15. La relation entre les modèles d’interaction spatiale et les modèles de choix discrets

Les fortes similitudes entre les modèles d’interaction spatiale fondés sur la maximisation de l’entropie et ceux établis sur le principe de la maximisation de l’utilité ont été soulignées très tôt. Cependant, malgré la recherche d’une approche synthétique, ces deux analyses sont restées disjointes, ceci étant principalement lié à l’utilisation de données de nature différente. Les modèles d’interaction spatiale entropique nécessitent des données agrégées, tandis que les modèles comportementaux de la demande requièrent des données désagrégées. C’est Anas en 1983 qui a démontré, qu’à un même niveau d’agrégation, ces deux approches pouvaient être considérées comme strictement identiques. Anas met en évidence que les deux approches ne se fondent pas sur les mêmes paradigmes. Pourtant, « the two paradigms imply mutually consistent and fully equivalent model search and model specification strategies : one is rooted in micro-behavioral postulates, the other in macro-statistical information theory » (Anas, 1983, p. 14). Pour lui, les modèles comportementaux de demande qui découlent des travaux de McFadden (1973) et les modèles de maximisation de l’entropie, qui découlent des travaux de Wilson (1970), peuvent être considérés comme deux aspects équivalents d’un même problème. Anas est parvenu à plusieurs résultats. Le premier est que le modèle logit multinomial, qui résulte originellement de l’approche probabiliste de maximisation de l’utilité aléatoire, peut être dérivé également à partir de l’approche de maximisation de l’entropie. Le deuxième résultat est la démonstration que la méthode de maximisation de vraisemblance et celle de maximisation de l’entropie conduisent à des estimations identiques des coefficients du modèle logit multinomial. Dans un troisième temps, Anas démontre que le modèle gravitaire à double contrainte peut être considéré comme un modèle de comportement pour le choix d’une paire d’origine-destination.

Anas résume les hypothèses de l’approche des choix discrets dérivant le modèle logit multinomial comme suit :

L’utilité de chaque alternative i est spécifiée ainsi :

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U j h est l’utilité perçue pour l’alternative j par le décideur h, [α 1 , α 2 ,..., α j ,..., α k] sont des coefficients d’utilité, message URL Xhjk.gif est la valeur du k ième attribut de l’alternative j pour le décideur h,[ ε 1 , ε 2 ,..., ε j ] est le vecteur stochastique d’utilité, α oj est une contrainte.

Le modèle de choix de maximisation de l’utilité dérive de :

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Le modèle logit multinomial est spécifié lorsque l’on suppose que chaque élément aléatoire est indépendamment et identiquement distribué selon une loi de Weibull.

Il vient que :

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A contrario, l’approche de maximisation de l’entropie à la Wilson n’est pas fondée sur des postulats micro-économiques des comportements mais sur les principes de la théorie de l’information. Anas démontre que cette approche permet d’obtenir in fine la spécification du modèle logit multinomial, sous les hypothèses suivantes :

Anas établit que le problème de minimisation de l’information (ε) (ou de maximisation de l’entropie à la Wilson), correspond au problème de maximisation de vraisemblance du modèle logit multinomial.

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sous contraintes :

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Dans cette formulation, les inconnues sont les probabilités P j h. Nous cherchons la probabilité la plus probable, mais en prenant soin que ces prédictions répliquent les observations agrégées du système. Ces exigences sont imposées dans les contraintes. Par la méthode du Lagrangien, on obtient :

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θ h , λ oj et λ k sont des multiplicateurs de Lagrange, et :

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Les conditions du premier ordre sont :

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A partir de (2-35) :

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en substituant (2-38) dans (2-29) on trouve :

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et en substituant cela dans (2-38), on obtient :

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qui est le modèle logit multinomial identique à celui proposé au début.

Ainsi, Anas montre que le modèle de maximisation de l’utilité aléatoire fondé sur les hypothèses H1-H4, conduisent à des résultats identiques que le modèle de maximisation de l’entropie fondée sur les hypothèses H5-H6. La première approche est comportementale tandis que la dernière est purement informationnelle et statistique, mais le résultat est le même. Et Anas souligne, « this means that analysts who are following Wilson’s paradigm and others following McFadden’s are engaged in precisely the same endeavor, of which they have different - indeed, opposed - views ».

L’équivalence entre ces deux approches est un élément théorique fondamental, dans la mesure où il fournit aux modèles d’interaction spatiale, en général, et aux modèles d’entropie en particulier, la base micro-économique et comportementale qu’ils n’avaient pas.

Le principe d’interaction spatiale, considéré également par Camagni (1996) comme la demande de mobilité et de contacts, donne une mesure du lien transport-urbanisation sans toutefois présumer d’une relation de causalité. Un concept relativement proche est celui de l’accessibilité. Le principe d’accessibilité est à la base de l’organisation interne de l’espace urbain, et procède de la compétition des différentes activités économiques entre elles pour s’assurer les localisations les plus avantageuses (Camagni, 1996).