422. L’approche de la modélisation interactive des transports et de l’urbanisation

Les politiques de transport doivent être considérées dans le cadre de l’aménagement urbain et de la vie économique. Pour élaborer une stratégie globale et cohérente en matière de transport, il convient de tenir compte de toutes les interactions entre l’aménagement urbain, les transports et l’économie qui ont des effets sur les déplacements. Considérer isolément les politiques d’utilisation du sol et de transport et n’adopter qu’une approche à court terme a conduit à l’élaboration de politiques, qui ont certes parfois permis de gérer les problèmes dans l’urgence et de façon ponctuelle, mais à long terme ont eu des effets aggravants. Afin de définir des mesures d’intervention pertinentes, il faut se donner les moyens d’en évaluer les effets à long terme et pour se faire prendre en compte les rétroactions potentielles entre le système de transport et le système d’occupation des sols. Il faut considérer le caractère dynamique du développement urbain et le fait que les individus et les activités disposent d’une certaine capacité d’adaptation aux changements. Cette perspective de la planification des transports urbains a remis en question l’efficacité et la pertinence des modèles de prévision de la demande de transport jusqu’ici employés puisqu’elle aboutit à modifier l’objet même des modèles de transport. Ces modèles doivent en effet rendre compte non plus de l’effet d’une mesure ponctuelle sur un segment donné de la demande, mais traduire les effets d’une politique de transport sur l’ensemble du système de transport et également prendre en compte ses répercutions éventuelles sur le développement urbain.

Historiquement, les théories relatives aux systèmes d’urbanisation et de transport ont été développées de façon relativement isolée les unes des autres, bien que leurs relations aient été discutées largement depuis de nombreuses années. Depuis 1970, des tentatives ont été menées afin de combiner des modèles d’urbanisation aux modèles de transport traditionnels à quatre étapes, donnant lieu à la première génération des modèles « combinés ». La principale caractéristique de ces modèles est que le modèle de transport ne traite plus les variables d’urbanisation comme étant exogènes et la rétroaction du système de transport sur les schémas d’urbanisation est explicitement reconnue. Le principe de l’existence d’une double relation entre la demande de transport et le type d’urbanisation a provoqué un effort de recherche qui s’est essentiellement orienté dans deux directions : une réflexion théorique à la base des efforts de modélisation ; une approche plus pragmatique dont l’objectif est un approfondissement de la connaissance de situations concrètes.

Le schéma classique adopté par la plupart des modèles est de considérer que le type d’urbanisation influe la demande de déplacement, son volume, ses composantes spatiales et modales. Ainsi, la relation urbanisation - système de déplacement n’est appréhendée que dans un seul sens ; les effets des modifications des conditions de transport sur l’urbanisation étant négligés.

Dans un souci d’amélioration de la pertinence des modèles de transports urbains, un courant de recherche sur les modèles dits intégrés de transport et d’urbanisation s’est développé, leur principale originalité étant d’examiner les interactions entre le système de transport et le système des localisations. L’idée qu’un modèle mathématisé et informatisé de transport et d’occupation des sols pouvait contribuer à une planification plus rationnelle de la ville a culminé dans les années 60 (Wegener, 1994). Cependant, les premiers modèles développés dans les années 60-70 ont été fortement décriés (Lee, 1973) au même titre que les modèles classiques. C’est donc surtout depuis les années 80 que l’on remarque le retour de cette méthodologie. Depuis la critique de Lee, ces modèles se sont perfectionnés et ont pris une importance grandissante dans les processus de planification à l’étranger. Aujourd’hui, comme nous l’avons souligné, il existe un contexte de planification très favorable au développement de ce type de modèles et des avancées théoriques et méthodologiques sur lesquelles peut s’appuyer cette démarche.

Ces modèles comportent une partie « transport », une partie « utilisation des sols » et éventuellement une partie « économique » (Webster et al., 1988 ; Anas, 1987 ; Quinet, 1998). La partie « transport » définit, à système d’offre de transport donné et à localisations des activités et des résidences données, les flux de transport et les coûts de transport. La partie « économique » est en général fondée sur le principe de la théorie de la base ou sur les tableaux Entrées-Sorties. Jusque-là aucune relation n’explique les localisations des activités ou des individus. C’est à la partie « utilisation des sols » de le faire, et c’est là que les modèles se diversifient. Ces modèles seront plus largement présentés dans le chapitre 3.

Compte tenu de l’intégration de plus en plus forte des politiques de transport et d’urbanisation, l’usage de ces modèles sera d’une utilité croissante pour les prises de décision à long terme. C’est dans cette lignée de modèles que nous menons notre réflexion sur l’évolution des systèmes de déplacements en milieu urbain, que nous insistons sur la nécessaire prise en compte de l’interaction transport-urbanisation et que nous proposons un outil de simulation.