Section 3. Les modèles de simulation des localisations urbaines

Les modèles de prévisions d’occupation des sols ont été développés afin de fournir des prévisions à 10-20 ans des schémas de développement urbain. De façon générale, ces modèles sont apparus dans les années 60 aux Etats-Unis et, avec quelques années de retard en Europe. Ils ont été conçus avec l’appui d’études de transport de grandes villes américaines (Boston, Chicago, Détroit, Los Angeles, Philadelphie, Pittsburgh, San Francisco, etc.). Le principe fondamental de ces modèles est le principe d’interaction spatiale. L’objectif le plus généralement recherché est de fournir un schéma de référence de l’évolution spontanée des grandes villes et d’étudier des variantes en vue de contribuer à la prise des décisions en matière d’utilisation des sols, de zonage, de tracé des grandes infrastructures de transport, etc. Ce sont généralement des modèles de grande taille comportant un nombre élevé d’équations et opérant sur un grand nombre de zones géographiques élémentaires. Tout ceci explique leur coût important et la part prépondérante des frais de collecte statistique et de traitement informatique par la génération des ordinateurs alors en usage. La lourdeur de ces coûts, jointe aux résultats parfois jugés minces de la plupart de ces grands modèles, ont conduit à des controverses à propos de leur pertinence à partir des années 70. Lee (1972) s’est montré très critique dans une étude intitulée Requiem for large scale models. Cependant, la simulation des conséquences des décisions susceptibles d’affecter l’aménagement et le développement d’une ville ou d’une région revêt un grand intérêt pratique. Intégrés aux processus de décisions, comme outils heuristiques, les modèles de simulation jouent un rôle de « métaphores rigoureuses » (Bateson, 1980). « Comme dans les arts et les lettres, le rôle de la métaphore est ici de stimuler l’imagination. La simulation des rapports entre certaines composantes du système fortement intégré qu’est, par exemple, une région métropolitaine, reste un moyen privilégié de connaissance. En particulier, la simulation peut compléter l’intuition et même la remettre en question, en soulevant la possibilité de conséquences contre-intuitives et d’effets pervers » (Villeneuve, Fréchette, 1998).

Selon les auteurs, ces modèles ont des noms différents : Computer simulation models of urban location pour Kain (1987), modèles stratégiques de développement urbain pour Derycke (1982), modèles à espace discret pour Camagni (1996). Diverses typologies de ces modèles ont été proposées. On retrouve ainsi, les modèles de programmation linéaire, les macro-modèles de transport et d’utilisation des sols, les modèles économétriques. Nous ne prétendons pas faire une présentation exhaustive de ces modèles, mais présenter ceux qui ont retenu le plus l’attention. On peut considérer que deux traditions existent en matière de modélisation urbaine. La première remonte à Lowry (1964). Celui-ci fut le premier à tenter de reconstituer à l’aide d’algorithmes programmés sur ordinateur la logique de la répartition des activités au sein de l’espace urbain. Malgré la simplicité de son fonctionnement et son caractère statique, la structure du modèle initial est relativement ambitieuse car elle tente de capter, à un niveau poussé de désagrégation géographique, l’interaction bidirectionnelle entre l’emploi et la population (Villeneuve, Fréchette, 1998). La deuxième tradition remonte à Forrester (1969). Plus abstraite, elle est intrinséquement dynamique et tente d’explorer à long terme l’évolution d’une ville considérée comme un système complexe. Enfin, on peut considérer une troisième ligne de modèle, à savoir les modèles de programmation linéaire et économétrique.