2. LES POMPES À INCENDIE AUTOMOBILES : LE PREMIER CARACTÈRE DE LA RAPIDITÉ

A l'apparition, puis à l'usage des pompes à incendie à vapeur, correspondait le caractère de puissance que ne permettait pas, jusqu'alors, le mouvement des pompes à bras. Le caractère de la rapidité pouvait également être reconnu aux machines à vapeur de par leur traction hippomobile. Seulement, cette propriété, sous l'indice du déplacement, sans parler de celui de la mise en manoeuvre de la pompe de manière aisée, ne se prêtera, de manière patente et incontestable, qu'aux voitures automobiles. En outre, l'association valait avec la puissance des pompes qui composaient le matériel embarqué sur ces véhicules mais qui demeurait, en fait, une qualité héritée des techniques mises au point plus anciennement, par exemple, pour les pompes à vapeur, et qui n'était pas ou plus vue comme un principe premier, ou moderne. Le projet initial d'acquisition d'une voiture automobile spécialement équipée pour l'exercice du service d'incendie sur le territoire de l'agglomération lyonnaise fut formulé, explicitement, au moment où fut rendue et approuvée la délibération de 1907 devant conduire l'achèvement de la réorganisation du corps de sapeurs-pompiers de la cité3185. Dans cette perspective de l'emploi de pompes automobiles, une commission spéciale fut nommée, dès septembre 1907, afin de procéder à l'étude des différentes machines actuellement disponibles sur le marché du véhicule automobile d'incendie3186. Le programme des conditions exigées en vue de cet équipement, caractérisant bien une première voiture, fut mis en place lors de la séance d'investiture de la commission d'examen3187. Aussitôt établi, celui-ci fut dès lors envoyé aux différents constructeurs que cette fourniture était susceptible d'intéresser. Cinq, seulement, répondirent, ce qui peut paraître peu important à la vue du développement de ce secteur industriel mais qui s'explique par la difficulté technique de réalisation d'un matériel automobile d'incendie imposant une maîtrise d'un savoir-faire mécanique précis à double titre, moteur et pompe. Les constructeurs qui se manifestèrent furent alors les maisons DELAHAYE-FARCOT, de Paris, DROUVILLES frères, de Nancy, MERRYWEATHER, de Londres, MIEUSSET et fils, de Lyon, et BERLIET, de Lyon également3188. Le marché était intéressant pour chacune de ces sociétés industrielles car la ville de Lyon exprima, dès 1908, son projet de faire l'acquisition successive de 5 autopompes3189.

A la réception des différentes offres allaient désormais suivre plusieurs discussions de la commission technique chargée de pourvoir à cet équipement et dont l'industriel MIEUSSET fut, dans un premier temps, écarté du concours avant que sa réintégration ne soit finalement autorisée. Entre la deuxième et la troisième séances de la commission, ce fabricant fut, en effet, intentionnellement exclu en raison de son comportement à l'égard de la ville dans les fournitures d'agrès qu'il effectua en 1897 et 1906. Selon une note dressée par le maire, en mars 1908, il était mentionné comme inutile d'admettre dans ce concours une société mécanique qui n'était "pas capable de construire une pompe ordinaire donnant satisfaction"3190. Cela supposait dès lors que cet industriel était dans l'impossibilité de livrer une pompe automobile de bonne facture, répondant à des critères de bonne construction et de bon fonctionnement. La troisième séance, tenue en juillet 1908, fut surtout l'occasion de mettre en avant l'offre du constructeur lyonnais BERLIET3191. Celui-ci se proposait de construire un véhicule automobile d'incendie de la classe d'une autopompe qu'il s'engageait à soumettre, pendant un temps plus ou moins long, à l'exercice du service d'incendie accompli par le Dépôt Général, ceci, de manière à juger si l'engin correspondait aux attentes d'exécution des missions de feu ; donc, avant qu'il ne soit accepté par la ville. Sans mots dire sur cette proposition intéressante faite à la commission, et par son intermédiaire, à l'administration municipale, en outre assimilable à une stratégie de la part de l'industriel, l'essai des 5 modèles eut lieu en septembre 19083192. Le voeu municipal s'exprimait, à l'origine, sur le souhait de disposer d'un véhicule, sans préciser la puissance du moteur, ayant3193 : des roues à bandes pleines ; 6 places aménagées pour les sapeurs ; une boîte de vitesses à 3 rapports ; une marche arrière ; une pompe d'un débit minimum de 900 l/mn et d'un maximum de 1.800 l/mn ; une hauteur d'aspiration jusqu'à 7,50 mètres ; la production d'un jet, pour une lance en batterie, de plus de 45 mètres ; le support pour, à l'origine, un, puis plusieurs dévidoirs totalisant de 200 à 300 mètres de tuyaux. Ces paramètres étaient, à quelques nuances près, respectés par les 5 modèles présentés. Aussi, dans sa séance de septembre 1909, à l'examen des éléments en sa possession, la commission formula, auprès des fabricants présents, la demande quant à savoir quels étaient ceux qui s'engageraient sur une proposition similaire à celle faite par le constructeur BERLIET3194 ; à savoir la mise à l'essai, pendant 3 mois, d'une pompe, sans engagement de la part de la municipalité sur une acquisition éventuelle. Le fabricant lyonnais demeura, bien évidemment, seul face à sa proposition, acceptée comme telle en séance du 2 décembre 19083195. L'offre déterminait, de toute évidence, un calcul commercial de la part de cet industriel. Avec cette proposition, il avait de fortes chances de remporter le marché. Or, il s'agissait d'un enjeu primordial face au développement du secteur industriel automobile à cette époque, permettant à cet entrepreneur de s'affirmer sur le marché, et du débouché que représentait le véhicule d'incendie. Sans compter que la proposition émanait, en outre, d'un établissement lyonnais3196, c'est-à-dire que l'industriel BERLIET disposait du meilleur banc d'essai qui lui soit donné pour éprouver son matériel en le confiant à l'exercice journalier du service d'incendie, pour suivre son évolution, et construire, à l'avenir, des engins performants en résolvant les éventuelles imperfections.

message URL DOC46.gif
Document n° 46 : Bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon - Pompe automobile BERLIET – 1909

Pouvoir soumettre l'autopompe à l'exercice du service d'incendie, prise en essai à partir de la fin du mois de janvier 19093197, supposait déjà de pouvoir conduire l'engin. Comme ce n'était encore le cas d'aucun sapeur, l'administration municipale sollicita la maison BERLIET afin qu'elle dépêche un de ses meilleurs mécaniciens au service de la machine3198. Celui-ci était alors astreint à un service permanent de conduite du véhicule et, parallèlement, de formation au pilotage des hommes de la section active. Après trois mois d'essais menés en exécution des opérations d'intervention sur le théâtre des incendies, la commission conclura à de premiers résultats d'expérience qu'elle qualifia de "moyens"3199. Si bien qu'après une remise en état par le constructeur, la pompe automobile fut, en fait, une nouvelle fois reprise à l'essai. Profitant de la circonstance de son jugement, la commission exprimait son regret de n'avoir eu qu'une proposition de ce type qui demeurait, quoi qu'il en soit, une offre qui n'aurait pas été faite si l'industriel n'avait pas été lyonnais3200. Les membres exprimaient, plus particulièrement, le résultat de leurs observations, indiquant que la pompe BERLIET n'avait rempli les conditions du programme que difficilement et uniquement après que des modifications lui aient été apportées3201. La commission émettra, cependant et en définitive, un avis favorable à l'équipement, légitimé par un procès-verbal d'acceptation daté du 4 juin 19093202. Cet avis était néanmoins prononcé sous la réserve de certaines modifications techniques qui demeuraient encore à introduire. La note rendue mentionnait, en outre, que cette acceptation n'établissait aucun engagement formel de la part de la ville de Lyon sur ces acquisitions futures. Selon les propos de l'acte rendu, ce prototype était loin de constituer le modèle définitif sur lequel la ville devait s'arrêter dans le travail de réorganisation de son service d'incendie et de modernisation du matériel engagé3203. Il était surtout de l'intérêt et du bénéfice de la cité de provoquer de nouveaux essais comparatifs pour ces prochains achats. L'acquisition fut définitivement entérinée par une délibération du 6 août 19093204. La première autopompe du bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon entrant officiellement en service était donc une voiture de l'industriel BERLIET. Composé d'une carrosserie devant rendre le plus de fonctionnalité à l'exercice du service d'incendie, le véhicule était mû par un moteur à essence de 4 cylindres, développant 40 HP effectifs à 1.200 tours et qui permettait d'atteindre la vitesse maximum de 35 km/h pour un engin pesant environ 3.300 kg3205. Selon certains documents, la pompe embarquée était une machine du fabricant DROUVILLE3206 alors que, dans le même temps, des ouvrages techniques contemporains la présenteront comme également construite par la société BERLIET sur le modèle de celle qui équipait les pompes à vapeur SHAND, MASON et Cie, voire MIEUSSET3207. A double effet, celle-ci avait un débit maximum de 1.100 l/mn et répondait aux caractéristiques du projet originel, soit, notamment, une hauteur d'aspiration de 7,50 mètres et une projection à la lance, pour un seul établissement, supérieure à 45 mètres3208. Quant au prix où l'engin fut vendu à la ville, 23.000 francs3209, celui-ci demeurait équivalent au montant que proposait, à l'origine, au moins deux des quatre autres constructeurs3210. Les cinq véhicules proposés au moment des premières phases du concours présentaient, en fait, tous des caractères techniques proches étant donné qu'ils devaient tous répondre à un projet préalablement défini. Seulement, la proposition d'essais de l'industriel BERLIET devenait, en définitive, une singulière, mais décisive, disposition permettant de remporter un marché et de fabriquer, sous surveillance constante, un matériel à incendie automobile ensuite commercialisable auprès d'autres villes désireuses de se doter d'un tel engin. Dans le cas de l'agglomération lyonnaise, l'aboutissement ne fut pas celui d'un débouché direct sur des commandes auprès du fabricant, en fonction des réserves émises par la commission au moment de l'acceptation du véhicule, mais, également et avant tout, rapport au souhait de bénéficier d'autres conceptions techniques, notamment en équipement des voitures avec des pompes centrifuges ; soit, en résumé, l'expression du désir de faire, à l'avenir, les acquisitions de cette classe de matériel qui soient les plus fonctionnelles et efficaces à l'exercice du service d'incendie.

L'analyse de la manière dont fut réalisé l'achat de la pompe automobile BERLIET peut, toutefois, être vue autrement que par l'intermédiaire de la base d'une stratégie commerciale développée de la part du fabricant et du seul désir de la municipalité de favoriser son économie locale. Elle amène, dès lors, des interrogations dans la façon dont pouvait être conduit un marché public, à défaut celui qui vient d'être évoqué. Il paraissait, à la vue de la note émise par le maire, en mars 19083211, que, même réadmis à participer au concours et aux démonstrations, l'industriel MIEUSSET, avait peu de chance de remporter ce marché bien qu'il présente un modèle de voiture ayant, à quelques nuances près, des caractéristiques identiques et un prix équivalent à la machine BERLIET3212. Dans le cas de l'autopompe DROUVILLE, le projet était, en fait, celui de la société MORIN-GUGUMUS-DROUVILLE3213, de Nancy, soit une ville du Nord-Est français, donc un matériel que certains supposaient avoir subi l'influence allemande. Or, cette référence à la provenance ou à l'influence de conception et de fabrication étrangères avait déjà fait l'objet de vives discussions et avait posé, par exemple, des difficultés au moment de l'acquisition d'une échelle aérienne MARTIN-VINCENT par la ville de Lyon, en 1894-18963214. Là encore, malgré des caractéristiques techniques voisines de la pompe BERLIET et un prix identique3215, l'équipement de la ville avec cet engin était compromis. Néanmoins, la maison DROUVILLE possédait un sérieux savoir-faire dans la fabrication des pompes qui fait que, par ailleurs, le véhicule BERLIET fut présenté, selon certains documents, comme équipé d'une pompe à pistons verticaux, fabriquée par cet établissement. Pour l'autopompe MERRYWEATHER, il s'agissait de la machine la plus élevée en prix, soit 30.880 francs3216. Présentant des particularités techniques légèrement différentes des autres modèles, fonctionnant avec une pompe centrifuge, le constructeur anglais ne s'engageait, en fait, à se conformer en tout point au projet imposé par la ville qu'à une seule et unique condition qui était que l'administration municipale s'engage, de son côté, à commander 5 voitures automobiles d'incendie auprès de l'industriel3217 ; ce qui n'était pas souhaitable pour le service d'incendie lyonnais compte tenu des prix et de l'évolution du marché. Ne restait plus que le constructeur DELAHAYE-FARCOT, entrepreneur parisien, fournisseur en véhicules automobiles d'incendie du régiment des sapeurs-pompiers de la ville de Paris. Le modèle que présentait ce fabricant, équipé, lui aussi, d'une pompe centrifuge, disposait de caractères techniques sensiblement supérieurs aux autres modèles pour un prix de 26.500 francs3218. La réelle concurrence était donc entre cet industriel et la maison BERLIET, dont le second bénéficiait d'un atout, celui d'être lyonnais, mais le défaut de ne pas encore proposer catégoriquement, sur le marché de l'automobile, de voitures d'incendie. Avant de faire sa proposition, le constructeur lyonnais avait probablement étudié avec soin les tenants et les aboutissants de ce marché et de ses réels concurrents. A partir de là, tout se ramènerait à l'offre qui fut faite qui, bien qu'elle comporte des risques, était un moyen d'écarter le constructeur parisien et l'opportunité de lancer, à une échelle beaucoup plus vaste que celle d'un marché local, une voiture dont les imperfections auront été corrigées à la suite des essais menés "en toute liberté"3219. Seulement, rien n'était si simple, surtout en termes d'offres pour un secteur économique en pleine expansion, y compris l'affectation de voitures à l'exercice du service d'incendie. L'enjeu, en définitive, était de taille pour chaque constructeur. Ainsi, le fabricant DELAHAYE-FARCOT finit-il par consentir à des essais, en février 1909, mais selon un programme établi par ses soins3220, ce qui fut refusé par la commission3221. Toutefois, comme un second achat était déjà en discussion, sur un modèle aux caractéristiques techniques différentes du modèle BERLIET, le constructeur parisien signifiait explicitement à la commission qu'il se tenait désormais à disposition en vue des prochains achats que l'administration municipale lyonnaise souhaiterait précisément effectuer.

Le projet d'équiper le corps de sapeurs-pompiers de la ville de Lyon en matériel automobile fut le résultat de mentions portées dans la délibération de juin 1907, relais à la réorganisation et l'orientation définitive vers la professionnalisation et la technicité du service d'incendie de la cité. Cependant, le voeu était antérieur à la formulation écrite. L'utilité d'un support ayant cette forme n'était pas seulement l'adaptation d'un progrès réalisé par la société mais révélait une réponse à l'exigence de rapidité et, dès lors, à l'évolution des principes d'intervention. Le risque n'était plus foncièrement lié aux départs de feu en eux-mêmes. Le but à atteindre devenait, à présent, la recherche des moyens qui étaient aptes à limiter plus sûrement les effets de la flamme, ceux de la propagation notamment, et de ses conséquences ; cela, principalement, par la rapidité à disposer d'hommes formés et de moyens techniquement plus performants, lorsqu'ils devaient être utilisés, que les pompes à bras. D'ailleurs, l'immense incendie qui détruisit la fabrique de pâtes alimentaires RIVOIRE et CARRET, en mars 19083222, soit en plein projet de réflexion portant sur une première acquisition, révélait cette nécessité absolue et le besoin d'un tel matériel. Sans plus attendre, l'achat de l'autopompe BERLIET était à peine entériné que celui d'un prochain véhicule était officiellement dévoilé3223. A cet instant, la préoccupation était alors d'admettre le matériel d'un nouveau constructeur qui, compte tenu des éléments et des observations précédemment mis en avant, et en fonction des différents industriels qui s'étaient présentés dans le projet de 1907-1909, ne pouvait être que le fabricant DELAHAYE-FARCOT. Cette volonté avait pour principal objectif, non pas de comparer un châssis, une carrosserie ou un moteur, mais de faire le parallèle entre un équipement d'extinction axé sur une pompe à piston, c'est-à-dire tel celui de la machine équipant l'autopompe BERLIET, et une pompe centrifuge, montée sur le véhicule d'incendie DELAHAYE-FARCOT3224. Cet industriel formula dès lors une soumission, en octobre 1909, qui reçut une approbation en mars 19103225. Le projet était celui de la fourniture d'une autopompe, du modèle 39 A.P3226, proposant des caractéristiques mécaniques, pour certaines, proches de la voiture BERLIET mais équipée, donc, d'une pompe centrifuge de 1.200 l/mn3227. Ce véhicule, dont le prix de vente était fixé à 24.350 francs, devait être livré à la fin du mois de juin 19103228. Il ne fut en fait à la disposition du service d'incendie de la ville de Lyon qu'un mois plus tard, soit à la fin du mois de juillet, ce qui portait un préjudice à l'exercice des missions compte tenu, désormais, de l'état des pompes à vapeur. D'ailleurs, devant cette situation, l'administration municipale somma le constructeur de faire cette livraison dans les plus brefs délais sous peine de provoquer la déchéance du marché avec, toutefois, les risques que cela impliquait dans l'exécution du service3229. Livré, l'engin fut soumis à de nombreux essais et examens qui furent menés, jusqu'en octobre, par la commission chargée de la réception de ces matériels. Cette autopompe, que les hommes appelleront "La Parisienne", ne fut définitivement acceptée comme véhicule d'incendie mis à la disposition des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon que le 14 octobre 19103230.

Deux véhicules automobiles de la classe de ceux qui deviendront des fourgons-pompes, sous la stricte et unique référence au service de lutte contre l'incendie, étaient donc maintenant en service sur le territoire lyonnais. L'acquisition d'une troisième autopompe fut projetée en 1912 de manière à garantir efficacité et rapidité à l'exercice du service d'incendie3231. La demande d'équipement fut en fait formulée auprès des deux constructeurs à présent représentés dans le parc automobile du bataillon lyonnais, soit les industriels BERLIET et DELAHAYE-FARCOT, qui, en outre, proposaient des modèles équipés d'un matériel d'incendie différent, entre pompe à pistons et pompe centrifuge. Seul le fabricant lyonnais répondit à la sollicitation de l'administration municipale bien que le constructeur MIEUSSET, au moment de la formulation du marché, ait manifesté son intérêt mais avec un matériel manquant de compétitivité3232. Le conseil émit donc un avis favorable à cet achat en adoptant l'ouverture d'un crédit de 24.000 francs3233. Répondant à des caractéristiques mécaniques qui présentaient des similitudes avec le véhicule admis en 1909, la pompe, une nouvelle fois issue du savoir-faire DROUVILLE, fonctionnait, non plus sur 2 pistons mais sur 4, améliorant ainsi le rendement de l'engin dont le débit pouvait atteindre 2.000 l/mn3234. Le projet d'achat d'une quatrième autopompe fut, quant à lui, officiellement signifié en décembre 19133235, alors que des pourparlers avaient déjà été entamés en vue de cet équipement3236. L'intention faisait suite à la résolution qui conduisait à l'achèvement de la nouvelle organisation du corps de sapeurs-pompiers de la cité3237 mais également à la réforme définitive du matériel à traction hippomobile encore en service3238 et à la suppression des postes-casernes de Vaise et de La Croix-Rousse devant le travail effectif et les sorties permanentes de la caserne RABELAIS3239. Se fondait, en outre, dans cette motivation d'un nouvel achat, le souci à assurer efficacement la sécurité de l'Exposition Internationale Urbaine qui devait avoir lieu en 1914 en même temps qu'était sous-entendu un rapport à l'image du service d'incendie de la ville devant les délégations qui seraient présentes à cette occasion. L'intention était de créer un poste de sapeurs-pompiers spécialement affecté à la sécurité de cette manifestation, qui serait établi dans l'enceinte de l'exposition et pourvu d'un matériel compétitif3240. Ce service fut d'une grande utilité devant les craintes qui continuaient de se manifester face au danger d'incendie, surtout dans un lieu fréquenté par le public, et dont certains des pavillons construits à l'occasion de cette exposition eurent, d'ailleurs, à souffrir d'une destruction par les flammes3241. Dans la perspective de cette acquisition, la commission chargée du matériel d'incendie automobile sollicita les différents industriels spécialisés dans le marché du véhicule d'incendie3242. Néanmoins, cette fois, seuls les constructeurs MIEUSSET, qui, lui, avait des voitures d'incendie fonctionnant, par exemple, à Villeurbanne, et DELAHAYE-FARCOT répondirent. Le choix fut dès lors porté sur le fabricant parisien dont la ville de Lyon possédait déjà un véhicule depuis 19103243. Cette désignation suscita, malgré, précisément, la justification d'un matériel dont l'administration connaissait concrètement la valeur pour le voir fonctionner quotidiennement, de nombreuses réclamations parmi les conseillers municipaux3244. Les propos n'étaient, ni plus ni moins, qu'une mise en accusation des membres de la commission et du maire, dans l'acceptation qu'il donnait, pour avoir favoriser la maison DELAHAYE, industriel parisien, sous l'influence éventuelle du capitaine JATOWSKI, ancien officier du régiment des sapeurs-pompiers de Paris3245. Au-delà des problèmes de politique, voire de simples querelles d'hommes engageant toutefois la sécurité des citoyens, refusant d'admettre les problèmes rencontrés dans de précédentes fournitures d'agrès faites par l'industriel MIEUSSET, la défense d'une partie du conseil municipal était, une nouvelle fois, celle de la primauté de l'économie et du développement local3246. La question fut tranchée par un vote qui autorisa, en définitive, l'administration à traiter avec l'industriel parisien pour ce dernier projet municipal d'acquisition d'un fourgon-pompe avant la Grande Guerre, celui d'un modèle DELAHAYE-FARCOT type 39 P.S3247, muni d'un réservoir d'eau, disponible, après essais, en mai 19143248.

Avec un semblable parc technique, tout devenait maintenant axé sur la rapidité des déplacements, quels que soient le matériel engagé et le type de la mission, gage, non seulement, d'efficacité mais, avant tout, de la limitation des effets et des conséquences d'un départ de feu. En outre, l'achat d'un matériel qui soit à traction mécanique ne s'était pas fait sous le strict rapport aux autopompes puisque la ville de Lyon s'équipera de voitures d'ambulance automobiles, sur un projet de 19083249, dès le mois de mars 19093250 ; sans parler des services annexes pour certains desquels un équipement automobile fut réalisé. L'administration municipale fit, de plus, l'acquisition d'autres engins comme celle, en 1913, d'un "tracteur" pour assurer le remorquage de l'échelle aérienne au moment où disparaissait la traction hippomobile3251. Cette disparition supprimait du même coup les contraintes imposées par le placement d'écuries dans l'enceinte du Dépôt Général, et permettait de verser au budget celui jusqu'alors consacré à la traction animale -aux chevaux- en même temps qu'étaient améliorées les conditions de salubrité. Pour l'équipement d'un "tracteur", le choix se porta alors sur un châssis BERLIET, acheté un peu plus de 17.000 francs3252, pour lequel l'atelier du corps réalisa une carrosserie. En 1910, l'état-major du bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon disposait même d'un véhicule de commandement mis à la disposition de l'autorité par un officier, engagé volontaire et riche industriel, futur commandant du corps de 1914 à 1931, J. PÉGOUT3253. La notion de promptitude à l'échelle de l'intervention révélait la permanence du danger des déclarations d'incendie et la crainte de leur propagation. Cette référence au concept de la rapidité déterminait surtout un renvoi manifeste aux principes d'attaque d'un départ de feu et de sauvetage qui devaient être mis en oeuvre le plus rapidement possible. La rapidité n'était pas seule tributaire d'un déplacement mécanique bien qu'il s'agisse d'un des derniers facteurs sur lesquels il ait été possible d'agir maintenant que le réseau des communications s'était développé, que le réseau d'adduction des eaux avait été étendu, que les sapeurs-pompiers devenaient des professionnels. L'association, dans le renforcement de la diligence des échanges, était également celle de la distribution des secours, celle de l'implantation spatiale, à cet instant, des postes-casernes et, plus manifestement, de la caserne RABELAIS, et celle de la facilité des communications prises au sens des mouvements d'hommes et de matériels. Distribution des secours et implantation spatiale allaient de pair et fondaient un renvoi à la position géographique de la caserne, permettant un accès aisé à de grandes rues devant mener rapidement les hommes sur toutes les parties de l'agglomération lyonnaise. Quant à la communication, basée sur la circulation, mettant par ailleurs à rude épreuve le matériel, notamment le bandage des roues suivant la qualité des pavés3254, l'importance était celle du signalement aux autres véhicules, mais aussi à la population, aux passants, d'abord par les sons, celui d'une corne, ensuite complétés par des moyens lumineux, lointains ancêtres du gyrophare3255. L'avantage de l'automobile n'était pas uniquement celui du déplacement mais également celui de l'acheminement de la plus grande partie du matériel dont les sapeurs allaient avoir besoin pour intervenir sur le foyer d'un incendie. Reste que jusqu'à ce que soit, par exemple, mis en service un "tracteur", certains moyens, ceux de sauvetage, notamment, ou de renforts sur de gros sinistres, continuaient, eux, d'être amenés sur les incendies avec un attelage, malgré le degré d'équipement, mais qui n'était que celui des pompes à incendie, et le constat de la supériorité des voitures automobiles.

Notes
3185.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1907 ; vol. 1, séance du 24/06, pp. 183-187.

3186.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes automobiles ; 1893-1910. Arrêté du 20/09/1907.

3187.

Idem 174. Séance du 07/10/1907.

3188.

Idem 174. A cette occasion, chaque fabricant fit parvenir à la commission des documents donnant les caractéristiques de leur machine. Parmi cette boîte d'archives figurent de surprenants catalogues.

3189.

Idem 174. Intention du 14/01/1908.

3190.

Idem 174. Note du 10/03/1908.

3191.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes automobiles ; 1893-1910.

3192.

Idem 179. Les résultats étaient communiqués dans la séance du 14/09/1908.

3193.

Ibidem 180.

3194.

Ibidem 180.

3195.

Idem 179.

3196.

Ce constructeur disposait notamment, à cette date, d'ateliers situés Avenue BERTHELOT.

3197.

Idem 179.

3198.

Idem 179. Note du 24/12/1908.

3199.

Idem 179. Séance du 22/04/1909.

3200.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes automobiles ; 1893-1910. Séance du 14/05/1909.

3201.

Ibidem 188.

3202.

Idem 188 / Voir le document n° 46 : Bataillon des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon - Pompe automobile BERLIET - 1909. Musée des sapeurs-pompiers du Grand Lyon. Différents éléments sont à consigner dans l'équipement de ce véhicule, nommé "l'éclair" par analogie autant à la rapidité qu'à la puissance du phénomène naturel. Sont notamment discernables : des boyaux d'aspiration d'un diamètre de 100 au pied des sapeurs transportés, découvrant, d'autre part, une lance accrochée sur une caisse de matériels ; une échelle coulissante et une échelle à crochets, à l'avant des hommes debout et au dos des hommes assis ; les moyens lumineux de signalisation à l'attention du public et des autres véhicules, sur la carrosserie du poste de pilotage. A noter également que les sapeurs-pompiers sont coiffés du casque spécial de la ville de Lyon, soit celui portant sur son cimier un lion. L'engin se rendait ici en représentation.

3203.

Idem 188. Notes au procès-verbal d'acceptation du 04/06/1909.

3204.

Idem 188. Cette délibération recevra une approbation le 13/08/1909.

3205.

Idem 188. Description du 15/07/1909. L'abréviation HP signifie Horse Power.

3206.

Idem 188. Description du 15/07/1909.

3207.

PERIER J. - Les véhicules d'incendie à Lyon, Lyon, Editions du XX Mars, 1990, 142 p. ; p. 1.

3208.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes automobiles ; 1893-1910. Description du 15/07/1909.

3209.

Idem 196. Projet de soumission du 01/03/1909. Approbation du 13/08/1909.

3210.

Idem 196. Séance de la commission du 14/09/1908.

3211.

Idem 196. Note du 10/03/1908.

3212.

Idem 196. Communication des informations techniques dans la séance du 14/09/1908.

3213.

Idem 196. Projet GUGUMUS-DROUVILLE 1906-1908.

3214.

Idem 196.

3215.

Ibidem 200.

3216.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes automobiles ; 1893-1910. Communication des informations techniques dans la séance du 14/09/1908.

3217.

Idem 204. Projet MERRYWEATHER.

3218.

Idem 204. Séance de la commission du 14/09/1908.

3219.

Idem 204. Invoquant, dans un courrier du 13/10/1908, ses références et également les 6 autopompes de sa fabrication en service, en 1908, au sein du corps de sapeurs-pompiers de la ville de Paris, le constructeur DELAHAYE-FARCOT se refusera à suivre l'offre BERLIET.

3220.

Idem 204. La maison DELAHAYE-FARCOT prenait finalement l'engagement d'essais à compter du 01/02/1909.

3221.

Idem 204. Projet DELAHAYE-FARCOT, 1908-1909.

3222.

AML, 1271 WP 026 – Sapeurs-pompiers : Interventions : Registres de sorties ; 1901-1909 / 1271 WP 029 – Sapeurs-pompiers : Rapports d'interventions : Registres ; 1908-1911. Les sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, intervenus le 16/03 sur cet incendie ne se retireront du théâtre des opérations qu'une semaine plus tard. Ce feu engendra pour 3 millions de francs de dommages.

3223.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes automobiles ; 1893-1910. La décision officielle d'acheter une nouvelle pompe interviendra le 03/08/1909.

3224.

Bulletin Municipal Officiel – 1909 ; vol. 2, p. 1022.

3225.

Idem 211. Soumission, en fait, de la maison DESMARAIS pour le constructeur DELAHAYE-FARCOT en date du 30/10/1909 et qui recevra une approbation le 10/03/1910.

3226.

A.P pour autopompe qui était alors orthographié, à cette époque, en deux mots.

3227.

Ibidem 213.

3228.

Idem 211. La pompe fut placée à la caserne RABELAIS le 26/07/1910.

3229.

Idem 211. Courrier du maire de la ville de Lyon au constructeur en date du 01/07/1910.

3230.

Idem 211. Procès-verbal d'acceptation du 14/10/1910.

3231.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1912 ; vol. 1, séance du 29/04, p. 233.

3232.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1912 ; vol. 1, séance du 29/04, p. 233.

3233.

Idem 220.

3234.

PERIER J. - Les véhicules d'incendie à Lyon, Lyon, Editions du XX Mars, 1990, 142 p. ; pp. 3 et suiv.
La pompe était capable d'alimenter 3 grosses lances.

3235.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1913 ; vol. 2, séance du 01/12, pp. 200-205.

3236.

AML, 1270 WP 020 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : Autopompes, ambulances et échelles ; 1913-1926.

3237.

AML, 1270 WP 001- Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Délibération en conseil municipal du 05/08/1912 approuvée par arrêté préfectoral du 04/10/1912 prévoyant le licenciement ferme des derniers effectifs des compagnies d'arrondissement et l'augmentation des personnels professionnels dotés d'un matériel performant et efficace.

3238.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1913 ; vol. 2, séance du 18/08, pp. 74-75.

3239.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1913 ; vol. 2, séance du 13/10, pp. 122-123.

3240.

Idem 223.

3241.

AML, 782 WP 007 – Exposition Internationale Urbaine de Lyon (1914) : Organisation générale : Sécurité, service d'incendie : Visite de la commission d'incendie et de sécurité (1914) / AML, 782 WP 020 – Exposition Internationale Urbaine de Lyon (1914) : Pavillon de l'Angleterre : Incendie du 19/11/1914 / AML, 782 WP 069 – Exposition Internationale Urbaine de Lyon (1914) : Sinistres : Incendie du pavillon des mines ; 1914-1915.

3242.

Idem 224.

3243.

Idem 223.

3244.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1913 ; vol. 2, séance du 01/12, pp. 200-205.

3245.

Idem 232.

3246.

Idem 232.

3247.

P.S pour premier(s) secours, en référence notamment à sa réserve d'eau.

3248.

AML, 1270 WP 020 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : Autopompes, ambulances et échelles ; 1913-1926.

3249.

Procès-verbaux des séances du conseil municipal – 1908 ; vol. 2, séance du 26/12, p. 209.

3250.

AML, 1270 WP 008 – Sapeurs-pompiers : Fonctionnement et services du bataillon : - Services spéciaux : Secours aux noyés et asphyxiés, désinfection, ambulance ; 1894-1939.

3251.

Idem 236. Délibération du conseil municipal du 25/08/1913 faisant suite à la décision de suppression définitive de la traction hippomobile prononcée en séance du 18/08/1913.

3252.

Idem 236. Soumission du 10/09/1913 approuvée le 27/09.

3253.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1911, 631 p. ;
pp. 378 et suiv. / PERIER J. - Les véhicules d'incendie à Lyon, Lyon, Editions du XX Mars, 1990, 142 p. ; p. 83.

3254.

Les roues des véhicules pouvaient être équipées de bandages supplémentaires pour éviter de déraper sur des pavés gras.

3255.

Ce point a été abordé dans la seconde partie du Chapitre VIII consacrée aux premiers temps de l'intervention.