32. La localisation des résidents

Le but de ce modèle est d’expliquer et de prévoir les résultats des choix des localisations résidentielles des individus sous certaines considérations en termes de variables explicatives telles que les coûts du logement et les coûts de transport.

Tout d’abord, le module de localisation résidentielle doit pouvoir expliquer les choix résidentiels et doit pouvoir être utilisé pour prévoir ce qu’il peut se produire si les circonstances, notamment en matière de transport, changent. Il s’agit d’un modèle qui a une inscription positive. Il se démarque en effet des modèles normatifs de la micro-économie urbaine (Chapitre 2).

Le processus de choix de la localisation résidentielle est complexe. Ce choix est en effet clairement un choix spatial, mais il est influencé également par des facteurs non-spatiaux tels que le revenu et la taille des ménages effectuant ce choix.

En outre, le choix de la localisation résidentielle est un choix interdépendant à d’autres choix. Notamment, certains auteurs ont choisi de développer des modèles qui analysent conjointement le choix de la localisation résidentielle et le choix du mode de transport pour se rendre au travail. Ces deux choix sont en effet interdépendants. Par exemple, les personnes qui vivent loin des arrêts de bus ne choisiront pas de se rendre en bus à leur lieu de travail. D’un autre côté, certaines personnes peuvent délibérément choisir de se localiser près d’un arrêt de bus parce qu’ils désirent aller travailler en bus. Dans ce cas, le choix du mode de transport pour se rendre au travail influence le choix de la localisation résidentielle. Il n’existe pas de sens clair de la relation de causalité d’un choix vers l’autre. La causalité peut fonctionner dans les deux sens simultanément, les choix étant interdépendants.

Le choix de la localisation résidentielle est susceptible d’être influencé par des choix fortement liés tels que le fait d’être propriétaire ou de louer son logement, de vivre dans une maison individuelle ou dans un appartement. Par exemple, la décision de vivre dans une maison individuelle restreint les choix de localisation aux zones où il y a des maisons construites ou des terrains disponibles constructibles et ainsi influence le choix de la localisation résidentielle. Des études ont notamment montré que le désir d’être propriétaire d’une maison individuelle (Andan et alii, 1988) explique en grande partie les choix de localisation des ménages en zone périurbaine, là où le parc est disponible.

Une autre source de complexité est le grand ensemble de variables qui peut influencer ces choix. Le choix de la localisation résidentielle est susceptible d’être influencé non seulement par des facteurs majeurs et aisément identifiables et mesurables tels que les coûts du logement, mais aussi par des facteurs difficiles à quantifier et fortement subjectifs tels que l’apparence, le style architectural du quartier, la possibilité de lier des connaissances. Ces facteurs peuvent être considérés comme des aménités et des externalités sociales.

Enfin, les facteurs déterminants peuvent se modifier parallèlement à l’évolution de la société. Dans de nombreux modèles urbains, le lieu de la localisation du travail constitue le noyau dur du choix de localisation résidentielle. Cependant, sous l’influence de divers déterminants, la localisation du domicile a tendance à se desserer par rapport à celle du travail pour un plus grand nombre de ménages. Andan et alii (1999) avancent que la localisation du domicile du ménage semble de plus en plus indépendante de la localisation du travail, à l’intérieur d’une agglomération. D’une part, tout se passe comme si l’échelle des choix de localisation des entreprises et de l’habitat devenait de plus en plus large. D’un côté, on observe un infléchissement de la politique des entreprises en matière de collecte de main d’oeuvre. La plupart de celles-ci, après avoir pendant longtemps offert à leurs employés à la fois résidence et emploi, puis s’être limitée par la suite à l’organisation de la desserte de leur bassin de main d’oeuvre, ne se préoccupait plus guère aujourd’hui de leur faciliter la proximité entre logement et emploi, dans la mesure où elles savent qu’elles trouveront aisément la main d’oeuvre nécessaire au sein d’un bassin d’emploi qu’elles auront judicieusement choisi. D’un autre côté, la production de logement, affranchie des contraintes de proximité entre emploi et résidence, suit de plus en plus sa propre logique. Les producteurs d’habitat proposent des logements là où les conditions de marché leur sont les plus favorables, tant au niveau de la rente que de la disponibilité des terrains à bâtir. D’autre part, des facteurs liés aux comportements des ménages tels que l’apparition de nouveaux modes de vie confortée par l’élévation générale du niveau de vie, l’accession à la maison individuelle, concourent à renforcer ces relâchements. La résidence est désormais davantage choisie pour ses qualités intrinséques répondant aux nouveaux critères de modes de vie des ménages que pour la proximité au lieu de travail. On constate que les choix de localisation des ménages semblent indépendants des conséquences en termes de distance dans la mesure où, au sein de l’agglomération, l’accessibilité est de moins en moins contraignante dans un contexte où la mobilité est considérablement favorisée par le développement de la voiture qui rend accessible un bien plus grand nombre de lieux qu’auparavant. Cependant, la contrainte de temps de déplacement reste un critère déterminant.

Il n’est, bien sûr, pas possible de traiter toute cette complexité dans un unique modèle. Même si les processus par lesquels les individus effectuent leurs choix de localisation résidentielle sont suffisamment bien compris pour effectuer un traitement possible en principe, un tel modèle serait trop lourd à utiliser et extrêmement coûteux en termes de recueil de données. En outre, notre modèle ne prétend pas à reproduire toute la complexité des choix de localisation résidentielle mais à modéliser l’interaction entre système de transport et système de localisation. La variable « transport » sera donc privilégiée, et l’hypothèse « toutes choses égales par ailleurs » devra être nécessiarement posée. Ainsi, il convient de définir ce qui doit être modélisé (l’objet du modèle) de façon à simplifier suffisamment le problème afin de développer un modèle opérationnel. En d’autres termes, il est nécessaire d’atteindre un compromis entre l’opérationalité et le réalisme. Pour ce faire, il faut poser des hypothèses simplificatrices de façon explicite.

La première hypothèse simplificatrice consiste à ne pas considérer le statut d’occupation du logement (propriétaire ou locataire) et le type de logement (appartement ou maison individuelle). Le modèle ne considère pas non plus le processus de fonctionnement du marché immobilier, et donc apréhende les prix immobiliers comme des données exogènes. Les coûts de transaction liés à la délocalisation ne sont pas non plus explicitement pris en compte. La taille du logement n’est pas non plus considérée.

Le problème du choix résidentielle dans notre modèle se résume au choix d’une zone résidentielle. Nous faisons par ailleurs l’hypothèse que le choix de la localisation résidentielle se situe en amont des autres types de choix et qu’ils conditionnent ces choix. Une hypothèse implicite est également introduite, celle du conditionnement des lieux résidentiels par les lieux de travail.