12. Les principales caractéristiques du modèle et les exigences de la recherche de l’opérationalité

121. Les caractéristiques générales

L’évolution du système de déplacements est associée à la conjonction de plusieurs déterminants, ce qui rend complexe la gestion d’un tel système. La mise en évidence de cette complexité et des effets potentiels à long terme ont conduit à redéfinir les politiques de transport vers des orientations stratégiques (cf. chapitre introductif). Ainsi, les politiques de transport doivent être considérées dans le cadre de l’aménagement urbain et de la vie économique : pour élaborer une stratégie globale et cohérente en matière de transport, il convient de tenir compte de toutes les interactions entre l’aménagement urbain, les transports et l’économie qui ont des effets directs sur les déplacements, notamment de celles susceptibles de produire des effets en retour. Cela suppose ainsi de disposer d’outils de planification pouvant intégrer cette dimension globale et stratégique ainsi que les interactions entre système de déplacements et système de localisations.

La prise en compte des effets de long terme dans la définition des politiques de transport apparaît comme indispensable. La réactivité du système urbain doit être prise en considération. Les outils au service de la planification doivent permettre de tester des alternatives de transport sous des hypothèses contrastées de l’évolution du contexte socio-économique. Les résultats attendus ne doivent pas être des prévisions détaillées d’un futur inéluctable mais plutôt des ordres de grandeurs sur les tendances de développement connectées à des hypothèses contrastées et différentes actions de politiques de transport. La prise en compte du long terme porte une incertitude inhérente. Cela justifie que les évaluations quantitatives issues de modèles de long terme soient concernées par des niveaux spatiaux agrégés, c’est-à-dire comprenant peu de zones.

La construction du modèle reprend les grands principes des modèles interactifs présentés dans le chapitre 3. Le principe directeur est le suivant : la répartition spatiale des résidents et des activités urbaines (les générateurs de la mobilité) conditionnent la formation des déplacements. Cette demande se confronte aux conditions de l’offre physique de transport (infrastructures routières, offre de transports collectifs, conditions de compétitivité entre la voiture particulière et les transports collectifs), ce qui conditionnent la répartition modale des déplacements et l’affectation sur le réseau routier. Les temps généralisés de déplacements sont l’expression des conditions dans lesquelles se sont équilibrées l’offre et la demande de transport. Dans une perspective dynamique de long terme, perspective dans laquelle s’inscrit le modèle, les choix de déplacements (identifiés dans le modèle par les étapes de génération, distribution spatiale, répartition modale et affectation) ne sont pas figés. Ils peuvent être remis en cause lorsque les conditions de déplacements, en termes de temps généralisés, viennent à se modifier. La structure itérative en pas à pas (le temps est découpé en pas d'un an) permet d’introduire des « boucles rétroactives » qui expriment ce phénomène. In fine, les modifications des temps généralisés entraînent des variations des conditions d’accessibilité et à long terme des modifications de la répartition spatiale des résidents et des activités.

Le modèle proposé présente une structure modulaire et comporte un module « développement urbain », un module « répartition spatiale de la population résidente et des activités induites » et un module « déplacements ».

La partie « déplacements » définit, à système d’offre de transport donné et à localisation des activités et des résidents donnée, les flux de déplacements pour chaque mode et les temps généralisés de transport. Ce module exprime « l’équilibre » du marché des transports urbains obtenu à travers les sous-modules de génération, distribution, répartition spatiale, affectation. Le module « déplacements » a les caractéristiques suivantes :

  • La demande de déplacements est segmentée en motifs de déplacements. On distingue les motifs résidence - travail, résidence - achat, résidence - loisir, résidence - enseignement (décomposé en trois motifs : enseignement primaire, enseignement secondaire, enseignement supérieur), et les autres motifs (ce dernier ensemble rassemble les déplacements effectués pour d’autres motifs, ainsi que les déplacements secondaires n’ayant pu être rattachés à un motif principal). A partir de cette segmentation la demande est analysée selon un individu moyen par zone. L’hypothèse implicite qui est posée est donc que les individus sont relativement homogènes dans une même zone.

  • Le modèle prend en considération l’ensemble du système de transport, c’est-à-dire les modes privés (en l’occurrence la voiture particulière ; les transports de marchandises n’étant pas considérés) et les modes publics, ainsi que les interactions entre ces modes ;

  • Le modèle présente une description simplifiée du réseau de transport. Sur la base du découpage macroscopique, les facilités de déplacements sont décrites par le biais de capacités routières zone à zone. Ces capacités sont calculées comme la somme des capacités routières reliant les deux zones considérées. Cette description, certes sommaire, permet de mettre l’accent sur les contraintes d’offre.

  • Le modèle a une structure modulaire. Il est composé d’un ensemble de modules décrivant le processus de choix de déplacements. Un premier module permet d’estimer d’une part le taux de mobilité et d’autre part les masses de déplacements émis et attirés par chacune des zones de l’aire d’étude. Un deuxième module distribue ces déplacements entre chaque paire origine-destination. Un troisième module répartit les déplacements entre les modes de transport. Les déplacements effectués en véhicule particulier sont alors transformés en heure de pointe du matin et en unité de véhicule avant d’être affectés sur le réseau routier.

  • Le modèle fonctionne en pas à pas c’est-à-dire que l’on ne projette pas directement la situation à l’année horizon. Le système est déformé progressivement jusqu'à l’horizon du modèle. Ceci permet d’introduire une structure itérative visant à atteindre l’équilibre entre l’offre et la demande de transport. Ainsi, les choix de déplacements ne sont pas figés. Des boucles de rétroactions sont introduites visant à rendre compte de l’effet des modifications des conditions de déplacements sur les choix de déplacements. Ces rétroactions sont distinguées selon leur temporalité. Cette temporalité est en outre différente selon le motif. Alors que pour les déplacements « achats » et « loisirs », les choix de déplacements sont le plus souvent des choix quotidiens, le choix de la destination ou du mode utilisé pour le travail aura dans le temps une portée beaucoup plus considérable. De même, les choix relatifs à la localisation du lieu de résidence seront moins fréquents encore et produiront leurs effets sur une période beaucoup plus longue. Finalement, à chaque niveau temporel (court, moyen, long terme), il apparaît entre les décisions de choix des interactions à la fois : - verticales : le court terme réagissant sur le long terme, - horizontales : dans le cas d’un déplacement « achat », la décision d’effectuer le trajet, le choix du mode et la destination seront interdépendants et simultanés. Dans le présent modèle, seules les interactions verticales sont considérées. Il s’agit des rétroactions suivantes :

  • La rétroaction sur les itinéraires routiers : les modifications des conditions de circulation peuvent conduire les individus à changer d’itinéraire. Cette réactivité est prise en considération par le module d’affectation qui travaille avec contraintes de capacités routières ;

  • La rétroaction sur la répartition modale. Les modifications des conditions de déplacements peuvent conduire à un report modal ;

  • La rétroaction sur la destination des déplacements ;

  • La rétroaction sur les localisations des générateurs de déplacements qui fait appelle au modèle de répartition spatiale de la population et des activités.

La partie « développement urbain » est fondée sur le principe de la théorie de la base économique. Les activités basiques, dont le niveau et la localisation sont exogènes au modèle, conditionnent le développement de la population et des activités induites par le jeu de multiplicateurs.

Jusque-là aucune relation n’explique les localisations des activités ou des individus. C’est au module « répartition spatiale des résidents et des activités » de le faire. La spécification des modules de répartition spatiale de la population résidente et des activités induites est relativement sommaire. Elle vise à mesurer l’impact des facteurs de coûts des déplacements à travers les indicateurs d’accessibilité sur la répartition des résidents et des activités induites.