31. Les principes des modèles désagrégés

Les modèles comportementaux de demande de déplacements se distinguent des modèles conventionnels à quatre étapes de deux façons. D'une part, l’analyse est effectuée au niveau du décideur, telle qu’une personne ou un ménage, plutôt qu’à partir des flux zonaux. D’autre part, ces modèles se fondent sur la théorie micro-économique du comportement du consommateur, plutôt que sur la base de spécifications ad hoc.

Les modèles probabilistes de choix permettent de décrire le processus de décision d’un individu à un instant donné : ils calculent la probabilité, pour un agent économique d’effectuer une sélection « parmi un ensemble limité d’éventualités mutuellement exclusives ». Ainsi, l’approche désagrégée raisonne par rapport à un individu t ayant des caractéristiques socio-économiques et de différenciation des offres de transport qui lui sont propres, qui font qu’il est intrinsèquement différent de tout autre individu. La modélisation désagrégée renvoie à la mesure du poids des variables intervenant dans le processus de décision des individus. Elle permet de comprendre leurs logiques de comportements de déplacement en matière de choix discret simple (mode de transport, par exemple) ou combiné (choix du mode et de destination, par exemple). La notion de choix discret renvoie donc à un ensemble d’alternatives dénombrables. Pour ce faire, on associe, à chaque alternative constituant l’ensemble étudié, une fonction d’utilité qui dépendra essentiellement des individus et des caractéristiques de l’alternative elle-même. Les résultats se présentent sous forme de probabilités. Grâce à elles, on obtient le niveau de la demande de déplacements futurs (par mode si le choix concerne les modes), compte tenu des tests de politiques de transport qui ont été effectués en faisant varier les composantes des fonctions d’utilité. Les modèles de ce type sont appelés modèles de choix discrets, par analogie avec le terme anglo-saxon (discret choice model).

Les modèles de choix de déplacement sont fondés sur le concept de l’utilité aléatoire. La théorie considère que l’utilité du consommateur t qui choisit l’option i contient à la fois une composante systématique Vi t(Xi,Si) (qui est l’utilité moyenne de l’alternative i pour l’individu t associé aux caractéristiques socio-économiques St) et une composante non observable ε(X'i, S t). La fonction d’utilité aléatoire s’exprime de la façon suivante :

message URL FORM006.gif

X i et X’ i représentent les attributs observables et non observables respectivement de l’alternative i.

Si le consommateur effectue le choix i, nous supposons que U t j est l’utilité maximale parmi les j utilités où j=1...J. Ainsi, le modèle statistique est défini par la probabilité que le choix i soit effectué. Cette probabilité est donnée par :

message URL FORM007.gif
message URL FORM008.gif
message URL FORM009.gif

Le modèle est rendu opérationnel par un choix particulier de la distribution des composantes aléatoires de la fonction d’utilité. Le moyen le plus simple d’obtenir une solution à P f i est de supposer une distribution de Weibull (appelée également distribution double exponentielle) des aléas ε(X i, S t). Ce type de distribution conduit aux modèles logit. D’autres hypothèses peuvent être faites sur les composantes aléatoires de la fonction d’utilité. Le modèle logit prend la forme suivante :

message URL FORM010.gif

P f i est la probabilité que l’individu t choisisse l’alternative i ; X et S sont deux vecteurs représentant les attributs de l’alternative i et les caractéristiques de l’individu t.

La formulation logit est pratique et commode. En particulier, elle peut être calibrée relativement facilement et de façon efficace. Une des caractéristiques majeures de cette formulation logit est l’hypothèse d’indépendance des alternatives non associées (independance of irrelevant alternatives - IIA). Cela entraîne que l’estimation des coefficients ne sera correcte que si la distribution des variables est indépendante des choix effectués par les individus. La propriété IIA est liée au fait que la probabilité relative qu’un individu t choisisse l’alternative i plutôt que l’alternative j ne dépend que des caractéristiques des alternatives i et j.

message URL FORM011.gif
La probabilité relative de choix (entre i et j) est donc indépendante des autres alternatives disponibles : tant que les valeurs de message URL vfi.gif et de message URL vfj.gif ne changent pas, la probabilité relative ne changera pas, au regard des autres alternatives qui sont ajoutées ou supprimées de l’ensemble de choix. Cette propriété présente certains avantages et inconvénients qui seront discutés par la suite.

Les modèles comportementaux désagrégés de la demande de déplacements présentent un certain nombre d’avantages sur les modèles conventionnels. Premièrement, ils ont des fondements théoriques ce qui procure une base pour modéliser les comportements de déplacements de façon cohérente. Deuxièmement, les modèles de comportement de demande sont plus adaptés à tester des mesures de politiques. Les élasticités directes et croisées peuvent être utilisées pour simuler les effets de changement à la fois induits par des variables de prix et des variables hors prix. Un troisième avantage est que les implications en termes de bien-être des changements de mesures politiques peuvent être évaluées à l’intérieur du système. Cette caractéristique a été particulièrement utile dans l’analyse moderne des transports.

Bien que ces modèles comportementaux de la demande de transport présentent une avancée non négligeable dans le domaine de la modélisation des transports urbains, ils souffrent néanmoins d’un certain nombre de limites.