progrès dans le respect des délais d'intervention et déterminant des notions fondamentales en termes de lutte contre les flammes, à la mesure de ce que soulignait le capitaine JATOWSKI dans son projet de 19122828. L'aboutissement était bien celui de profondes réformes commencées depuis les premières réflexions qui avaient été menées par Edouard THIERS, en 18812829. Il est néanmoins manifeste, ici sous le critère du départ sur intervention, que certains des perfectionnements qui furent introduits le furent tardivement ; notamment lorsque le rapprochement est fait avec ce qui fonctionnait, par exemple, à Paris ou dans d'autres villes et pays, surtout pour une ville comme Lyon qui ne cessait de revendiquer son rang national et son importance. D'ailleurs, dans cette perspective de l'introduction de significatives réformes ramenées à ce point, Ed. THIERS fournissait déjà la description de nombreux systèmes et progrès dont la ville de Lyon aurait pu tirer parti mais dont elle tarda à reprendre certains des principes d'application qui étaient présentés2830 ; ce, malgré le bénéfice flagrant qu'ils auraient apporté. Plusieurs de ces remarques furent dès lors régulièrement rappelées, par les journaux ou l'opinion, et réitérées par les commandants du corps, notamment à partir du chef de bataillon PERRIN, au travers des rapports que ces hommes dressaient après leur participation à des congrès français ou étrangers2831. Travailler sur le gain de temps, qui commençait dès l'amorce de l'opération, c'est-à-dire la demande de secours, était tout aussi capital que la parfaite exécution des manoeuvres du service d'incendie sur les lieux d'un sinistre.

Sous les progrès finalement graduellement introduits, un départ de feu, à la veille de 1914, dans une cité comme Lyon, n'avait, bien évidemment, plus rien de commun avec les départs encore assurés en 1880 ou à la veille de la création de la section active, soit en 18902832. L'engagement de réformes et l'assimilation d'innovations techniques produisaient un effet marquant sur la manière d'assurer un départ sur intervention, l'exercice du service d'incendie et l'évolution du risque de feu déclaré. L'effet était aussi celui d'une politique de gestion des risques focalisant, de plus en plus, l'attention des pouvoirs publics et de l'administration municipale lyonnaise devant le développement de la cité ; une politique sur laquelle il était important de travailler continuellement pour offrir au groupe social la réponse d'une protection et d'une défense contre les incendies qui soient raisonnées. Pourtant, si la recherche et le voeu furent sans cesse émis en proportion de ces notions, certains choix n'ont néanmoins pas toujours correspondu à l'exigence qui aurait du être celle du service d'incendie et engageant, dès lors, la responsabilité de l'autorité exerçant sa tutelle sur le bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon. Ainsi, si la cité fut parmi les premières à s'équiper d'une pompe à vapeur, dès 18672833, dont la traction était assurée par un attelage, aucun cheval ne sera mis à disposition des conducteurs sur le lieu même où était remisée la pompe, soit le Quartier Central, avant 18902834 ; et encore, ce seront, à l'origine, des chevaux fournis par des entrepreneurs de messagerie2835. Jusqu'à ce que les pompes à vapeur fassent leur apparition, la traction des agrès était, la plupart du temps, assurée par les hommes, et exceptionnellement par la réquisition d'un attelage pour l'acheminement des pompes les plus lourdes, soit les pompes à 4 roues. En fonction des distances parcourues, cela pouvait avoir des conséquences néfastes sur les opérations de secours à mener. Lorsque THIERS, dans son rapport, évoquait une répartition médiocre des postes et dépôts à l'échelle de l'agglomération, il appuyait son raisonnement sur les distances à parcourir2836. Etant donné que les postes étaient couramment occupés par 3 hommes, lorsque ceux-ci avaient à acheminer la pompe, pour le modèle à 2 roues d'un poids d'environ 270 kilos avec son armement2837, sur des distances pouvant parfois aller au-delà de 1.000 mètres, assurer le mouvement du bras de pompe au moment de la mise en batterie réclamait une certaine constitution physique après l'effort de traction. Cet effort demeurait rempli par les servants, soit 2 hommes. La distribution des postes de secours était donc capitale. La particularité topographique de l'agglomération lyonnaise rajoutait également certaines contraintes pour lesquelles la préconisation de service, dans certaines parties administratives de la cité, était de s'appuyer sur le matériel stocké sur le haut des collines de Fourvière ou de La Croix-Rousse2838. Il était plus facile aux hommes de monter les pentes au pas de gymnastique, sans agrès, et d'aller s'en équiper dans des locaux plus élevés pour retenir les engins à la descente plutôt que de les tirer à la montée. Toutefois, ceci restait tributaire du poste qui avait été alerté et de la localisation des matériels et du lieu exact de l'intervention. D'ailleurs, sous ces particularités topographiques liées aux pentes lyonnaises, la difficulté était également celle de l'acheminement des pompes à vapeur, même avec un attelage. Il était alors fréquent de faire appel aux courtes lignes ferrées qui reliaient le bas au haut des pentes2839. Pour ce faire, l'usage était celui d'un truck, plate-forme sur laquelle étaient montés les agrès, pompe à vapeur et départ attelé.

L'acheminement des moyens se fera donc sous deux modes, celui de la traction à la force physique pour certaines catégories d'agrès, et celui de la traction hippomobile pour les pompes à vapeur et les voitures d'incendie, futurs départs attelés. Le remorquage de certains des agrès du service d'incendie de la ville de Lyon au moyen d'un attelage, hors à effectuer une réquisition, trouvait son origine dans une décision de l'administration militaire qui aurait été prise en 18632840. Face au nombre des sorties, devant le poids des engins et l'importance de la rapidité d'intervention, les troupes casernées de l'artillerie mettaient alors à disposition des autorités du corps des équipages2841. Ceux-ci assureront dès lors l'acheminement de la pompe à vapeur sur le théâtre des opérations. Ce principe fonctionna, sous ce mode, jusqu'en 1873, au moment où plusieurs corps de troupe quittèrent la place lyonnaise, y compris l'artillerie. Afin de n'assurer aucune rupture dans cet usage, bénéfique, du déplacement des agrès, une demande fut faite auprès de la compagnie des omnibus afin de suppléer à ce service2842. La question était celle des modalités et du prix auxquels cette charge pouvait être remplie. Pourtant, le recours fut encore celui d'équipages militaires, cette fois du train, jusqu'en août 1875, date à laquelle fut passé un traité avec la compagnie des omnibus2843. Si l'administration militaire mettait à disposition un conducteur et son équipage, l'engagement avec la compagnie des omnibus avait le désavantage de ne pas mettre ces éléments à disposition directe, c'est-à-dire sur le lieu même de remisage des agrès, au Dépôt Général. Il fallait qu'un sapeur aille requérir l'attelage à chaque fois que cela s'avérait nécessaire. Etablir un service spécial aurait coûté trop cher à la ville bien qu'il s'agisse en fait du meilleur moyen. Le projet fut pourtant discuté en novembre 1876, sur une base de 6 chevaux, mais abandonné en raison de problèmes techniques, ceux de l'établissement de vastes écuries dans l'enceinte du Quartier central, et surtout de l'investissement nécessaire2844. Aussi, avec le déménagement des écuries de la compagnie des omnibus, à l'origine à peu de distance du Quartier Général, la décision fut-elle prise de traiter, par voie d'abonnement, avec un entrepreneur qui offrirait les garanties nécessaires au bon fonctionnement du service et les meilleures conditions financières2845. Ainsi, un traité interviendra, en 1877, avec Mrs BORDET et BOSSON, entrepreneurs de messagerie dont le transport des écuries était prévu en face du Dépôt Général2846. Les termes de l'engagement étaient de tenir constamment à disposition du service 2 hommes et 6 chevaux et l'acte signé pour 5 années moyennant une somme de 3.500 francs annuels2847. A l'achèvement de ce contrat, révélant un système peu concluant, le projet fut de nouveau étudié de l'acquisition par la ville de chevaux qui seraient affectés à l'exécution du service d'incendie. La dépense de premier établissement était calculée à hauteur de 25.000 francs et celle d'entretien, à 14.000 francs annuels sans compter la location d'une écurie2848. Comparativement au coût des dommages issus des incendies et du budget de fonctionnement du service, la somme demeurait modeste et les avantages auraient été manifestes. Seulement, le projet ne fut pas retenu et un nouveau traité fut provoqué avec le successeur de l'entreprise avec laquelle avait été précédemment passé l'engagement, soit Mr BONNETON2849. Le traité était également signé pour 5 années à raison de 4.800 francs annuels et de la mise à disposition de 2 cochers et 4 chevaux auxquels un attelage supplémentaire pouvait se rajouter dans le cadre de situations exceptionnelles2850. En outre, selon les modalités de l'engagement et les progrès en termes de rapidité à assimiler, une ligne téléphonique devait être établie aux frais de l'entrepreneur, reliant les écuries avec les deux postes permanents implantés sur la surface de l'agglomération lyonnaise2851, soit le Poste Central et le poste de l'Hôtel de Ville. Un nouveau contrat fut signé, en 1887, avec une nouvelle société2852, puis un nouveau, en 1888, avec, cette fois, l'entrepreneur de transport des facteurs de l'administration des postes et télégraphes de Lyon, Mr LETROUBLON2853. Le traité était accepté sur la base d'un service exécuté au prix de 5.600 francs annuels et sur des obligations et des astreintes d'équipages identiques à celles qui avaient régi le dernier engagement. Ce contrat prévoyait surtout que 4 chevaux seraient placés au Dépôt Général, ce qui sera fait à partir de 1890, de manière à assurer très rapidement le départ des agrès2854. Les conditions furent réitérées selon les mêmes modalités à l'échéance du traité de 1888 signé, cette fois encore, avec un nouvel entrepreneur, Mr MOREL2855.

Le transport des pompes à vapeur se fera donc sur un appel permanent à des entreprises externes au service d'incendie, fournissant conducteurs et chevaux, jusqu'à ce que la ville projette l'achat de 12 bêtes2856, acquisition effective en janvier de l'année 18992857. Ces 12 chevaux, pour une partie "logés" au Dépôt Général, ce qui nécessitera un réaménagement de l'espace, étaient en fait affectés autant au service d'incendie qu'aux services annexes dont les sapeurs-pompiers avaient la charge tels que le service de transport du lait et la conduite de la voiture d'ambulance. C'était là un progrès souhaité depuis que la ville avait fait l'acquisition de sa première pompe à vapeur, en 1867. Cela aurait pu éviter certains des désagréments que procurait l'appel à des prestataires extérieurs et l'absence de placement de chevaux au Dépôt Général, c'est-à-dire prêts à partir sans l'obligation d'aller opérer la réquisition de l'attelage. Cette notion de prêt à partir allait jusque dans la mise en place de systèmes pratiques de harnachement devant faire gagner du temps au départ des engins. L'administration de la ville fera de significatifs efforts dans l'introduction de réformes pour améliorer l'efficacité et la fonctionnalité du service d'incendie, y compris avec le développement de procédés permettant de gagner du temps dans les phases de demande de secours et d'alerte. Pourtant, elle tardera à jouer sur un point non négligeable qui permettait, lui aussi, de gagner du temps en disposant de chevaux dans l'espace même du Quartier Central et servant, uniquement, au transport des agrès d'incendie ; une absence de réalisation que regrettait déjà Ed. THIERS en 18812858, et, avant lui, la presse quotidienne locale comme Le Petit Lyonnais, dans son édition du 12 décembre 1877, qui insistait fortement sur ce point au lendemain d'un sinistre ayant fait 2 victimes civiles : "‘Lyon, seconde ville de France, n'a pas de chevaux pour traîner son matériel d'incendie’". Les priorités devaient être celles de la disponibilité immédiate et de l'affectation exclusive à ce service. Jusqu'à ce que des bêtes soient donc placées dans des écuries aménagées au Poste Central, c'était le concierge ou le planton de ce poste qui devait aller chercher les chevaux affectés au service auprès de l'entrepreneur avant que des lignes téléphoniques soient établies2859. C'était là une source de perte de temps fréquemment mise en avant dans les rapports d'incendie devant justifier le retard à l'arrivée des pompes à vapeur et des gros agrès sur le théâtre des opérations2860. En outre, les entrepreneurs ne laissaient pas toujours dans leurs écuries des chevaux qu'ils affectaient exclusivement au service d'incendie, car, malgré l'importance de cette fonction, les sorties des pompes à vapeur étaient bien évidemment imprévisibles, tributaires du risque, et l'immobilité des bêtes portait un préjudice aux sociétés. Dans d'autres cas, des bêtes fatiguées par un travail de traction des voitures de messageries pouvaient être, tout à coup, sollicitées pour la traction d'un engin. L'acquisition de chevaux par la ville, affectés à cet unique service, était donc la meilleure solution qui, malgré les voeux de 1876 ou 18822861, ne sera réellement à l'ordre du jour qu'en 1898 et effective en 18992862. Ceci intervenait en fait au moment de l'étape de 1899 dans l'organisation du bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon et de la décision de ne plus opérer de recrutement dans les compagnies d'arrondissement permettant alors la réorientation de certains crédits de postes budgétaires. Surtout, cette décision d'achat intervenait bien tardivement à la vue des progrès réalisés dans les modes de déplacements qui, à la veille des années 1900, laissaient déjà fortement présager du développement qu'allait connaître l'automobile ; un développement qui, sous la poussée industrielle et des innovations techniques, trouvera rapidement un débouché dans les véhicules d'incendie. La ville de Lyon, hors voitures d'ambulances, fera d'ailleurs la commande et l'essai de sa première voiture automobile d'incendie dès 19092863, consécutivement aux orientations admises dans la délibération de juin 19072864. A partir de 1909, les hommes de la section active devenaient donc recrutés avec le certificat de capacité de conducteur automobile, pièce administrative désormais légalement obligatoire pour toute personne étant amenée à conduire un véhicule de cette classe.

Le passage entre traction hippomobile et traction automobile se fera entre 1909 et 1914 et la recherche demeura invariable, celle de la rapidité des déplacements, que ce soit d'ailleurs ceux des moyens ou des hommes. Afin de faciliter ces déplacements, qui devaient donc s'accomplir sous le critère de la rapidité, différentes mesures furent mises en place à l'origine de la traction animale en dehors du fait d'exiger des conducteurs de savoir mener avec dextérité et promptitude leur attelage. Dans les conclusions de son rapport, Edouard THIERS préconisait d'équiper tous les engins du parc incendie de cloche ou de trompe au son desquelles tous les véhicules, quels qu'ils soient, se rangeraient pour livrer le passage aux engins2865. Dans ce but, les sapeurs-pompiers lyonnais utilisaient, à la fin des années 1880, une corne à pistons à double son alternatif qui marchait au pied, avec une pédale2866. Dans la circulation des engins de secours se rendant sur une intervention, au son de la trompe, les cochers, conducteurs et mécaniciens de la compagnie des Omnibus et Tramways de Lyon devaient immédiatement arrêter leur voiture en laissant libre le débouché des rues transversales et ne reprendre leur marche qu'après le passage des pompes et des hommes2867. Pourtant, si les accidents étaient heureusement assez rares, les accrochages étaient eux fréquents2868. Aussi, l'administration municipale adopta-elle le principe de l'émission périodique d'arrêtés rappelant aux conducteurs que tout matériel roulant devait, sur la voie publique et comme cela se faisait à Paris, faire place et céder le passage aux voitures du service d'incendie2869. L'usage de la corne était un moyen de s'annoncer aux autres conducteurs, mode auquel fut associée, au moment de la mise en service des engins automobiles d'incendie, à partir de 1909, une reconnaissance visuelle autre que la couleur des voitures, soit des signaux lumineux. Ces signaux étaient disposés à l'avant du véhicule et formés de 2 feux verts latéraux et d'un feu rouge central2870. L'autopompe, comme son nom l'indique, possédait l'avantage de disposer d'une pompe sur un châssis motorisé ainsi que de pouvoir emmener sur les lieux d'une intervention une grande partie du matériel nécessaire et des hommes. Cela n'était pas le cas d'une pompe à vapeur, ne pouvant transporter que très peu de sapeurs, dont la sortie se faisait systématiquement avec une voiture d'incendie contenant le matériel et emmenant les hommes. D'ailleurs les sapeurs-pompiers devaient user de différents moyens pour se rendre sur le lieu d'une demande de secours jusqu'à ce que leur transport soit totalement assuré par les véhicules du service d'incendie. La solution la plus courante était, évidemment, de se rendre sur le théâtre des opérations au pas de gymnastique2871. Ce mode avait l'inconvénient de fatiguer les hommes avant que ne soit entreprise la manoeuvre des pompes, surtout lorsqu'ils devaient tracter celles-ci. Les choses se modifieront donc favorablement avec l'apparition des départs attelés. Seulement, ceux-ci étaient remisés au Dépôt Général et les hommes de compagnies continueront d'accourir sur les incendies au pas de course quoiqu'ils puissent bénéficier, à la fin du XIXème siècle, n'assurant souvent plus que des renforts, d'un transport gratuit dans les voitures de la compagnie des Omnibus et Tramways de Lyon2872. Les conditions étaient inévitablement d'être en uniforme et de se rendre sur le théâtre d'une intervention, voire simplement d'une garde. Les sapeurs qui disposaient d'un vélo étaient également exempts de la taxe sur les vélocipèdes, entre 1893 et 1900, s'ils utilisaient leur machine pour le service d'incendie et, notamment, pour se déplacer sur des interventions2873.

L'acheminement des sapeurs par des modes s'appuyant sur des compagnies de transport était surtout utilisé lorsque les hommes du bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon étaient amenés à porter des secours en dehors des limites administratives de l'agglomération. Ainsi, selon une décision prise par la compagnie des chemins de fer Paris-Lyon-Méditerranée, sur l'invitation du Ministère de l'Intérieur, la gratuité de transport fut-elle accordée à tout détachement de sapeurs-pompiers en uniforme qui, sur réquisition administrative, se rendait sur le théâtre d'un incendie2874. Ceci permettait dès lors au corps de la ville de Lyon d'assurer des renforts au Nord et au Sud de la cité, sous le critère de la distance, ce qui se produira, ponctuellement, notamment pour la ville de Vienne2875. En revanche, les déplacements étaient plus fréquents sur le pourtour des communes ceinturant la cité lyonnaise. Ces interventions devaient normalement se faire en réponse à une réquisition administrative mais devant le danger de la propagation des flammes, la mesure était peu respectée. En 1892, le commandant du bataillon de Lyon attirait l'attention du maire de la cité sur le concours presque toujours officieux prêté à la commune de Villeurbanne, bien que disposant de sapeurs-pompiers, lorsque des incendies éclataient sur le territoire de celle-ci2876. La question était soulevée de savoir à qui incombait la responsabilité si des accidents survenaient alors que, sous le critère de la rapidité, l'obtention d'une autorisation administrative n'était pas toujours attendue. Ce fut afin de pallier cette classe d'éventuels problèmes de responsabilités et d'autorisations, des frais de service occasionnés et devant les renforts croissants assurés dans les communes limitrophes, qu'un projet de règlement concernant le concours prêté par le service de secours contre l'incendie de la ville de Lyon fut à l'ordre du jour, en 19112877. Ce code fixait ainsi les conditions auxquelles était subordonné le concours du service d'incendie lyonnais en dehors des limites de la cité. Le principe essentiel était dès lors l'engagement des communes faisant appel aux sapeurs-pompiers de Lyon, de prendre l'ensemble des dépenses liées à l'intervention à leur charge, soit de la demande de secours au retour des véhicules2878. Des propositions de gratuité du transport des hommes furent également le fait de compagnies exerçant leur activité à l'intérieur de la cité lyonnaise, par exemple, dès 1866, pour la compagnie du chemin de fer de Lyon à La Croix-Rousse2879. En revanche, il fallut de nombreuses sollicitations avant que la compagnie des Omnibus et Tramways de Lyon ne cède à cette mesure, sur la fin du XIXème siècle. Le transport constituait donc un facteur capital au même titre que les autres phases de l'intervention s'échelonnant de la demande de secours au nettoyage des agrès de retour de leur mission. Si ce dernier stade n'avait pas d'influence directe sur la conduite des opérations, les premiers temps de l'exercice effectif du service d'incendie, c'est-à-dire la capacité à répondre rapidement à une demande de secours par la mobilisation et l'acheminement des hommes et des moyens, déterminaient, de manière flagrante, l'orientation de l'intervention. Plus celle-ci était menée promptement sous ces premières phases et moins le feu avait la possibilité d'engendrer des dommages sérieux et de prendre des proportions dangereuses. Une fois les hommes rendus sur le lieu des opérations, le déroulement de l'intervention devenait alors celui du respect et de l'application de la théorie technique des incendies.

Notes
2818.

Voir le document n° 41 : Incendie de la Rue Centrale - Lyon - 1894 - Arrivée de la pompe à vapeur sur les lieux. Le Progrès Illustré du 11/02/1894. Cette estampe donne également une présentation visuelle de la présence de la foule sur le théâtre d'un incendie et de l'importance du sinistre.

2819.

Plusieurs articles de la presse locale publiés sur la seconde moitié du XIXème siècle insistèrent sur ce point, comme, par exemple, Le Salut Public dans son édition du 18/01/1866.

2820.

THIERS Ed. - La réorganisation des sapeurs-pompiers de Lyon, Lyon, Association Typographique, 1881,
118 p. / VILLE DE LYON. - Sapeurs-pompiers - Commission d'études pour la réorganisation du bataillon des sapeurs-pompiers, Lyon, Association Typographique, 1885, 29 p.

2821.

LESAGE P. - Ville de Lyon - Sapeurs-pompiers municipaux - Théorie, Lyon, Nigon, 1862, 126 p. ; pp. 32 et suiv.

2822.

Au moment de l'implantation des postes-casernes de Vaise et de La Croix-Rousse faisant suite aux décisions de réorganisation exprimées dans la délibération du 24/06/1907, les conditions d'exercice du service d'incendie avaient radicalement changé. La structure était celle d'une unité permanente de professionnels assurant la majeure partie des sorties au moyen de pompes à vapeur et, bientôt, de véhicules automobiles. Pour accomplir leur service dans de bonnes conditions, les hommes disposaient, en outre, de réseaux développés dans la diffusion de l'alerte ou la disponibilité de l'eau.

2823.

AML, 1270 WP 022 – Sapeurs-pompiers : Installations d'avertissement et de sécurité : - Réseau
téléphonique ; 1886-1938. Une partie du Chapitre VII a été consacrée à la demande de secours et à la diffusion de l'alerte.

2824.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1911, 631 p. ;
pp. 378 et suiv.

2825.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1911, 631 p. ;
pp. 378 et suiv.

2826.

Ibidem 203.

2827.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Le Progrès du 04/12/1903, au moment des funérailles du sapeur BOYER, mort au feu, revenant sur une description de l'exercice du service d'incendie, portait déjà une référence à ce principe des 3 minutes admises entre l'alerte et la mise au départ des agrès.

2828.

Idem 205. Projet du 13/04/1912. Dans ce projet, l'officier insistait, pour argumenter ces choix de développement, sur l'importance du facteur temps dans le cadre de la lutte contre les incendies.

2829.

THIERS Ed. - La réorganisation des sapeurs-pompiers de Lyon, Lyon, Association Typographique, 1881,
118 p. L'enjeu de la rapidité de la réponse d'intervention à une demande de secours formait un guide à de nombreuses conclusions formulées dans ce rapport.

2830.

Idem 207.

2831.

AML, 1270 WP 009 – Sapeurs-pompiers : Représentation du bataillon : - Expositions, congrès, concours ; 1864-1939 ; - Missions du commandant : Congrès, commissions d'experts, (...) ; 1892-1939. Exemple du rapport que dressait le commandant PERRIN après avoir participé au congrès de Londres en 1896.

2832.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929.

2833.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes, voitures et échelles ; 1859-1897. Adoption d'un rapport émis par l'autorité préfectorale le 14/06/1867. La pompe est remisée au Dépôt Général en juillet 1867.

2834.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. L. Delaroche, 1891, 669 p. ;
pp. 331 et suiv.

2835.

AML, 1270 WP 023 – Sapeurs-pompiers : Interventions et incendies : - Transport des pompes et du personnel sur les lieux du sinistre ; 1863-1898.

2836.

THIERS Ed. - La réorganisation des sapeurs-pompiers de Lyon, Lyon, Association Typographique, 1881,
118 p. Présentation de l'organisation lyonnaise. Le conseil d'administration du bataillon notait également ce point néfaste relatif à la "fraîcheur" physique des hommes à leur arrivée sur les lieux.

2837.

LESAGE P. - Ville de Lyon - Sapeurs-pompiers municipaux - Théorie, Lyon, Nigon, 1862, 126 p. ; pp. 32 et suiv.

2838.

Idem 210. La référence était, par exemple, faite au moment où sera rendu le règlement du 14/11/1858.

2839.

AML, 1270 WP 023 – Sapeurs-pompiers : Interventions et incendies : - Transport des pompes et du personnel sur les lieux du sinistre ; 1863-1898.

2840.

Idem 217.

2841.

Idem 217.

2842.

Idem 217.

2843.

Idem 217.

2844.

Idem 217. Séance de la commission municipale en date du 08/11/1876.

2845.

Ibidem 222.

2846.

Idem 217. Décision en séance du 31/03/1877.

2847.

Ibidem 224.

2848.

Idem 217.

2849.

AML, 1270 WP 023 – Sapeurs-pompiers : Interventions et incendies : - Transport des pompes et du personnel sur les lieux du sinistre ; 1863-1898. Décision en séance du 06/07/1882.

2850.

Ibidem 227.

2851.

Ibidem 227.

2852.

Idem 227. Décision du 30/04/1887.

2853.

Idem 227. Délibération du 06/03/1888.

2854.

Ibidem 231.

2855.

Idem 227. Délibération du 21/03/1893.

2856.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1899, 712 p. ;
pp. 361 et suiv.

2857.

Idem 227.

2858.

THIERS Ed. - La réorganisation des sapeurs-pompiers de Lyon, Lyon, Association Typographique, 1881,
118 p. Présentation de l'organisation lyonnaise.

2859.

AML, 1270 WP 023 – Sapeurs-pompiers : Interventions et incendies : - Transport des pompes et du personnel sur les lieux du sinistre ; 1863-1898.

2860.

AML, 1270 WP 024 – Sapeurs-pompiers : Incendies : - Rapports ; 1852-1879. Exemple d'une justification du commandant auprès des autorités administratives de la ville le 07/01/1878.

2861.

Idem 237.

2862.

Idem 237. Le nombre de ces chevaux sera en fait ramené de 12 à 8 en 1902.

2863.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes automobiles ; 1893-1910.

2864.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1907 ; vol. 1, séance du 24/06, pp. 183-187.

2865.

THIERS Ed. - La réorganisation des sapeurs-pompiers de Lyon, Lyon, Association Typographique, 1881,
118 p.

2866.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Administrative Chanoine, 1889,
763 p. ; pp. 376-399. Dans le vocabulaire de la profession, un 2 tons.

2867.

AML, 1270 WP 023 – Sapeurs-pompiers : Interventions et incendies : - Accidents de la circulation en
service ; 1890-1938. Décision de 1890.

2868.

Idem 245.

2869.

Idem 245. Décision de 1890. Le Bulletin Municipal Officiel publiait, régulièrement, le rappel de ces prescriptions.

2870.

Voir le document n° 46, page III-577 : Bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon - Pompe automobile BERLIET - 1909. Sur ce document, ces feux sont nettement visibles, accrochés à la carrosserie du poste de pilotage.

2871.

Le Salut Public du 04/10/1852 évoquait les pas des sapeurs qui résonnaient sur le pavé de la ville endormie.

2872.

AML, 1270 WP 023 – Sapeurs-pompiers : - Interventions et incendies : - Transport des pompes et du personnel sur les lieux du sinistre ; 1863-1898.

2873.

Idem 250.

2874.

Recueil des actes administratifs du département du Rhône – 1863 ; pp. 383-384. Acte du 16/11/1863 rendant compte de cette décision.

2875.

AML, 1270 WP 023 – Sapeurs-pompiers : Interventions et incendies : - Secours hors des limites de la commune ; 1887-1940.

2876.

Idem 253. Lettre du 25/07/1892.

2877.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1911 ; vol. 1, séance du 25/09, p. 170.

2878.

Idem 253. Décision finale rendue le 21/10/1911.

2879.

AML, 1270 WP 023 – Sapeurs-pompiers : - Interventions et incendies : - Transport des pompes et du personnel sur les lieux du sinistre ; 1863-1898.