233. Les résultats d’une étude d’évaluation des erreurs dans les modèles classiques

Peu de travaux se sont attachés à estimer le niveau de précision des modèles classiques. Une étude réalisée par McKinder et Evans est l’une des rares à offrir cette opportunité. Commencée en 1978, cette étude a porté sur 44 travaux réalisés entre 1962 et 1971. Elle décrit les résultats obtenus à partir d’une douzaine de variables de prévision. Pour chacune de ces variables, qu’elle soit exogène ou endogène, le rapport établit une synthèse des niveaux caractéristiques d’erreurs qui ont pu se produire sur une période de 10 ans et constate que les planificateurs dans leur ensemble ont plutôt eu tendance à surestimer ou sous-estimer l’impact de ces variables. Il est à noter que seuls les modes en voiture particulière et en transports collectifs ont été étudiés. De cette étude, les auteurs ont ciblé trois principales sources d’erreurs : les erreurs commises lors de la mesure des données, les erreurs propres à la spécification du modèle, et les erreurs relevées lors de l’utilisation des modèles.

Les principaux écarts ont été observés sur les estimations des variables socio-économiques, principaux inputs des modèles. La population a été surestimée de façon quasi systématique. Les hypothèses de croissance économique ont été également surestimées. Il n’est d’ailleurs pas surprenant de noter que ce sont les emplois du centre qui ont été les moins bien estimés. Les auteurs attribuent les raisons de ces surestimations à la conjonction de deux phénomènes. D’une part, des hypothèses trop optimistes de la croissance de la population au niveau national, d’autre part, les hypothèses erronées de la part des autorités locales relatives au déclin économique de certaines zones. Les responsables locaux n’ont pas su prévoir une chute des emplois ou lorsqu’ils avaient le choix, ont préféré s’appuyer sur des hypothèses hautes.

En outre, les erreurs de prévision relatives au taux de motorisation ou au revenu des ménages sont supérieures à celles des variables précédentes. Si la plupart des études a prévu une élévation du taux de motorisation, 35 études sur 38 ont surestimé cette croissance. McKinder et Evans expliquent cette surestimation par l’optimisme de la prévision, basée sur une croissance économique forte.

Les déplacements totaux ont été surestimés par l’ensemble des études. Cette surestimation s’est révélée supérieure pour les déplacements effectués en transports collectifs. C’est le trafic de transit qui semble avoir été le moins bien estimé.

Pour finir, les auteurs de cette étude ont tenté de vérifier si les erreurs constatées relevaient davantage d’erreurs commises sur les variables exogènes ou si elles pouvaient être dues à des erreurs de spécification des modèles. Ils ont pu constater que plus de la moitié des erreurs de prévision relatives aux déplacements routiers peuvent être imputables aux estimations des variables exogènes. Les erreurs de prévision concernant les déplacements en transport ne peuvent, en revanche, être expliquées par des erreurs commises en estimant l’évolution future de variables telles que la population ou la possession d’une voiture mais plutôt par la non prise en compte de certaines variables explicatives comme la distance ou le tarif. Enfin, la combinaison des trafics de transports publics et privés, laisse apparaître que sur les 28% d’erreurs commises, la moitié seulement relève d’une mauvaise estimation des variables exogènes. Le reste peut sans doute être expliqué par l’oubli de certaines variables et la faiblesse de l’hypothèse d’une stabilité dans le temps des taux de déplacements mécanisés pour les différents types de ménage.

L’étude de McKinder et Evans a ainsi confirmé la surestimation de nombreuses variables endogènes et exogènes qui n’est pas propre aux modèles britanniques. Les modèles de trafic ont été développés dans une période de forte croissance économique que rien ne semblait a priori pouvoir remettre en cause. Les bouleversements qui ont suivi les deux chocs pétroliers ont souligné la faiblesse des hypothèses basées sur un simple prolongement de tendances observées par le passé.

L’approche désagrégée, présentée par la suite, offre une autre perspective de la modélisation de la demande de déplacements, davantage explicative.