411. Fondements des modèles de choix discrets

La remise en question du processus déterministe de choix du consommateur a été soulevée par les psychologues et les économistes, de manière relativement distincte. En psychologie, l’approche probabiliste des choix est retenue en vue d’expliquer les incohérences observées dans le comportement humain. Si le choix d’une action est basé sur la représentation que l’individu s’en fait, on constate alors que cette représentation capte seulement certains aspects de l’action. Par exemple, lorsqu’un individu doit effectuer des choix répétés entre deux actions dans des circonstances similaires, il va choisir l’une ou l’autre action selon le cas. De même, lorsque l’individu est confronté à plus de deux actions, l’intransitivité dans les choix n’est pas rare. On remarque de telles incohérences même en l’absence de changements (observables) dans les goûts de l’individu ou de processus d’apprentissage. Il semble donc que les comportements réels de choix reflètent des fluctuations inhérentes au processus d’évaluation des actions. Dès lors, le modèle déterministe de choix n’apparaît plus comme satisfaisant. Des économistes comme Stigler et Becker (1977) ont souligné que les incohérences observées dans le comportement sont dues au fait que l’individu est attiré par des aspects spécifiques aux différentes situations de choix. Ainsi, si on était capable d’identifier les causes qui conduisent l’individu, selon les cas, à privilégier certains aspects plutôt que d’autres, on pourrait alors utiliser un modèle déterministe. Cependant, de Palma et Thisse (1989) souligne qu’une telle approche conduit souvent à intégrer un nombre tellement élevé d’états du monde qu’elle devient rapidement impraticable. Dès lors, il semble préférable d’employer des modèles de choix probabilistes.

De Palma et Thisse (1989) soulignent que le problème qui se pose est la détermination des hypothèses que doivent satisfaire les probabilités de choix, en sus de celles imposées par le calcul des probabilités. Un groupe d’hypothèses donne naissance à un modèle particulier de choix. Les modèles de choix discrets constituent un sous-groupe des modèles probabilistes. La question qui se pose est alors de déterminer l’origine de la probabilité. S’agit-il du reflet des comportements individuels qui seraient intrinsèquement probabilistes, ou bien la description en termes probabilistes traduit-elle l’incapacité du modélisateur d’appréhender précisément les comportements individuels ? Sur ce problème les avis divergent. Ainsi, Quandt (1956) explique que le processus de choix est intrinsèquement probabiliste, dans la mesure où le comportement d’un individu peut changer en fonction des facteurs extérieurs sans pour autant que ses préférences relatives aux caractéristiques se soient modifiées. Ce point de vue n’est pas partagé par tous. Pour Manski (1977), c’est le manque d’information qui conduit le modélisateur à utiliser des règles de choix probabilistes. Celles-ci sont introduites « not to reflect a lack of rationality in the decision maker but to reflect a lack of information regarding the characteristics of alternatives and/or decision makers on the part of the observer » (Manski, 1977, in De Palma, Thisse, 1989). De Palma et Thisse (1989) considèrent que « ce point de vue apparaît comme parfaitement raisonnable puisque l’on sait que certaines caractéristiques influençant le choix de l’individu ne sont pas observables et/ou mesurables ». Enfin, De Palma et Thisse (1989) font remarquer que bien que les fondements de ces modèles de choix discrets fassent encore l’objet de discussions vigoureuses, les différentes approches débouchent souvent sur des modèles fort similaires.

Il est coutume de distinguer deux familles de modèles selon la nature du mécanisme aléatoire qui gouverne le choix. Dans la première, qui est celle des psychologues, on suppose que les règles de décisions sont aléatoires et les utilités déterministes. Dans la seconde, on suppose que les règles de décision sont déterministes mais que les utilités sont stochastiques.