232. Accessibilité, surplus de l’usager et théorie de l’utilité aléatoire

Neuberger (1971) est le premier auteur à avoir reconnu l’association entre les indicateurs d’accessibilité de Hansen et la mesure du surplus spatialisé du consommateur. Par la suite, les travaux de Ben Akiva et Lerman (1979) sur l’accessibilité partent du constat que les mesures d’accessibilité ne sont pas suffisamment fondées sur une théorie explicitement comportementale. Ils proposent alors de considérer une mesure de l’accessibilité qui soit cohérente avec l’application des modèles d’utilité aléatoire aux processus individuels de décision. Cette mesure est l’espérance du maximum d’utilité que le consommateur obtient à partir d’une situation donnée. L’accessibilité est envisagée comme étant le résultat d’une action effectuée à partir d’un ensemble d’alternatives de déplacement. Pour formaliser ce concept, on note l’ensemble des alternatives de déplacement C t, où l’indice t représente l’individu auquel se rapporte l’accessibilité ainsi déterminée. Les attributs de l’ensemble C t sont par définition mutuellement exclusifs et collectivement exhaustifs, et une et seulement une alternative peut être choisie par t dans son processus de décision unique. On suppose que l’individu t associe une utilité à chaque alternative de l’ensemble C t, et que les individus choisissent l’alternative de C t qui maximise leur utilité. Les utilités sont supposées être des variables aléatoires notées U t = (U it ,...,U nt )n est le nombre d’alternatives dans C t. Sous ces hypothèses, Ben-Akiva et Lerman considèrent que l’accessibilité est simplement l’utilité procurée par le choix effectué par l’individu t. L’individu sélectionnant l’alternative qui maximise son utilité, et étant donné que l’utilité est définie comme une variable aléatoire, il vient alors :

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Les auteurs indiquent que, sous un ensemble de restrictions sur la distribution de U t, la valeur espérée du maximum d’utilité peut être considérée comme une mesure du surplus du consommateur.

La notion d’accessibilité est au coeur de l’interaction entre transport et urbanisation. Certains auteurs, comme Martinez (1995), proposent d’interpréter la notion d’accès comme le lien économique entre le système d’occupation des sols et le système de transport. La notion d’accès, au sens plus large que celui d’accessibilité, est envisagée comme un élément qui révèle une connexion économique entre système de transport et système spatial urbain des localisations. L’analyse développée par Martinez fournit une structure pour la modélisation de l’interaction transport et occupation des sols. L’auteur rappelle que si la définition de l’accès a posé des difficultés à de nombreux auteurs, celles-ci sont justifiées par le fait que l’accès est une notion abstraite appartenant à l’intersection de deux sous-systèmes : le transport et les activités, c’est-à-dire mouvement et espace. La notion physique de l’accès tente d’appréhender la relation qui existe entre la localisation spatiale des activités et les difficultés (distance, coût de transport) qui existent pour s’y rendre à partir d’une localisation donnée. Réciproquement, elle tente d’appréhender les difficultés qu’ont les individus à échanger à partir de n’importe quelle localisation. Les déplacements sont effectués dans l’objectif de « prendre contact » ce qui justifie l’importance de la notion d’accès. L’accès peut alors être défini comme l’avantage économique dérivé de l’interaction entre deux activités, qui est l’avantage net obtenu par la prise de contact avec les autres activités moins le coût d’interaction (le coût de transport). La notion d’accès recouvre deux dimensions. La première renvoie à l’accessibilité. C’est l’avantage obtenu par l’individu qui se déplace vers certaines opportunités. Elle est perçue directement par la personne qui se déplace. La seconde est l’attractivité. Il s’agit de l’avantage obtenu en étant visité par d’autres activités. Puisque ces deux mesures représentent des avantages perçus, elles sont décrites par un vecteur plutôt qu’un scalaire. On suppose que H est le nombre de ménages et de firmes et que l’espace est divisé en Z zones homogènes. Alors :

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C’est le vecteur d’accessibilité à partir de la zone i pour l’individu h.

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C’est le vecteur d’attractivité étant donné la localisation de l’individu h en i.

Un déplacement permet d’établir le contact entre au moins deux activités, affectant les deux extrémités de l’interaction. Ainsi, un déplacement génère des avantages (ou coûts). Ces avantages deviennent un surplus de localisation potentiel des activités (ménages ou firmes) qui est pris en considération lorsque les agents font leur choix de localisation. Cette structure fournit donc un lien économique entre transport et localisation des activités. Martinez (1995) propose à partir de cette approche un modèle interactif de transport et de localisation. Ce modèle sera présenté dans le chapitre suivant.

Les deux notions essentielles qui viennent d’être présentées, l’interaction spatiale et l’accessibilité, se retrouvent dans les différents modèles d’urbanisation.