111. La remise en cause de l’approche dichotomique

L’analyse du développement des villes a été une des plus grandes préoccupations des sciences sociales de ce siècle. Wilson souligne que l’enjeu principal était la compréhension des mécanismes d’interaction entre l’occupation des sols et le transport. « The heart of the task is to understand transport/land-use interaction, which are obviously highly complex » (Wilson, 1998). Les relations transport-occupation des sols ne sont pas l’unique clé permettant de comprendre la nature et l’évolution des formes urbaines, mais ont des implications majeures en matière de politiques urbaines. Les investissements en transport sont parmi les investissements publics les plus conséquents. Leurs effets doivent donc être correctement évalués. Cependant, la planification urbaine et la planification des transports ont été menées comme deux disciplines disjointes, subissant le contrôle d’organismes différents et étant alimentées par des approches disciplinaires et/ou théoriques relativement distinctes. En effet, un plan de transport urbain est mis au point en s’appuyant sur certaines hypothèses concernant l’évolution des activités urbaines et plus particulièrement celles de l’emploi et de la population. Ces prévisions ont en général un caractère fixe pendant toute la période prévisionnelle. On ne tient donc pas compte du fait que la construction des infrastructures de transport s’effectue en plusieurs étapes et que pendant ce temps, les activités vont pouvoir se déployer en anticipant sur les avantages résultant de la réalisation du plan. De la même façon, un schéma d’urbanisme va postuler un réseau de transport invariable pendant toute la période de prévision. On ignore ainsi l’impact de l’implantation des activités sur le système de transport, les effets de congestion éventuellement produits par celles-ci et l’action en retour que peuvent avoir les difficultés de circulation sur l’implantation des activités. Considérer isolément la politique d’utilisation du sol et de transport et n’adopter qu’une approche à court terme a conduit à l’élaboration de politiques, qui ont certes parfois permis de gérer les problèmes dans l’urgence et de façon ponctuelle, mais à long terme ont eu des effets aggravants. Du point de vue des approches analytiques, nous l’avons vu, chaque discipline considère l’autre système comme donné. L’analyse de la demande de transport ne se préoccupe pas des choix de localisations qui pourtant conditionnent les schémas spatiaux des déplacements. En revanche, les analyses en matière de localisation, bien que donnant souvent une place centrale au transport, considèrent le système de transport comme exogène et ne le prennent en compte que de manière relativement fruste.