2. AGRÈS COMPOSITES ET FONCTIONNEMENT MATÉRIEL - SITUATION - INVENTAIRE

En dehors des principaux agrès qui viennent d'être étudiés, l'exercice du service d'incendie s'appuyait sur d'autres pièces maîtresses, telles que les lances à incendie, sur un petit matériel ou des outils, qualifiés de complémentaires ou de divers pour certains d'entre eux, mais qui s'avéraient tous nécessaires à l'accomplissement, dans de bonnes conditions, des missions dévolues aux sapeurs-pompiers. Ainsi, le document n° 51 présente-il, par exemple, une série de matériels dont il a d'ailleurs été porté allusivement référence, pour la plupart d'entre eux, dans les points précédents et se constituant des éléments qui prenaient place sur chaque chariot de pompe, char à incendie et premier secours, et donc amenés sur n'importe quel départ de feux3398. Les instruments qui figurent sur cette pièce, issue de la présentation que faisait J. POYET sur les supports matériels à l'appui du service d'incendie, se distinguaient entre un rapport à l'eau, pour les outils présentés ici en usant des lettres A à J, à la destruction et au déblaiement, pour les instruments présentés par les lettres L à P, et au sauvetage, pour les matériels présentés en K, Q et R3399. Au-delà des caractéristiques de chacun, de leur forme, de la typologie de l'engin et de son affectation, l'ensemble du parc technique imposait, en outre, un suivi qualitatif issu de l'organisation d'un atelier. Ce suivi devait permettre aux sapeurs-pompiers de disposer d'un matériel, se développant et se modernisant par ailleurs sans cesse, ne tolérant aucun dysfonctionnement, notamment à la vue des propriétés de la flamme et du facteur, capital, de la rapidité d'action. Seulement, malgré tous les efforts, il arrivera que l'état de ce parc, du matériel, des agrès, dont les plus imposants étaient nommés, sous l'image à une représentation, à une qualité, l'usage du patronyme d'un sapeur du corps décédé, ne corresponde pas toujours à des critères de fonctionnalité. Au lendemain de sinistres aux conséquences dramatiques, il arrivait fréquemment que les quotidiens locaux évoquent, jusqu'à la veille des années 1900, une vétusté du matériel3400. Pourtant, la ville de Lyon, parmi les premières équipées en pompes à vapeur, cherchera, continuellement, certes parfois avec un peu de retard, à moderniser le parc de son service d'incendie. La proportion prise par un incendie demeurait un ensemble de conséquences et pas seulement le résultat d'un parc matériel vieillissant qui, cependant, restait bien adapté aux opérations accomplies par les hommes du bataillon. En revanche, il arrivait que du matériel, mal entretenu, nuise à l'efficacité d'une intervention ou que, sur le théâtre d'un incendie, une partie du matériel amené ne puisse être employée pour des problèmes d'incompatibilité, entre des raccords, par exemple, de prises d'eau et de colonnes, de tuyaux et de pompes3401.

Les raccords, pièces essentielles, faisaient partie des outils de jonction formant des instruments métalliques prenant différentes formes, raccords simples, intermédiaires ou de divisions, au diamètre des colonnes et servant à brancher les tuyaux sur une prise d'eau, une pompe ou à une lance. Ces pièces ont aujourd'hui une forme similaire, continuant de composer des demi-raccords s'emboîtant les uns dans les autres et scellés à vis ou au moyen de l'opération d'un quart de tour à l'aide des tricoises, clé spéciale. Lorsque les tuyaux étaient livrés sans raccords, alors en bronze avant l'alliage, déterminant de poinçonner le matériel pour en garantir la composition, l'atelier du bataillon se chargeait, selon l'expression, de "boîter" les colonnes avec les pièces de jonction adaptées3402. Une fois l'opération réalisée, la colonne était soumise à l'épreuve afin de garantir, en se plaçant sous l'unique appréciation du travail qui venait d'être effectué, la qualité de l'association entre le raccord et la matière du tuyau3403. Ces pièces maîtresses dans les établissements en eau ne présentaient donc, y compris sous la forme d'une réduction ou d'une division, comme autres fonctions que d'assembler entre elles les colonnes sur des longueurs plus ou moins grandes, et de relier une bouche d'eau à une pompe, une pompe à une lance ou une prise d'eau à une lance. Les lances se formaient, à l'origine, d'un long fût tronconique sans moyen de contrôle du débit, établissant dès lors une extrémité plus large portant un demi-raccord et, à l'autre bout, un ajutage et son orifice3404. Fabriquées en cuivre, elles servaient à donner plus de force au jet tout en permettant de le diriger plus facilement3405. Le plus significatif des perfectionnements qui fut introduit sur les lances, à la veille du XXème siècle, fut donc leur équipement avec des robinets contribuant à régler le débit du jet afin de limiter les destructions qui pouvaient résulter de l'utilisation d'une pression trop forte, d'un jet trop puissant3406. Se divisant généralement en petite et grosse lances, soit celles correspondant, pour l'époque, aux diamètres de tuyaux de 45 et de 65, les premières étaient les plus fréquemment mises en batterie sous un travail à la pression des pompes, à vapeur puis mécanique, n'excédant pas, normalement, 6 atmosphères3407. Un état, édité en 1891, répertoriant l'ensemble du matériel d'incendie et de sauvetage en service au bataillon en 1890, soit au moment de la formation de la division active, comptait 88 lances dites de pompes à bras, les plus petites, et 10 dites de pompes à vapeur, les plus grosses, parmi les principaux objets utilisés3408. A propos d'établissement en eau, sous, cette fois, un mode éventuel d'alimentation, cette situation recensait encore la disposition de 5.800 seaux en toile3409. Ce total était néanmoins en baisse devant le développement du réseau d'adduction des eaux de la ville et un recours de plus en plus occasionnel, pour ne pas dire exceptionnel, à une chaîne d'alimentation en eau utilisant ces moyens. A cette date, les seaux en osier étaient définitivement sortis des rangs. Pourtant, le temps n'était pas si loin où ils remplissaient encore leur office bien que progressivement supplantés par ceux effectivement confectionnés en toile. Selon un inventaire de 1868, 2.380 de ces seaux en osier, contre déjà 6.190 en toile, prenaient encore place dans le matériel acheminé par les chars à incendie3410. A la veille de 1900, en 1897, par exemple, les seaux en toile chargeant, légèrement, les engins formaient encore un parc d'environ 4.700 unités3411, conservés afin de parer à toute éventualité et encore utilisés, non pas pour une alimentation, mais fréquemment comme simple mode d'extinction3412. Ce total se maintiendra d'ailleurs à un niveau semblable jusqu'à ce que commencent les ventes de matériels comprenant, parmi les offres, des lots de seaux. Parmi les instruments se rapportant encore à l'élément liquide figuraient les clés de barrage ou de bouches d'eau qui se devaient d'équiper tout le parc matériel d'intervention puisque, sans elles, aucun accès n'était possible au réseau d'eau. Ces clés, qui tarderont à équiper les agrès d'incendie, se différencieront progressivement en plusieurs catégories mais ayant néanmoins toutes un même but. Cependant, jusqu'à ce que le bataillon soit équipé de ces outils, seul le personnel technique de la ville, et principalement les cantonniers, avertis en même temps qu'étaient réquisitionnés les soldats du feu, en avaient l'usage3413. Une fois arrivés sur les lieux, ceux-ci ouvraient alors les bouches d'eau. Sans doute fallait-il voir, dans cette manière de procéder, une mesure de limitation de l'accès de la personne privée au réseau d'eau de la ville, mais qui portait toutefois un préjudice à la rapidité de l'intervention. Ce tort causé ne disparaîtra qu'au fur et à mesure de la disposition, pour le service d'incendie, de ces clés, soit à partir de la fin des années 18703414.

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Document n° 51 : Exercice du service d'incendie : Petits matériels

Si le document n° 51 présente, notamment, des outils comme la hache, le pic -ou pioche-, le crochet, la fourche -ou grappin- et le presson, utilisés pour la destruction ou l'affaissement, par exemple, des parties d'un bâtiment afin de limiter la propagation d'un incendie, ce ne sont toutefois là que certains des objets utilisés dans ces opérations3415. Figuraient encore dans cette classe de supports techniques, s'associant également aux opération de déblaiement, les croissants à perche, les gaffes, les pelles, les crics et les palans. Cet ensemble d'instruments formait, en 1897, un parc, en quantité, de plus de 500 outils répartis sur le chariot des pompes, sur les chars à incendie et dans les postes et dépôts3416. Pour certains d'entre eux, une division pouvait s'opérer dans une même classe de matériels, entre par exemple, les haches à pic ou à tête, l'une arrachant, l'autre enfonçant. Ce genre de supports techniques constituait en fait, plus manifestement, la part des petits matériels mais qui occupait néanmoins une place importante dans chacune des phases opérationnelles de l'intervention des sapeurs-pompiers sur le théâtre des incendies. Parmi ce petit matériel et l'association à la conduite des opérations dans les meilleures conditions étaient également pris en compte des instruments aussi utiles que les cordes, cordages et autres prolonges ou les lampes de sûreté, puis les lampes à piles électriques3417. Un cordage, bien qu'il puisse être utilisé à l'affaissement d'une structure bâtie, par une action de tirer, et qu'il en existe plusieurs sortes, était déjà plus à présenter comme un instrument de sauvetage. Pour cet usage, devant répondre à des critères d'absolue sécurité, les cordes deviendront d'ailleurs, à la fin du XIXème siècle, régulièrement éprouvées à l'aide d'un dynamomètre afin de pallier d'éventuels accidents3418. Quant aux lampes de sûreté, celles-ci permettaient, par exemple, à un sapeur, d'entrer dans un environnement saturé, à la recherche d'une victime, sans provoquer d'explosion. Ce dernier outil marquait un renvoi au matériel d'exploration et aussi à celui nécessaire à la conduite de certaines actions servant à porter secours à une ou plusieurs personnes. Le document n° 51 présente, précisément, sous cette dernière action, deux supports matériels, l'un servant à fixer un sac de sauvetage en travers des fenêtres et l'autre à escalader les façades3419. Au moment de la constitution de la section active, le bataillon, pour mener à bien ses opérations de secours, disposait ainsi, quant aux moyens en échelles classiques, dépassant du même coup la définition des "petits matériels", de 34 échelles à coulisses, 9 échelles à crochets parisiennes et 30 échelles à crochets lyonnaises, présentées comme plus légères et étant surtout, à défaut, issues d'une fabrication sur un modèle local3420. Au moins une de chacune de ces deux classes d'échelles devait armer tout engin au départ et figurer parmi les moyens de renforts. A la même date, si l'inventaire du matériel ne portait pas de référence directe à des moyens du type des descenseurs, présents à d'antécédentes périodes, les sapeurs du bataillon disposaient, pour leurs opérations de secours, de 2 sacs de sauvetage3421, moyens auxquels se rajoutera la disposition d'une toile, en 18913422, puis 2, en 18943423 ; ceci, avant que ne se perfectionnent et que ne se sécurisent d'autres techniques, ou que le service d'incendie n'use, par exemple, d'un ventilateur, permettant d'évacuer les fumées et de rendre utilisable, dans certain cas, une cage d'escalier jusque là inaccessible. Sous la phase d'extinction applicable à certaines classes de feux, l'usage de procédés particuliers laissait également figurer, dans le petit matériel, des instruments, telles les toiles à feux de cheminée3424. Sous une vue globale, les moyens surannés étant écartés au fil du temps, le parc, concernant l'ensemble de ces matériels, petits agrès ou supports de secours, ne cessera, en fait, de s'étoffer et de se moderniser. Ainsi, par l'intermédiaire de celui-ci, le bataillon sera-t-il progressivement doté de tous les moyens, y compris en nombre ou sortant peu souvent, correspondant à l'exigence d'efficacité et de fonctionnalité propre à l'exercice du service d'incendie sur l'agglomération lyonnaise3425. Il ne s'agit là encore que d'une présentation sommaire, s'intéressant au matériel ayant un rapport direct aux opérations de lutte contre les incendies et de secours aux personnes. Hors une allusion, ici informative, aucune mention ne sera portée, par exemple, sur les objets des postes ou les accessoires de voitures, pourtant nombreux, le propos de cette analyse étant seulement celui relatif au parc technique d'exercice.

La poursuite d'un inventaire, définissant par essence l'appui sur un fonctionnement matériel, renverrait, à présent, au parc roulant. Celui-ci, en volume, se constituait entre des machines imposantes, comme les pompes à vapeur ou les départs attelés, des engins intermédiaires, telles les pompes à bras, et de petits agrès, comme les dévidoirs, à bobine ou à caisse3426, les caissons ou les tonneaux d'incendie. Toutefois, ce sont des matériels dont la revue, l'état et l'inventaire, ont déjà été, pour l'essentiel, faits dans les points précédemment abordés. Bien que les outils composites représentent une base à l'exercice du service d'incendie comme étant, par exemple, associés à des matériels d'établissement en eau, seul le parc roulant déterminait cependant l'âme fonctionnelle du service sous un facteur fondamental : la stricte disposition des moyens d'extinctions et de transport des matériels. Aussi, afin de garantir la bonne exécution des manoeuvres d'incendie, la première opération, au retour d'intervention, consistait à vérifier l'état de ce parc, par exemple, des corps de pompe, et de réarmer l'ensemble des engins avec le matériel de réserve, tuyaux et outils notamment. La vérification des mécaniques était, à l'origine, une des missions conférées aux membres de l'atelier de réparations créé en 18653427. Sans parler d'un coup de peinture, qui n'était pas nécessairement encore le rouge3428, devant donner de l'éclat aux engins, d'un astiquage des cuivres, le rôle des ouvriers de l'atelier, avant que ne leur soient affectées de nouvelles tâches, était celui de la garantie du fonctionnement mécanique des machines3429. Après chaque incendie, les pompes étaient donc rentrées au Dépôt Général pour y être démontées, graissées et vérifiées, logique de qualité sans cesse réitérée3430. Ce travail, confié à certaines périodes à des prestataires privés, évoluera pour, devant les sorties permanentes des pompes à vapeur, puis des pompes automobiles du Quartier Central, se concentrer sur ces agrès. Etaient également couramment confiées aux membres de l'atelier, en dehors des missions de feu, d'autres besognes, y compris la confection de matériels telles que les colonnes en cuir avant que cette matière ne soit finalement abandonnée3431. L'état du matériel d'incendie fut d'ailleurs un sujet fréquemment abordé par la presse. Le Salut Public, dans ses éditions des 10 et 11 décembre 1865, évoquait ainsi des sapeurs-pompiers lyonnais qui avaient à leur service "un fort piètre matériel" qui nuisait à l'efficacité de leurs secours. Néanmoins, l'observation, réalisée après des sinistres aux fortes conséquences, ne renvoyait, la plupart du temps, qu'à un état issu de la sollicitation du matériel, quand il ne s'agissait pas d'un prétexte à une mise en cause de l'administration par cet intermédiaire. Le renvoi devenait alors celui des moyens concrètement mis à la disposition du bataillon pour garantir la qualité de son parc technique. D'ailleurs, en dehors de l'entretien, normalement incessant, de la rotation avec un matériel de réserve ou de la modernisation, le renouvellement de certains moyens s'établira, certes progressivement, comme une réelle intention. Seulement, dès lors, le rapport devenait celui du financement. En outre, pour garantir la qualité du matériel d'incendie et de secours, administration municipale et conseil d'administration du bataillon faisaient régulièrement, pour ne pas dire mensuellement, procéder à des épreuves, en dehors des manoeuvres, autre mode de vérification de l'état des engins, sans compter que chaque réception de matériel était prononcée sous l'examen d'une commission nommée à cet effet3432. Ces mesures étaient capitales à respecter dans la ligne directrice imposée par la garantie de sécurité de la propriété publique ou privée contre les destructions par le feu. L'exécution du service d'incendie n'admettait, d'autre part, au même titre que sous d'autres fondements, aucun critère de dysfonctionnement technique, ce qui ne sera toutefois pas toujours le cas car, comme le risque zéro, n'existant pas, l'imprévu, l'accident, la circonstance pouvaient engendrer une conséquence.

Les agrès mis en service, sous un fonctionnement administratif impératif et rôdé, étaient dûment répertoriés, numérotés. Pour les plus importants du bataillon, il arrivait, en outre, que ceux-ci soient nommés, ce qui ne fondait d'ailleurs pas en soi un caractère ayant nécessairement un attribut exceptionnel. Le rapport était alors couramment celui lié à une symbolique, volontairement superstitieuse, à une représentation sociale, à une qualité ou à un désir portant, de façon plus cartésienne et plus solennelle, l'hommage à un sapeur du corps mort au feu. Ce rapport, à travers la persistance des perceptions liées ou prêtées à la flamme, ancrées dans l'esprit humain, individuel ou social, établissait, ouvertement, le lien aux images véhiculées par l'élément jusqu'à la veille du XXème siècle3433. Par référence à d'autres usages, l'évocation des saints, par exemple, la "pratique" était en fait ancienne et plusieurs pompes à bras portaient déjà un patronyme. Simple coutume ou véritable croyance, pouvoir de la foi, il arrivait, par ailleurs, que les agrès soient admis dans des cérémonies religieuses, même si l'association pouvait être faite à une manifestation festive3434, pour y être "sacrés", recevoir une "onction" dans sa définition liturgique, soit l'acte conférant la grâce de lutter contre un mal prenant, ici, la forme de l'incendie. Sous le caractère de la dénomination, l'Amphitrite 3435 et la Thétis 3436 étaient ainsi servies par les hommes de la compagnie de La Croix-Rousse à la veille de la création du bataillon de la ville de Lyon3437. L'indication était alors clairement posée sur un rapport aux pouvoirs de la flamme, et, implicitement, des dieux sur l'élément agissant par l'intermédiaire d'un support matériel. La sauvagère 3438, l'impétueuse 3439 ou la sylphide 3440, ramenant l'image associée à des propriétés, celle de la puissance des eaux dissipant les flammes, ne laissant au feu que les fumées pour tenter de s'échapper, étaient, quant à elles, servies par les sapeurs-pompiers de la ville de Lyon. La mention de ces noms était portée dans les rapports d'incendie bien que l'information disparaisse très rapidement au profit de renseignements plus administratifs. En 1888, le projet, émis par le conseil d'administration du bataillon, fut celui d'attribuer aux agrès les plus importants du service d'incendie le nom des sapeurs du corps morts au feu3441. Bien que les informations soient contradictoires d'une source à une autre, y compris sur le choix, pour qualifier explicitement quel nom, à l'origine signifié par l'apposition d'une plaque sur l'engin, fut affecté à quel matériel et sans entrer dans ce puzzle, à la veille de 1900 et au vu des dernières acquisitions, celles de 1896 -l'échelle MARTIN-VINCENT- et de 1897 -la pompe à vapeur MIEUSSET-, 4 pompes et 2 échelles portaient les noms de sapeurs3442. Il s'agissait, pour les agrès d'extinction, du patronyme des soldats du feu PRÉTIAL, décédé en 1871, ROUX, décédé à la même date, SIVELLE, décédé en 1892, DUPEUCH, décédé en 1893, et pour les moyens aériens, du patronyme des sapeurs MIRAILLET, décédé en 1891, et DEVAUD, décédé à la même date. En fonction de l'affectation des engins, le choix portait en fait sur les circonstances des accidents ayant causé la mort de ces hommes, lors de manoeuvres d'extinctions, pour les quatre premiers, et celle d'une échelle aérienne, pour les deux derniers. Ce voeu du conseil d'administration revêtait à la fois le caractère de l'hommage, aux hommes et à la fonction, et du souvenir. Certains de ces agrès d'extinction étaient aussi nommés différemment que sous une référence à la fonction. Ainsi, deux d'entre eux étaient appelés la Saône et le Rhône, figurant l'image de l'eau mais aussi l'importance et la représentation de ces cours d'eau pour les Lyonnais, et, un troisième, "Veni, vidi, vici !" se traduisant en "Venu, vu, vaincu !". L'image était dès lors puissante et la symbolique significative sous cette dernière expression, historique, prêtée à Jules CÉSAR de retour d'une guerre-éclair3443. Ce rapport au symbole ne disparaîtra d'autre part pas complètement car si la pompe automobile DELAHAYE-FARCOT, mise en service en 1910, fut désignée, sous sa provenance, comme "La Parisienne", la pompe BERLIET fut, elle, surnommée "L'Éclair", associant le véhicule à une image de puissance, de rapidité autant de déplacement que d'action. Prêter un nom aux objets, aux matériels, n'était que le reflet d'une attitude sociale qui confortait peut-être les hommes dans l'exercice de leur mission contre cet élément que les légendes ou les croyances présentaient comme issu d'un pouvoir supérieur. Seulement, sans cette symbolique, simplement sous des propriétés techniques, physiques, le matériel d'incendie avait, lui aussi, un pouvoir ; celui de donner aux hommes, à travers la constitution d'unités de secours, les moyens de lutter contre le feu et de parvenir, progressivement, à en limiter les conséquences lors d'un déclenchement d'incendie et de protéger, effectivement, le groupe social.

Restreindre les supports matériels et techniques aux seuls agrès, aux seules machines ou aux seuls outils qui viennent d'être abordés, bien qu'ils soient déjà nombreux, serait encore réduire l'ensemble du parc mis à la disposition des sapeurs-pompiers du bataillon de la ville de Lyon pour remplir leurs missions de secours et de lutte contre les incendies. Par exemple, le développement de la bicyclette eut des applications directes dans l'exercice du service d'incendie en permettant, notamment, de former de petites structures, sur la fin du XIXème siècle, le début du XXème siècle, fonctionnant généralement en binôme, et intervenant sur les feux de cheminée3444. Ceci évitait dès lors, lorsqu'un départ de feu de cette classe était signalé, de sortir des moyens dont l'engagement n'était souvent pas nécessaire. Bien que ce parc ne remplisse qu'un seul et même but, la distinction s'opérait donc entre différentes définitions, celle d'un parc classique et celle de supports modernes, ou, selon les propriétés des engins, entre différentes catégorisations des matériels comme d'incendie -ou d'extinction-, de secours et de sauvetage, de renforts, d'exploration. De manière générale, sur la seconde moitié du XIXème siècle, l'ensemble des moyens subira une significative et fonctionnelle évolution, voire révolution, passant, par exemple, à l'échelle de l'agglomération lyonnaise et sur un petit peu plus que cette portion de temps, de la pompe à bras à la pompe à vapeur et de la pompe à vapeur à la pompe automobile. Par le développement matériel, de tangibles réponses étaient apportées à des points capitaux comme la rapidité de déplacement -et donc d'action- ainsi que la concentration des moyens humains et matériels sur un véhicule. Dans les projets de dotation du service d'incendie en matériels de lutte et de défense contre la ou les conséquences des flammes, lancés par l'administration lyonnaise, toutes les réalisations n'ont pas non plus été faites comme celle qui prévoyait l'équipement avec un bateau-pompe3445. L'achat d'une première pompe à vapeur, en 1867, plaçant la ville de Lyon parmi les premières cités françaises dotée d'un tel engin, laissait d'ailleurs subsister certaines ambiguïtés sur les motivations qui menèrent à cet équipement, ceci au-delà d'une réponse logique face à l'état de la menace incendie et ses effets, face à la gestion sécuritaire, en conséquence, le risque incendie. Car, l'association, par l'acquisition d'une machine pour laquelle la ville ne disposait pas encore de réseau d'eau capable de l'alimenter, perçait également comme celle de la représentation municipale, argument par ailleurs notable au moment de la dotation du service d'incendie avec une première échelle aérienne, opérationnelle en 1872. L'équipement en matériels d'intervention des services de secours et d'incendie déterminait également d'autres éléments comme le développement commercial autour de ces supports et l'importance des marchés, notamment celui, au début du XXème siècle, né de l'essor du secteur de l'automobile et du véhicule d'incendie. Bien que le voeu ait été couramment manifesté par les autorités municipales lyonnaises, à la fin du XIXème siècle, de favoriser l'économie nationale, et, par-dessus tout, locale, les projets d'acquisitions étaient longuement discutés. La question centrale demeurait celle de la provenance étrangère, exprimant néanmoins la supériorité régulièrement constatée de ces techniques. Cette préoccupation et ces interrogations donnèrent lieu à de sérieux débats, notamment pour les matériels d'origine ou ayant subi une influence allemande. Quant au développement de l'automobile, l'enjeu était tellement important, notamment pour ouvrir une industrie au créneau du véhicule d'incendie, que certains industriels n'hésitèrent pas à forcer les marchés. L'exemple restera celui de l'industriel BERLIET, qui pouvait également jouer sur son implantation dans l'agglomération lyonnaise, et de sa proposition de mise à l'essai, sans engagement pour la ville, d'une voiture pour l'exercice du service d'incendie.

Notes
3398.

Voir le document n° 51, page III-606 : Exercice du service d'incendie : Petits matériels. POYET J. - Nouvelle théorie pratique des sapeurs-pompiers de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Nigon, 1850, 132 p. Planches de présentation des techniques et du matériel. Chaque lettre introduit un matériel : A-B-C = Présentation et coupes transversales de raccords de tuyaux à vis ; D = Boyau et sa sangle de fixation ; E-F = Clés pour raccords ; G-H = Présentation et coupe transversale d'une lance à incendie ; I-J : coupe transversale et vue de dessus d'un seau ;
K = Support de fixation d'un sac de sauvetage ; L = Hache ; M = Presson ; N = Pic ; O = Fourche ; P = Crochet ; Q-R = Vues de profil et de face d'une échelle à crochets dépliée.

3399.

Ibidem 386.

3400.

Exemple d'un article paru dans Le Petit Lyonnais du 24/05/1876.

3401.

Lors de l'incendie des chantiers de la Buire, Le Progrès du 19/05/1882 évoquait, par exemple, les problèmes rencontrés avec les colonnes d'une des pompes à vapeur acheminée sur les lieux.

3402.

AML, 1270 WP 017 – Sapeurs-pompiers : Matériel : Tuyaux pour pompes à incendie ; 1801 ; 1869-1913.
Le terme, emprunté au "jargon technique" de l'époque, venait de l'analogie avec l'action d'emboîter une pièce dans une autre.

3403.

Idem 390.

3404.

Voir le document n° 51, page III-606 : Exercice du service d'incendie : Petits matériels. Supports de présentation G et H. Plus l'orifice est petit et plus la portée du jet est grande.

3405.

Le rôle de ces moyens n'a pas changé, seuls se sont développés l'usage de nouveaux matériaux et l'application de petites modifications techniques.

3406.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1892, 749 p. ;
pp. 411 et suiv. Les lances à robinets furent de plus en plus utilisées par les sapeurs-pompiers de la ville de Lyon à partir des années 1890.

3407.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes, voitures et échelles ; 1859-1897.

3408.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. L. Delaroche, 1891, 669 p. ;
pp. 331 et suiv.

3409.

Idem 396.

3410.

AML, 1270 WP 021 – Sapeurs-pompiers : Matériel : Inventaires ; 1868-1911. Inventaire du matériel des pompes à incendie dressé à la date du 01/01/1868.

3411.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1898, 801 p. ;
pp. 422 et suiv.

3412.

Voir le graphique n° 24, page III-538 : Proportion et répartition des extinctions d'incendie selon différents modes opératoires sur la période 1886-1913.

3413.

Ce processus a été précédemment décrit, dans son ensemble, dans la partie du chapitre VII se rapportant à l'élément fondamental à l'opération des services d'incendie, soit l'eau.

3414.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929. Situation au moment de la réorganisation de 1879.

3415.

Voir le document n° 51, page III-606 : Exercice du service d'incendie : Petits matériels. Supports de présentation des lettres L à P.

3416.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1898, 801 p. ;
pp. 422 et suiv.

3417.

AML, 1270 WP 021 – Sapeurs-pompiers : Matériel : Inventaires ; 1868-1911.

3418.

Idem 405. Matériel de 1897.

3419.

Idem 403. Supports de présentation K, Q et R.

3420.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. L. Delaroche, 1891, 669 p. ;
pp. 331 et suiv.

3421.

Idem 408.

3422.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1892, 749 p. ;
pp. 412 et suiv.

3423.

Documents administratifs et statistiques de la ville de Lyon, Lyon, Imp. Vve L. Delaroche, 1895, 903 p. ;
pp. 525 et sui.

3424.

AML, 1270 WP 021 – Sapeurs-pompiers : Matériel : Inventaires ; 1868-1911.

3425.

Idem 412.

3426.

Un dévidoir à caisse avait, comme différence avec un dévidoir à bobine, de simplement disposer, en plus, d'un coffre pour ranger quelques outils comme, notamment, une clé à bouche d'eau, une hache, une lance à eau et des pièces de jonction telles que des réductions ou des divisions.

3427.

AML, 1270 WP 003 – Sapeurs-pompiers : Effectifs : - Services divers : Organisation et fonctionnement ; Atelier de réparations ; 1863-1883. Arrêté préfectoral de création du 17/03/1865.

3428.

AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes, voitures et échelles ; 1859-1897. Peu d'allusions véritables étaient portées à la couleur des agrès au milieu du
XIXème siècle. Au moment de l'acquisition de nouvelles pompes à bras par la ville de Lyon, en 1885-1886, le cahier des charges préconisait d'utiliser, dans la fabrication des récipients, sous un usage national se répandant, un cuivre rouge. L'uniformité des teintes ne deviendra cependant un critère de représentativité qu'avec le développement des services d'incendie et de secours, sous une identification sociale, et d'un certain type de véhicules. Parmi les couleurs utilisées était également le vert, couleur militaire.

3429.

Idem 415.

3430.

VILLE DE LYON. - Sapeurs-pompiers - Bataillon des sapeurs-pompiers – Règlement, Lyon, Association Typographique, 1896, 55 p. L'article 51 du règlement de 1896 mentionnait que le matériel ayant servi sur une intervention devait être remplacé par la réserve du Dépôt Général et remis en état par le personnel de ce dépôt.

3431.

Certains quotidiens, néanmoins soumis à influence, comme Le Tintamarre du 25/07/1903, dénonçait des abus dans le fonctionnement de services internes au bataillon, celui de l'atelier notamment, sous le prétexte de disposer de machines-outils, tours, meules, presses.

3432.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929 / AML, 1270 WP 017 – Sapeurs-pompiers : Matériel : Tuyaux pour pompes d'incendie ; 1801, 1869-1913 / AML, 1270 WP 018 – Sapeurs-pompiers : Matériel : - Acquisitions, surveillance, entretien et réparations ; 1793-1935 / AML, 1270 WP 019 – Sapeurs-pompiers : Demandes, acquisitions et essais de matériels : - Pompes, voitures et échelles ; 1859-1897 ; - Pompes automobiles ; 1893-1910.

3433.

Ces perceptions ont été abordées dans le chapitre I.

3434.

Dans certaines évocations de la Sainte-Barbe, le bataillon de la ville de Lyon était présenté comme se rendant, en armes et en matériels, à la cérémonie religieuse marquant cette manifestation et dont le seul caractère n'était, visiblement, pas uniquement celui de la représentation par un défilé.

3435.

Dans la mythologie grecque, Amphitrite était la déesse de la mer, épouse de Poséidon, dieu de la mer.

3436.

Dans la mythologie grecque, Thétis était une des Néréides, divinités marines personnifiant les vagues filles du dieu marin Nérée, et la mère d'Achille.

3437.

AML, 3 WP 117 – La Croix-Rousse : Affaires militaires : Sapeurs-pompiers : Pompes et matériel d'incendie : - Entretien et surveillance ; 1826-1851. La référence est portée pour un matériel en service en 1842.

3438.

AML, 1270 WP 024 – Sapeurs-pompiers : Incendies : - Rapports ; 1852-1879. Rapport d'incendie du 12/08/1853.

3439.

Idem 426. Rapport du 24/10/1854.

3440.

Le Salut Public du 18/07/1858. L'association était vraisemblablement faite avec Sylphe, génie de l'air des mythologies celte et germanique.

3441.

AML, 1270 WP 002 – Sapeurs-pompiers : Conseil d'administration du bataillon : - Comptes-rendus de séances ; 1863-1928. Projet du 30/11/1888.

3442.

AML, 1270 WP 021 – Sapeurs-pompiers : Matériel : Inventaires ; 1868-1911.

3443.

HACQUARD G. - Guide romain antique, Paris, Hachette, 1952, 224 p. ; p. 117. Guerre contre Pharnace, roi du Bosphore Cimmérien ayant trahi les romains, qui l'avaient reconnu dans son titre, et vaincu par Jules CÉSAR
en 47 avant Jésus-Christ.

3444.

AML, 1270 WP 001 – Sapeurs-pompiers : Organisation et fonctionnement du service, budget, comptabilité ; 1803-1929 / AML, 1270 WP 018 – Sapeurs-pompiers : Matériel : - Acquisitions, surveillance, entretien et réparations ; 1793-1935. Présentation dans un courrier du commandant au maire de la ville de Lyon le 09/06/1913.

3445.

La première évocation d'un équipement ayant cette forme fut faite après avoir vu fonctionner un engin similaire à l'Exposition Universelle de 1867 et au moment de l'acquisition par la ville, la même année, de sa première pompe à vapeur.