2. SUR LE THÉÂTRE DES OPÉRATIONS

Avec la structuration progressive d'unités qui formeront des services dorénavant capables d'intervenir de plus en plus efficacement sur le foyer des incendies et l'usage de moyens plus appropriés que le seau, se développeront des techniques extrêmement précises d'intervention. Les progrès réalisés graduellement dans le domaine scientifique, celui de la connaissance de l'élément et de ses propriétés, associés à ceux réalisés dans les domaines de la prévention, des produits techniques et des organisations d'urgence, permettront, en effet, de développer une théorie pratique des modes d'interventions sur les incendies. Celle-ci n'avait absolument rien d'un caractère abstrait et se déterminait sur des mesures strictes d'application qui étaient également le fruit de l'observation. Ainsi, seront clairement établis des principes conducteurs à respecter, néanmoins sous l'adaptabilité du terrain, sur les lieux d'une intervention. Ces fondements se définissaient en fait autour d'opérations caractéristiques, se confondant parfois entre elles, exécutables à l'arrivée des sapeurs sur le théâtre d'un sinistre. Celles-ci, dans l'interprétation théorique, pouvaient se découper selon 5 phases auxquelles les sapeurs étaient constamment formés à l'exécution, soit : la reconnaissance du feu ; le sauvetage des personnes et des biens ; l'établissement des moyens en eau ; l'attaque du foyer et la protection des espaces environnants ; la surveillance et le déblaiement des décombres. Héritage de la connaissance acquise, du savoir-faire et de la maîtrise des techniques, ces opérations sont aujourd'hui bien connues du sapeur-pompier2880. Elles continuent de fonder la base du service de feu. Néanmoins, avant que ces principes ne deviennent des modèles d'exécution pour le service d'incendie, réalisables par la conjugaison des facteurs préalablement évoqués2881, le moyen de lutte le plus efficace était de pratiquer la part du feu. Cette technique, qui entraînait, en plus des dommages de la flamme, des destructions volontaires, mais nécessaires, pour priver celle-ci d'un aliment et couper court à son développement, sera parfois encore appliquée très tard sur le XIXème siècle. D'ailleurs, certains procédés d'extinctions modernes, selon certaines classes de nature de feux, s'en approchent encore. Dans l'exemple déjà cité de l'incendie des chantiers de la Buire, Quartier de La Guillotière, 3ème arrondissement de la ville de Lyon, survenu en mai 1882, le feu dut de ne pas embraser cette partie de la cité qu'à l'emploi de cette pratique sur différentes portions des bâtiments de cette manufacture de constructions de voitures de chemin de fer2882. C'est d'ailleurs dans la logique de cette méthode que s'appuyait, à l'origine, le recrutement des sapeurs-pompiers, opéré dans les professions du bâtiment ; celui qui savait construire savait forcément détruire. C'est, en outre, de cette technique que sont apparus, dans les rangs des sapeurs-pompiers, les sapeurs porte-hache avant que les progrès techniques ne fassent de ces hommes des instruments du folklore associés au service d'incendie. Ces sapeurs, même peu nombreux au sein des compagnies du bataillon de la ville de Lyon, avaient encore leur place en tête des rangs au milieu du XIXème siècle avant que ceux-ci ne soient définitivement rayés des contrôles en 18582883. Seul le titre, en tant que tel, disparaissait puisque, dans l'arrêté de 1859 sur le service et l'instruction des sapeurs-pompiers municipaux de la ville de Lyon2884, la fonction n'était que transposée vers les sapeurs dits de feu, au nombre de un par section. Celui-ci était dès lors chargé, à son arrivée sur les lieux d'un incendie, de se porter rapidement, armé de sa hache, dans le bâtiment incendié, pour opérer les sauvetages ou démolir les murs2885. La hache, symbole du service, outil caractéristique, en tout point semblable à la hache du charpentier, ne cessera donc d'être maniée, tout comme les crocs, pour abattre les poutres, les murs ou les charpentes lorsque cela s'avéra encore indispensable, voire les cloisons pour permettre l'accès à des personnes prisonnières des flammes.

Entre l'arrivée des hommes et l'application des principes pratiques de la théorie des incendies, une intervention sur le théâtre d'un feu n'était, régulièrement pour les feux de moyenne ou de grosse importance, pas uniquement celle des effectifs de sapeurs-pompiers. Elle était aussi, bien que le terme intervention ne se prête pas exactement dans ce cas à la même définition, celle des populations, de l'armée et des services de police qui allaient converger sur les lieux. La présence simultanée des services correspondait, en fait, à plusieurs impératifs dont la plupart disparaîtront au fil des perfectionnements introduits, autant dans le matériel de secours que l'organisation fonctionnelle des soldats du feu ou encore avec le développement des réseaux, celui des eaux notamment. Au milieu du siècle, il était en fait fréquent que les pompiers soient secondés, lorsqu'ils intervenaient sur les lieux d'un incendie, par les troupes de garnison. Leur rôle était à la fois de maintenir l'ordre et de fournir des travailleurs si le besoin en était manifesté2886 ; ce qui fut le principe appliqué dans l'agglomération lyonnaise. Ces principes furent d'ailleurs formellement rappelés, sur un plan national, dans un décret rendu le 13 octobre 1863 et qui valait règlement d'application au régime militaire2887. Ainsi, lorsqu'un incendie était effectivement signalé, les soldats étaient réquisitionnés. Une fois rendus sur les lieux, une partie des militaires se trouvait alors affectée comme travailleurs auprès des sapeurs-pompiers, l'autre partie assurait les mesures nécessaires au maintien de l'ordre et à la protection des manoeuvres. Ces mesures d'ordre étaient rendues obligatoires par l'importance de la foule qui se déplaçait généralement sur le théâtre de l'événement et qui pouvait, d'autre part, être, elle aussi, réquisitionnée pour constituer une chaîne d'alimentation des pompes. Afin de faire respecter l'ordre et la discipline, la présence des services de police ou des militaires était donc indispensable. Cette présence était aussi dissuasive car, dans l'urgence et la précipitation, notamment dans le sauvetage des biens, les voleurs savaient se glisser pour profiter de la confusion et s'emparer de quelques richesses2888 ; des vols d'objets qui constituaient une pratique concrète dont l'importance était difficile à apprécier lorsque le feu détruisait tout.

Si les rapports entre les soldats du feu lyonnais et la troupe militaire, qu'ils soient ceux du service d'incendie ou hors interventions, sont toujours apparus comme respectables, cela n'a pas été constamment le cas entre les sapeurs-pompiers de la cité et les services de police. Outre le fait que les gardiens de la paix et les agents de police se livraient à des enquêtes, politique et de moralité, administrativement établies, sur les hommes du service d'incendie, pas exclusivement au moment de leur engagement mais, en fait, pour tout ce qui se rapportait à leur personne physique et morale2889, les sapeurs lyonnais leur adressaient divers reproches. L'existence de tensions entre ces deux services sera d'ailleurs nettement perceptible au début des années 1890. Des critiques furent ainsi adressées au service de police au moment de l'accident de la Rue Ferrandière, en 1891, dans lequel 2 sapeurs trouvèrent la mort2890. Les reproches étaient ceux de ne pas avoir contenu la foule dans la participation à la manoeuvre d'échelle bien que, à l'origine, l'appel ait été fait à une assistance civile ; ce qui donnera, d'ailleurs, lieu à un vif débat municipal durant lequel les magistrats évoquèrent un antagonisme latent entre les services2891. Le service d'ordre aurait été défectueux sur cette intervention mais pas uniquement en cette occasion. Seulement, il s'agira là d'une situation fâcheuse ayant conduit à un drame. Cette situation, inquiétante par ses effets, ira jusqu'à émouvoir l'autorité militaire qui offrira à la municipalité de s'entendre avec elle pour lui donner une aide que la police se refusait, vraisemblablement, à lui prêter à cet instant2892 ; une aide que l'armée n'assurait plus qu'occasionnellement depuis la réduction des effectifs de corps de troupe au sein de la cité lyonnaise. Le débat fut également celui d'un parallèle avec l'attitude du public qui, à présent, ne se pressait pas d'accourir sur les lieux d'un incendie, comme cela se faisait autrefois, pour apporter une aide civile, mais pour profiter du spectacle2893. L'évocation était ainsi celle d'un public dès lors envahissant et gênant dans les manoeuvres2894. D'ailleurs, dans l'idée et le sens de la représentation, celle d'un spectacle donné devant un public, malgré le caractère, la dangerosité et les propriétés de l'incendie, la responsabilité du corps, et de son commandant, fut engagée dans l'accident de 18912895. L'allusion était celle d'une erreur tactique pour laquelle le choix de donner une représentation théâtrale, selon les propos du conseiller BRUYAT, avait supplanté l'appui sur un support, rationnel et plus classique, d'attaque du foyer d'incendie2896. Ces rapports tendus entre le service d'incendie et les services de police se trouveront à nouveau mis en avant, en 1892, dans une sombre affaire ayant touché un sapeur-pompier de la cité, le caporal E. DITCHE2897. L'homme, trouvé à terre dans une rue de la ville, avait été pris pour ivre, à tort ou à raison, par des gardiens de la paix2898. Transporté au poste de police dans un état que les agents croyaient le résultat de l'alcool, le sapeur sera finalement conduit à l'Hôtel-Dieu dans un état grave avant de sombrer dans le coma à la suite duquel il décédera2899. Si les informations manquent, y compris, à l'époque, comme en témoignent les questions posées par les conseillers2900, sur les véritables faits, agression pour les uns, chute liée à une ivresse pour les autres, voire un passage à tabac par les services de police2901, il n'en demeure pas moins que l'antagonisme entre les services se trouva dès lors ravivé. Le débat qu'il souleva à nouveau fut aussi celui de l'exercice de l'autorité sur les forces de police, sur des gardiens de la paix dont certains disaient qu'il fallait de toute urgence les rappeler à l'ordre, qu'ils en prenaient "trop à leur aise"2902.

Ce sont là des situations de faits, de rapports conflictuels entre des services, qui auraient eu un caractère, malgré la tragédie, anecdotique si cela n'avait pas eu une influence directe sur les interventions du service d'incendie ; des secours qui, jusqu'à ce que d'imposantes réformes soient introduites et que les sinistres d'ampleur se réduisent, seront donc couramment accompagnés de la troupe militaire et des services de police, sergents de ville puis gardiens de la paix, sur le théâtre de leurs interventions. Chacun de ces services avait bien évidemment des rôles précis à remplir et seuls les sapeurs-pompiers livraient combat contre la flamme bien qu'il soit régulièrement arrivé que des militaires se soient aussi distingués dans cette lutte2903. L'accomplissement strict du service de feu, soit l'action contre les flammes, ne subira que des modifications de détails. L'exécution du service continuera de répondre à un même protocole, presqu'un rituel, aujourd'hui bien établi, celui de la théorie des incendies. De l'intervention au théâtre des opérations, tout portait le reflet de l'exigence du service. Les secours prévenus, les hommes rendus sur les lieux avec leurs agrès, pompes et chariots de matériel, l'intervention allait alors obéir à des actions préalablement définies et répétées ; des actions que les sapeurs, plus exactement leurs officiers, adapteront à la réalité de terrain et à la nature de feu. Il s'agissait donc d'appliquer les manoeuvres pour lesquelles les hommes avaient été formés, de suivre les instructions et d'obéir aux ordres que la réalité des faits venait toutefois régulièrement bousculer. La première de ces opérations se déterminait sur une reconnaissance du feu, d'ailleurs généralement menée de front avec l'action de sauvetage2904. L'opération de reconnaissance consistait, notamment, à parcourir les espaces concernés par l'incendie de manière à effectuer les observations d'usage, c'est-à-dire celles du repérage de la nature du feu, des matières se consumant, des dangers potentiels de propagation et d'effectuer les sauvetages ; et, au retour de cette mission, de désigner les points d'attaque, les points d'eau et le matériel à mettre en batterie2905. Ces premières actions étaient fondamentales car toute l'édification de l'intervention allait, dès lors, se baser sur les constatations effectuées par le chef de poste ou l'officier qui avait effectué la reconnaissance2906. L'opération était également importante car elle permettra aux premiers hommes engagés d'effectuer les sauvetages commandés par les circonstances, qu'ils soient d'ailleurs de personnes ou de biens. Ainsi, sur la période 1886-1913, les sapeurs-pompiers de la ville de Lyon procédèrent à environ 110 sauvetages individuels2907. Malheureusement, dans le même temps, 65 personnes périrent dans les flammes2908. D'ailleurs, afin d'effectuer ces sauvetages dans de bonnes conditions, il existait au sein du bataillon de la ville de Lyon une section de soldats du feu, appelés sapeurs-sauveteurs, chargée spécialement de ces missions2909. Présentés comme des hommes jeunes, courageux, excellents gymnastes, ils portaient un insigne distinctif sur la manche gauche de leur tenue2910. Occuper cette fonction était un puissant honneur, synonyme de bravoure. L'appartenance à cette section était présentée, ni plus ni moins, comme une distinction, même si elle mettait en jeu la vie des membres qui voyaient d'abord la valeur de la vie d'autrui avant de fonder un souci sur leur existence même si les hommes connaissaient la peur pour eux ou leur famille. Les sapeurs formant cette division étaient des hommes du bataillon exercés aux opérations de secours dans les incendies qui n'avaient rien à voir avec des sections organisées par les compagnies d'assurance pour opérer le sauvetage des biens et des marchandises comme cela se faisait, par exemple, à Londres, à cette époque2911. En général, cette classe distinctive de sauvetage, celle des richesses, était ici opérée par la population civile, effectuant un rapport direct aux craintes de vols. Le processus de ces actions mettait, de plus, en danger les personnes civiles qui y participaient. Il arrivera, qui plus est, que certaines d'entre elles deviennent des victimes, que ce soit d'ailleurs des flammes ou des déménagements opérés dans la précipitation2912, de ces ultimes actions qui avaient pour but de sauver des richesses et d'ôter, dans le même temps, d'éventuels aliments à la propagation des flammes.

En association avec ces opérations de reconnaissance, menées par un officier ou un sous-officier accompagnés de quelques servants lorsque l'effectif mobilisé était nombreux, et de sauvetage, se plaçait une autre opération : l'établissement des moyens en eau2913. C'était le propre de la mise en batterie des pompes, des lances et de l'alimentation des agrès, étape qui était faite en s'appuyant sur toutes les sources d'eau accessibles. Cette phase se faisait, alors, sous différentes formes : soit au moyen d'une chaîne d'alimentation ; soit par l'usage de pompes dites "puisardes", qui assuraient un relais avec une pompe ordinaire ; soit par l'emploi direct de pompes aspirantes et foulantes ou des pompes à vapeur sur les prises ou points d'eau ; soit par un simple établissement sur une bouche d'eau lorsque le réseau le permettra de par son extension et l'amélioration de ses qualités techniques. Plus la couverture du réseau d'adduction des eaux sera donc étendue et plus rapide sera l'exécution de cet établissement par la disponibilité des prises d'eau capables d'alimenter les agrès sous la correspondance avec, toutefois, un débit et une pression qui soient suffisants ; ce qui n'était pas le cas sur toute la surface de l'agglomération, en 1880 par exemple2914. Le développement du réseau d'eau lyonnais sera progressif mais le souci fut rapidement celui d'un équipement de la ville en une trame spécialement affectée au service d'incendie. Celle-ci reposera ainsi, à la veille de 1900, sur 220 bouches d'incendie2915. Sans compter que les sapeurs-pompiers pouvaient s'appuyer sur le réseau des bouches d'arrosage utilisées, en temps normal, par les services de la voirie. Malgré que ces dernières prises d'eau fournissent un débit et une pression très inférieurs aux qualités d'une bouche d'incendie, en procédant à la réunion de plusieurs points, le mode d'alimentation était convenable. D'ailleurs, sous l'extension commune de ces deux réseaux, les procédés d'extinction se modifièrent quelque peu2916. Ce sera dès lors notable dans l'évolution de l'exécution des manoeuvres d'incendie. Ainsi, en 1887, le chef de bataillon prendra la décision de ne plus mettre en batterie de pompes, à moins d'un incendie important, pour tous les feux qui se déclaraient en dessous du 2ème étage des édifices2917. La préconisation était dorénavant d'un établissement direct de longueurs de tuyaux vissées sur une bouche d'arrosage, les bouches d'incendie ayant, en fait, des pressions trop importantes pour ce type de moyens2918. L'opération de la mise en eau des engins se faisait dans une disposition qui devait rendre l'attaque du foyer d'incendie la plus favorable car le procédé n'était pas, seulement, celui de l'acheminement de l'eau de sa source à la pompe mais aussi de la pompe au point d'attaque. Certaines règles étaient alors à respecter, notamment pour la sécurité des hommes, avec par exemple la constitution d'une réserve2919. Celle-ci permettait de protéger les agrès en les éloignant du foyer et de procéder à une attaque progressive des flammes sans exposer les hommes qui pouvaient alors avancer au fur et à mesure de leur travail. A la mise en batterie des pompes succédait donc l'opération la plus importante de conséquences, l'attaque du foyer d'incendie livrant les hommes et les moyens au combat contre les flammes2920. Cette opération procédait en s'appuyant sur les différents points désignés au moment de la reconnaissance. Comme le définissait le manuel de P. LESAGE2921, l'attaque devait se faire sur le plus grand nombre de parties possibles en entourant le foyer, modèle théorique qui était loin de toujours pouvoir correspondre à la réalité de terrain et que les hommes devaient forcément adapter aux circonstances. Entourer le foyer d'incendie permettait d'en limiter sa propagation et de se rendre, graduellement, maître du feu en diminuant son intensité. Le processus opérationnel s'effectuait, en général, au moyen de petites lances de manière à faire le moins de dégâts consécutifs aux eaux ; ce qui, sous ce dernier point, était loin d'être toujours le cas selon un document de 1888 qui revenait sur les nombreuses plaintes déposées consécutivement à des volumes d'eau trop importants utilisés sur des incendies2922. Le rapport était, en effet, souvent celui de la quantité d'eau déversée avant de parvenir, progressivement, à une adaptabilité des moyens, d'autant plus que les lances à robinet, permettant de régler le débit des eaux, ne feront leur apparition, à Lyon, qu'à partir de la décennie des années 18902923. Les moyens mis en eau ne servaient, d'autres part, pas uniquement à l'attaque des flammes mais aussi comme moyens de protection des espaces environnants ; action essentielle devant éviter la communication du feu à un bâtiment trop proche et des conséquences plus graves2924. Lorsque les hommes étaient enfin parvenus à maîtriser le feu, les dernières opérations consistaient au déblai des matières incendiées en arrosant les décombres. Si le danger était encore présent d'une reprise de l'incendie, un piquet avec ses agrès était alors mis en surveillance pendant que le reste des effectifs rentrait se reposer et réarmait le matériel au cas où un nouvel incendie vienne à éclater.

message URL DOC42.gif
Document n° 42 : Intervention des sapeurs-pompiers sur le foyer d'un incendie (fin XIXème siècle - début XXème siècle

Toutes ses opérations représentaient un modèle, celui de la théorie des incendies qui, si elle se devait d'être respectée, se devait également d'être adaptée à la typologie des incendies, développant la stratégie bien qu'il existe là encore des principes précis2925. Un commencement d'incendie ne nécessitait pas de déployer tout un arsenal alors que l'emploi de seaux d'eau était suffisant ou bien il est évident qu'une intervention sur un feu de cheminée ne demandait pas l'exécution de l'ensemble des manoeuvres décrites. Sur un feu de cette classe, une pompe était, par exemple, rarement nécessaire. L'attaque de l'incendie était, à l'époque, celle usant de la technique du drap ou de la toile à feu de cheminée, toutefois moins efficace qu'un ramonage. Les cheminées étant, dans tous les cas, des foyers ouverts, le procédé consistait, après avoir supprimé les courants d'air, à appliquer entre le sol et le manteau une toile, pièce de treillis, préalablement mouillée2926. Portant en son centre une poignée, le sapeur imprimait alors un mouvement de va-et-vient au drap. Ceci engendrait un volume d'air qui, en se déplaçant, faisait tomber, de la paroi des conduits, la suie embrasée sur laquelle les hommes jetaient de l'eau2927. L'intervention sur les feux de cave recommandait, elle, de prendre de nombreuses précautions. Dans le cas d'espaces clos, sans communication d'air par des soupiraux, une déclaration d'incendie y produisait un dégagement gazeux nocif, l'oxyde de carbone, pour les hommes qui entraient attaquer le feu sans un équipement adapté, soit au moment de la publication du manuel de P. LESAGE, la blouse PAULIN 2928. Le danger était également celui de l'attaque du feu. De l'eau projetée sur les voûtes en pierre formant les caves des maisons lyonnaises, lorsque celles-ci avaient été soumises à une forte température, pouvait faire éclater le matériau2929. Dans le cas de pièces maîtresses comme les voussoirs, un effondrement pouvait donc se produire avec des conséquences pour les sapeurs intervenant et sur le bâtiment. Les feux de rez-de-chaussée impliquaient de bien reconnaître les lieux pour juger du côté le plus avantageux pour attaquer les flammes2930. Cette classe d'incendie nécessitait également de porter l'attention sur plusieurs points comme la communication des lieux avec d'éventuels arrières magasins ; surtout d'éviter, sous la loi de convection2931, que le feu ne gagne la cage d'escalier de laquelle il pouvait alors facilement se propager à tout un édifice. Les sapeurs devaient aussi veiller à la protection de toutes les parties qui, en s'embrasant, risquaient de créer un appel d'air ou celles qui pouvaient porter le feu plus loin. De cette classe de feu, le capitaine adjudant LESAGE écrivait, d'ailleurs, que l'expérience de terrain était couramment plus utile que la meilleure des instructions théoriques2932. Les feux en étages répondaient aux mêmes critères d'application et de respect des opérations que ceux mis en oeuvre dans le cas des feux de rez-de-chaussée ; hormis que les déplacements dans les étages obligeaient les hommes à veiller avec vigilance à certains points comme se ménager une retraite et éviter de se retrouver sans une échappatoire. Le bois étant fortement employé, la priorité était de sauvegarder les pièces de soutien afin de prévenir l'effondrement d'un plafond, par exemple, qui pouvait alors entraîner un phénomène en chaîne2933. L'attaque du foyer devait se faire au plus près, ce qui obligeait, soit à des établissements rampants, suivant les marches, soit à des établissements verticaux, le long de la cage d'escalier mais qui entraînaient des pertes de charges. L'emploi d'une échelle aérienne était également envisageable et fortement utile dans les feux de combles. Dans ce dernier cas, la priorité était de préserver les pièces du comble soutenant les autres pièces de la toiture ou les liant entre elles2934. L'attention devait être portée sur les fermes portant les pannes soutenant elles-mêmes les chevrons et sur lesquels reposaient le lattis et la couverture. Le but était le même que dans les étages en ayant soin d'éviter l'effondrement du toit. Sous la propagation, la crainte dans les feux de niveaux était d'abord celle d'une communication à l'ensemble du bâtiment, y compris sous le phénomène de rayonnement ou de transport des gaz de distillation2935. Elle s'accompagnait, dans le cas des feux de combles, d'un risque basé, outre le fait de la contiguïté des bâtiments, d'un feu pouvant gagner ou se développer sur l'extérieur et d'une communication par le transport de matières incandescentes2936. Dans le cas de flammes se développant rapidement, le moyen le plus efficace était de détruire la croupe ou les fermes pour éviter qu'un préjudice ne soit porté par communication aux propriétés adjacentes2937. Quant aux grands incendies, les moyens de parvenir à leur domination rapide demeuraient ceux du respect strict et ordonné des opérations précédemment citées en adaptant, néanmoins, l'intervention aux circonstances de l'événement. Le respect de la théorie et de la stratégie des incendies guidera donc continuellement l'exercice pratique du service de feu. Cet exercice n'est d'ailleurs pas uniquement à voir sous la simple direction des opérations menant à l'extinction des foyers d'incendie mais également sous les modes et les procédés concrètement employés, soit une information délivrant un renseignement supplémentaire dans l'analyse de la conduite devant mener la société et les autorités ayant en charge l'agglomération lyonnaise à la maîtrise des risques avec la proposition de garanties.

Notes
2880.

Tous les manuels modernes d'instruction du sapeur-pompier décrivent, de manière identique, ce déroulement des opérations.

2881.

Ces facteurs iront jusqu'à la disposition de gros moyens d'intervention et la structuration convenable d'un réseau d'adduction des eaux.

2882.

AML, 1271 WP 024 – Sapeurs-pompiers : Rapport d'incendie : Registres ; 1876-1888. Rapport du 19/05/1882 / ADR, 4.M.498 – Incendies : Procès-verbaux d'incendie ; 1821-1884. Rapport du commandant de la gendarmerie du Rhône à Mr le préfet du département en date du 19/05/1882. Rapport du commissaire de police du quartier de La Guillotière en date du 19/05/1882

2883.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Arrêté du 30/01/1858.

2884.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Arrêté du 16/04/1859 pris à la suite du règlement du 14/11/1858 sur le service et l'instruction du corps des sapeurs-pompiers municipaux de la ville de Lyon.

2885.

Ibidem 262. Article 11.

2886.

Annuaire du département du Rhône, Lyon, Vve Mougin-Rusand, 1855, 435 p. Service d'incendie.

2887.

Bulletin Officiel du Ministère de l'Intérieur – 1876 ; pp. 368-393. Circulaire du 06/05/1876 sur les modalités d'exécution du décret du 29/12/1875 relatif à l'organisation et au service des corps de sapeurs-pompiers, suivie de l'exposé des motifs du projet de décret.

2888.

L'allusion à des vols était fréquemment portée par la presse.

2889.

AML, 1270 WP 005 – Sapeurs-pompiers : Personnel : - Officiers : Nominations, mutations ; 1818-1939 ; Renseignements confidentiels les concernant ; 1876-1879 ; - Sous-officiers et sapeurs : Nominations, mutations ; 1802-1933 ; - Dossiers individuels ; 1816-1925.

2890.

Voir le document n° 21, page II-297 : L'accident de la Rue Ferrandière – Décès des sapeurs DEVAUD et MIRAILLET – 1891. Accident d'échelle survenu sur un incendie le 01/10/1891.

2891.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1891 ; vol. 4, séance du 06/10, pp. 3-30.

2892.

Idem 269.

2893.

Idem 269.

2894.

AML, 1270 WP 024 – Sapeurs-pompiers : Incendies : - Rapports du commissaire de police et du commandant de gendarmerie ; 1874-1879. Rapport d'incendie du 13/05/1875. Dans ce document, le théâtre de l'incendie était décrit, non seulement comme un lieu vers lequel les foules convergeaient au moment de l'intervention des secours, mais aussi comme un lieu de promenade après les événements.

2895.

Idem 269.

2896.

Idem 269.

2897.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1892 ; vol. 2, séance du 14/06, pp. 129-135.

2898.

Idem 275.

2899.

Idem 275.

2900.

Idem 275.

2901.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1892 ; vol. 2, séance du 14/06, pp. 129-135. A l'occasion du débat de nouveau ouvert sur les services de police, cette évocation d'un passage à tabac était présentée comme, en fait, une pratique courante, à cette époque, au sein des services de police.

2902.

Idem 279. Propos de Mr AFFRE.

2903.

Certains des corps de troupe militaire disposaient de pompes à incendie afin de protéger leur matériel et d'éviter une catastrophe dans les espaces abritant des pièces d'artilleries. Les soldats de ces corps présentaient donc l'avantage d'être formés à la manoeuvre des pompes et fondaient un renfort manifeste sur les incendies.

2904.

LESAGE P. - Ville de Lyon - Sapeurs-pompiers municipaux - Théorie, Lyon, Nigon, 1862, 126 p. ; pp. 39 et suiv.

2905.

POYET J. - Nouvelle théorie pratique des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Nigon, 1850,
132 p. ; pp. 97 et suiv.

2906.

AML, 1270 WP 087 : Sapeurs-pompiers : Fonctionnement du bataillon : Correspondance : Registres ; 1886-1893. Dans un ordre du 24/04/1890, le commandant rappelait l'importance de cette phase d'intervention qu'était la reconnaissance. Il notait surtout, à cette date, qu'elle était trop souvent négligée, ce qui pouvait être fortement préjudiciable.

2907.

L'ensemble des données se rapportant à cette information précise est accessible, annuellement et pour la période concernée, dans le volume V.

2908.

Idem 285.

2909.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. L. Delaroche, 1891, 669 p. ; pp. 331 et suiv.

2910.

Ibidem 287.

2911.

AML, 1270 WP 009 – Sapeurs-pompiers : Représentation du bataillon : - Expositions, congrès, concours ; 1864-1939 ; - Missions du commandant : Congrès, commissions d'experts, (...) ; 1892-1939. Dans le rapport que dressait le commandant PERRIN à son retour de mission, après avoir participé au congrès de Londres, en 1896, celui-ci faisait une présentation de cette forme particulière de sections de sauvetages fonctionnant dans la capitale anglaise.

2912.

Le Progrès du 21/03/1903 revenait sur des opérations de sauvetage menées par la population avant l'arrivée des services de secours. Le Salut Public du 07/07/1862 évoquait le décès d'un travailleur civil atteint par la chute d'un objet jeté par une fenêtre lors d'un déménagement.

2913.

LESAGE P. - Ville de Lyon - Sapeurs-pompiers municipaux - Théorie, Lyon, Nigon, 1862, 126 p. ; pp. 50 et suiv.

2914.

THIERS Ed. – La réorganisation des sapeurs-pompiers de Lyon, Lyon, Association Typographique, 1881,
118 p. ; pp. 89-95.

2915.

Voir la carte n° 5, page III-485 : Situation spatiale des bouches d'incendie réparties sur le territoire de l'agglomération lyonnaise en 1880 et 1899 / Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1900, 647 p. ; service des eaux.

2916.

Voir le graphique n° 24, page III-538 : Proportion et répartition des extinctions d'incendie selon différents modes opératoires sur la période 1886-1913.

2917.

AML, 1271 WP 087 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement du bataillon : Correspondance : Registres ; 1886-1893. Ordre n° 515 du 15/09/1887.

2918.

Ibidem 295.

2919.

LESAGE P. - Ville de Lyon - Sapeurs-pompiers municipaux - Théorie, Lyon, Nigon, 1862, 126 p. ; pp. 73 et suiv.

2920.

Voir le document n° 42 : Intervention des sapeurs-pompiers sur le foyer d'un incendie (fin XIX ème siècle - début XX ème siècle). LUSSIER H. - Les sapeurs-pompiers au XIX ème siècle – Associations volontaires en milieu populaire, Paris, L'Harmattan, 1987, 174 p. Crédits photographiques en position centrale de l'ouvrage.
Ce document présente, notamment, la mise en batterie d'une pompe à vapeur.

2921.

LESAGE P. - Ville de Lyon - Sapeurs-pompiers municipaux - Théorie, Lyon, Nigon, 1862, 126 p. ; pp. 73 et suiv.

2922.

AML, 1271 WP 087 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement du bataillon : Correspondance : Registres ; 1886-1893. Ordre n° 544 du 05/04/1888. L'association se fait alors avec l'expression noyer les décombres.

2923.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1892, 749 p. ;
pp. 411 et suiv. Inventaire du matériel.

2924.

Le Progrès du 05/10/1910 évoquait, dans ses colonnes, les craintes qui furent manifestées lors d'un incendie qui détruisit, la veille, une usine de stéarinerie dans le quartier de La Mouche. La construction était, en effet, située à proximité du parc d'artillerie où était stockée une importante quantité de poudre et d'explosif.

2925.

Idem 300. Dans un ordre du 24/01/1890, le commandant écrivait qu'il prendrait dorénavant des sanctions exemplaires contre les officiers ou sous-officiers qui feront preuve de mauvaise stratégie au feu. Ceci s'appliquait aussi au commandant qui sera sanctionné d'une retenue disciplinaire d'un mois de traitement à la suite des constatations effectuées lors de la survenue de l'accident de la Rue Ferrandière, résultat notamment d'une mauvaise stratégie d'attaque de l'incendie.

2926.

Idem 299 ; pp. 79 et suiv.

2927.

Ibidem 304.

2928.

LESAGE P. - Ville de Lyon - Sapeurs-pompiers municipaux - Théorie, Lyon, Nigon, 1862, 126 p. ; pp. 115 et suiv.

2929.

Idem 306 ; pp. 82 et suiv.

2930.

Idem 306 ; pp. 85 et suiv.

2931.

Un point de la première partie du chapitre I a présenté les propriétés mécaniques de la flamme et ses différents modes de propagation.

2932.

Idem 306 ; pp. 85 et suiv.

2933.

Ibidem 310 ; pp. 90 et suiv.

2934.

Idem 306 ; pp. 93 et suiv.

2935.

Idem 309.

2936.

Idem 309.

2937.

LESAGE P. - Ville de Lyon - Sapeurs-pompiers municipaux - Théorie, Lyon, Nigon, 1862, 126 p. ; pp. 93 et suiv.