22. Des mesures de l’accessibilité

L’accessibilité fait l’objet de plusieurs propositions de définition et de mesures. Il existe des variations considérables sur les éléments que l’indicateur peut inclure, et sur la manière dont ils sont mesurés et combinés. Le choix d’une mesure d’accessibilité dépend du type d’application envisagé.

Dans un premier temps, il convient de distinguer les indicateurs d’accessibilité relative de ceux d’accessibilité totale. L’accessibilité relative représente la relation ou le degré de connexion entre deux points, tandis que l’accessibilité totale décrit la relation ou le degré d’interconnexion entre un point donné et tous les autres à l’intérieur d’un ensemble de points dans l’espace. La première est une mesure de l’effort nécessaire pour effectuer un déplacement, tandis que la seconde est une sorte de mesure des opportunités totales de déplacements sous contrainte du système de transport.

Deux approches sont communément utilisées afin de mesurer l’accessibilité. D’une part les mesures de type gravitaire, développées ci-après, et d’autre part, les mesures isochroniques indiquant le nombre d’opportunités qui peuvent être atteintes en un temps ou une distance donnés. Les mesures gravitaires sont souvent préférées car contrairement aux mesures isochroniques, elles considèrent toutes les possibilités finales des déplacements et évitent ainsi l’introduction d’une frontière spatiale subjective et parfois arbitraire.

Puisque la plupart des déplacements sont des moyens pour atteindre un objectif, effectuer une activité, une mesure de l’accessibilité qui reflète la distribution des activités à l’intérieur de la ville semble plus pertinente qu’une mesure qui décrit simplement la facilité de traverser un espace par un système de transport donné, c’est-à-dire un indicateur de temps ou coût de transport.

La mesure de l’accessibilité la plus employée découle de celle proposée par Hansen (1959).

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A partir de cette formule de base peut se décliner un ensemble de mesures. Il est hors de notre propos de présenter l’ensemble de ces mesures disponibles pour chaque problème d’application en planification des transports, mais simplement d’en montrer la diversité. En effet, premièrement, il existe autant de mesures d’accessibilité que de types d’opportunités : emplois totaux, emplois de commerce, emplois tertiaires, activités de loisirs, etc. Deuxièmement, la mesure de la séparation spatiale peut être exprimée de différentes façons : en termes de distance, de temps réel ou perçu, de coût, de temps ou coût généralisé. Du moment où la séparation spatiale est mesurée en temps ou coût de transport, cela implique de considérer les modes de transports utilisés. La mesure de l’accessibilité peut aussi bien considérer un temps ou coût multimodal, indicateur de la performance globale du système de transport urbain, mais également prendre en considération le temps ou coût en automobile, ou en transport collectif, ou encore à pied, etc. Enfin, la fonction de résistance aux déplacements peut être spécifiée de différentes manières. De Crecy (1979) indique que s’il s’agit de la « principale originalité de l’accessibilité, elle en est aussi la difficulté essentielle tant sur le plan théorique de sa signification que sur celui plus pratique de sa formulation. On saisit bien intuitivement le sens de cette fonction : f(c) indique le degré d’accessibilité d’une opportunité située à la distance c de l’usager, ou encore la facilité qu’il ressent pour accéder à cette opportunité. Mais le problème capital est de passer de cette notion intuitive, de cette « facilité ressentie » éminemment dépendante de l’individu et de ses paramètres propres, à une formulation pratique et opérationnelle ». Pour aboutir à cette formulation, cet auteur discerne deux démarches différentes : la première restant basée sur une interprétation intuitive et qui amène à proposer diverses fonctions empiriques, la deuxième se fondant au contraire sur les hypothèses classiques de comportement rationnel de la micro-économie. Nous développerons ce deuxième point dans le paragraphe suivant. Concernant la démarche empirique, la fonction de pondération des opportunités est nécessairement décroissante. En effet, plus une opportunité est proche, plus elle est considérée comme accessible. A distance nulle, l’accessibilité est maximum, à distance infinie, elle est nulle. Les fonctions les plus couramment utilisées sont du type exponentielle négative, ou hyperbolique (en 1/d ou 1/d²). Mais ces fonctions ont l’inconvénient de pondérer très fortement les distances faibles, de décroître très rapidement et de pondérer de manière très faible et uniformement les distances élevées. A contrario, la fonction puissance, qui peut être également employée, conduit à pondérer plus fortement les distances élevées. Certains auteurs ont proposé l’utilisation de courbes de pondération normales (ou du moins la moitié droite d’une courbe normale) qui ont l’avantage de présenter une sorte de « plateau » pour les distances faibles, correspondant aux secteurs considérés comme parfaitement accessibles, puis une partie où la décroissance est rapide, et où les opportunités sont moyennement, ou relativement accessibles, et enfin une dernière partie tendant asymptotiquement vers zéro, où l’accessibilité devient très faible, voire nulle.

La spécification standard proposée par Hansen a été remise en cause par certains auteurs, notamment par Ben-Akiva et Lerman (1979), parce qu’elle évacue toute considération aux personnes intéressées par cette accessibilité, c’est-à-dire les bénéficiaires de l’accessibilité. Avec cette formulation, on considère implicitement que tous les individus de la zone i bénéficient du même niveau d’accessibilité, en niant le fait que les individus peuvent percevoir cet avantage de manière différente selon leurs caractéristiques socio-économiques, le motif du déplacement, etc. En effet, la perception de l’accessibilité varie selon les individus, et une agrégation zonale fournit une base inadéquate pour reproduire des variations entre des circonstances individuelles. En définitive, il n’existe pas un indicateur mais des indicateurs d’accessibilité.