412. L’évolution de la mobilité quotidienne : le rôle du revenu

Les déterminants du niveau global de la mobilité sont nombreux et variés. On peut mettre en évidence un grand nombre de relations liant la mobilité individuelle, à la taille du ménage auquel appartient l’individu, à la catégorie socio-professionnelle à laquelle il se rattache, à sa localisation dans l’agglomération, à son niveau d’instruction, à son niveau de motorisation. Nous nous situons dans une perspective de modélisation, nous avons pour double objectif de limiter le nombre d’entrées du modèle et de ne conserver que les variables les plus explicatives de la mobilité. En outre, dans le cadre d’un modèle de simulation, il convient de ne retenir que des variables de commande dont l’évolution peut être maîtrisée ou du moins sur lesquelles on peut poser des hypothèses scénariales d’évolution. Il faut noter que la plupart des variables citées sont fortement liées entre elles (revenus et niveau d’instruction, revenus et CSP, etc.). Les phénomènes de multi-colinéarité conduisent également à limiter le nombre de variables afin de ne pas comptabiliser plusieurs fois un même effet. A l’instar des travaux de Bouf (1989) et Tabourin (1989) sur les modèles QUINQUIN, nous avons retenu la variable « revenu » pour le lien étroit qu’elle entretient avec le niveau de la mobilité globale.

Les données des enquêtes ménages de 76 et de 95 nous permettent de caler cette relation36. Nous faisons ici une utilisation diachronique de données synchroniques. Pour affecter une valeur aux paramètres définissant une dépendance entre deux caractères, il est nécessaire de disposer d’une série d’observations simultanées de ces deux caractères, toutes choses étant égales par ailleurs. Une détermination correcte de la fonction de dépendance requiert qu’une variance suffisante ait pu être observée. Il est alors difficile d’utiliser les séries chronologiques qui résultent bien souvent de l’action d’une multitude de facteurs dont il n’est guère possible d’isoler les effets. Pour contourner cette difficulté, on recourt souvent à un artifice qui consiste à exploiter des données obtenues par une coupe transversale de l’univers statistique envisagé et à supposer que les effets d’une variation dans le temps du facteur causal peuvent en être déduits. En d’autres termes, on estime que la variance synchronique du facteur causal rend compte d’une évolution diachronique (Bouf, 1989).

Nous postulons l’existence d’une relation entre la mobilité globale et le revenu des ménages. Cette relation est considérée au niveau de la mobilité tous modes, toutes zones confondues. Une tentative a été effectuée afin d’effectuer une distinction par grande zone géographique dans la mesure où des écarts entre les niveaux moyens de mobilité peuvent être observés (en 1995, centre = 4,55, banlieue = 4,66 et périphérie = 4,77). Cependant, la qualité des données ne nous a pas permis d’obtenir des régressions satisfaisantes.

A partir de l’enquête ménage de 1995, nous obtenons la spécification suivante :

message URL FORM526.gif

avec

Tableau 5-16. Résultats de l’ajustement de la relation Mob=f(R) selon l’enquête ménage de 1995
0,95
R² ajusté 0,95
coefficient 0,42
écart-type du coefficient 0,29×10-2
rapport t 143,23
P[|T|> ;t] 0,0000

Contrairement à la spécification adoptée dans les modèles QUINQUIN, nous avons choisi de ne pas conserver la constante de la régression. Ceci pour plusieurs raisons :

Tableau 5-17. Résultats de l’ajustement de la relation Mob=f(R) selon l’enquête ménage de 1976
0,86
R² ajusté 0,86
coefficient 0,41
écart-type du coefficient 0,54×10-2
rapport t 76,13
P[|T|> ;t] 0,0000
message URL GRAPH501.gif
Graphique 5-1. Stabilité de la dépendance entre mobilité et revenu (régressions de 76 et de 95)

Les résultats de l’analyse économétrique entre mobilité et revenu montre la grande stabilité de cette relation. Les courbes représentatives de la relation estimée à partir de l’enquête ménage de 1976 et celle estimée à partir de l’enquête ménage de 1995 sont très proches. Ceci montre l’invariance de la relation entre mobilité globale et revenu. L’élasticité de la mobilité au revenu est une constante invariante dans le temps, elle s’établit à environ 0,11.

Cette relation permet d’estimer le nombre total de déplacements générés sans distinction de motif. La masse totale des déplacements de personnes s’obtient par la multiplication du coefficient de mobilité quotidienne par la population totale. Ce résultat n’est a priori pas cohérent avec la sommation des déplacements projetés par régressions linéaires dans la mesure où l’on considère des taux de génération constants dans le temps. Une adéquation doit donc être réalisée entre ces deux types de modules. L’analyse de la structure de l’évolution de la mobilité par motif à partir des enquêtes ménages met en évidence que ce sont les déplacements réalisés pour les services, les déplacements pour les loisirs et les autres déplacements qui absorbent le surplus de mobilité. La répartition du surplus de mobilité se réalise comme suit : 20% pour les déplacements réalisés pour les services ; 32% pour les déplacements de loisirs ; et 48% pour les autres déplacements.

message URL FIG503.gif
Figure 5-3. Structure schématique de la génération des déplacements
Notes
36.

L’enquête ménage de 86 ne fournit pas de renseignements sur les revenus des ménages.