12. Les modèles d’interaction spatiale : les concepts de base

Il existe une littérature abondante sur les modèles d’interaction spatiale. Les premiers travaux dans ce domaine renvoient aux contributions de Reilly (1931), Hoytt (1939), Stewart (1948), Zipf (1949), Converse (1949), Clark (1951), Isard (1956), Hansen (1959). Dès son apparition au milieu du XIXème siècle, l’étude scientifique des interactions humaines se place sous le giron des sciences physiques. On ne parlait pas encore de sociologie mais de physique sociale. Raveinstein n’hésitait pas à assimiler le comportement des individus au comportement des atomes. Il n’y avait donc qu’un pas à franchir pour proposer une formalisation mécaniste à la Newton du phénomène d’interaction spatiale.

Dans les modèles d’interaction spatiale, les sols occupés par des activités sont définis comme des unités d’espaces agrégés ou des zones, contenant un certain nombre d’activités. Ces agrégats interagissent, générant des flux de nature diverse, qui peuvent être des flux concrets comme les déplacements, les migrations, les transports de marchandises, etc., ou plus abstraits comme des dépendances, des diffusions, des opportunités d’attributs. Les zones sont reliées aux autres par des infrastructures importantes ou par un réseau, dépendant de la nature des flux observés.

La forme gravitaire des modèles d’interaction spatiale établit l’interaction entre deux zones en proportion avec le nombre d’activités dans chaque zone (masses) et en proportion inverse à la friction imposée par une infrastructure particulière qui les connecte entre elles.

La formulation est un modèle de gravité qui, dans sa formulation générale s’écrit :

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  • Tij est la variable d’interaction qui exprime en unité physique ou monétaire le lien de dépendance spatiale entre un sous-espace i appelé zone d’origine et un sous-espace j appelé zone de destination.

  • kij est un facteur de proportionnalité permettant la cohérence du système d’unité choisi.

  • M i représente le poids économique de la zone i, il peut s’agir d’une population, d’une quantité de marchandises, d’une surface, d’un revenu global, bref, de tout ce qui peut constituer un facteur émetteur, générateur d’interaction.

  • M j représente le poids économique de la zone de destination j : il s’agit d’un facteur d’attraction lui aussi générateur d’interaction.

  • f est une fonction quelconque positive.

  • B est un ensemble de paramètres.

  • dij une distance géographique ou économique séparant les deux sous-espaces i et j.

Cette formalisation générale est toujours en vigueur : elle expose clairement les deux dimensions que comporte tout phénomène d’interaction spatiale : la dimension de « potentiel » qui se retrouve dans les deux poids M i et M j générateurs de l’interaction ; la dimension de « flux » exprimée à travers la variable T ij et qui concerne la réalisation de cette interaction.

Le modèle gravitationnel et ses dérivés permettent d’exprimer de façon synthétique le principe d’interaction spatiale, et de lui donner une mesure empirique, sur la base d’une analogie avec la physique des corps. Bien que le système fonctionne convenablement dans les applications statistiques et économétriques, sa déduction par analogie d’une théorie conçue dans une autre discipline pour expliquer des phénomènes territoriaux a été longtemps considérée comme une faiblesse intrinsèque. La réflexion théorique consacrée aux fondements des modèles de gravitation s’est développée relativement tard. Fustier (1988) distingue deux contributions essentielles selon qu’elles se réfèrent à une macro-analyse des comportements ou qu’elles proposent de dériver un modèle de gravitation à partir d’une analyse du comportement spatial menée au niveau individuel. La contribution majeure dans le domaine de la macro-analyse du comportement spatial est celle de Wilson (1970) avec le concept d’entropie emprunté à la thermodynamique.