2. La démarche adoptée

Afin de pouvoir répondre à la problématique, le modèle élaboré se devait de dépasser la démarche « classique » de la modélisation des transports urbains considérée comme trop statique et surtout n’abordant la causalité transport - urbanisation que dans un sens unique, à savoir celle de urbanisation vers les transports (dans ces modèles, la structure urbaine est une donnée et l’offre de transport n’interagit pas). L’élaboration du modèle s’est alors réalisée en deux temps. Dans un premier temps, différentes pistes théoriques sur les mécanismes d’interactions transport - urbanisation ont été étudiées. Puis, une revue méthodologique des modèles interactifs de transport et d’urbanisation a été proposée. Dans un deuxième temps, après avoir rappelé certains fondements théoriques de l’interaction transport - urbanisation et montré leurs insuffisances par rapport à la problématique posée, une phase d’élaboration d’un modèle interactif opérationnel de simulation des déplacements a été tentée.

Parmi les pistes théoriques sur les mécanismes d’interaction, les apports des modèles de la micro-économie ont été étudiés. Ces modèles se révèlent trop éloignés de la réalité urbaine pour être repris dans le cadre d’un modèle dont la visée est opérationnelle. En outre, il s’agit de modèles d’équilibre, de modèles statiques non adaptés à notre problématique. Néanmoins, la conclusion qualitative fondamentale que dégagent les modèles micro-économiques de localisation, à savoir, la liaison entre coût de transport et rente foncière, demeure fondamentale. La place centrale que ces modèles font jouer au transport et la description des mécanismes de calcul rationnel entrepris par les agents pour le choix de localisation sont des éléments essentiels de l’analyse.

La notion d’accessibilité ne présente pas véritablement une lecture causale des mécanismes d’interaction mais a l’intérêt de fournir une mesure synthétique et spatialisée des conditions de déplacements.

Les modèles d’interaction spatiale donnent une expression formalisée des échanges entre activités étant données les contraintes de transport. Ces modèles demeurent des modèles de représentation et leur pouvoir explicatif des mécanismes à l’oeuvre est faible.

Par ailleurs, si en France le type de modèle proposé dans notre thèse n’a pas été très développé, ces modèles ont été en revanche relativement bien déployés à l’étranger. Cela a donné lieu à une série de modèles visant à expliquer à la fois l’utilisation des sols et des flux de transport et pouvant être calés sur des situations réelles. Certains de ces modèles interactifs de transport et d’urbanisation ont fait leur preuve. Néanmoins, notre démarche n’a pas été d’appliquer une structure de modélisation existante. En effet, aucune ne semblait répondre réellement à notre problématique ou exigeait des données statistiques non disponibles pour estimer les paramètres qu’ils comportent. Néanmoins, le modèle élaboré puise largement dans les principes des modèles existants.

C’est ainsi que la construction du modèle reprend les grands principes des modèles interactifs présentés dans le chapitre 3. Le principe directeur est le suivant : la répartition spatiale des résidents et des activités urbaines (les générateurs de la mobilité) conditionnent la formation des déplacements. Cette demande est confrontée aux conditions de l’offre physique de transport (infrastructures routières, offre de transports collectifs, conditions de compétitivité entre la voiture particulière et les transports collectifs), ce qui interfère avec la répartition modale des déplacements et l’affectation sur le réseau routier. Les temps généralisés de déplacements sont l’expression des conditions dans lesquelles se sont équilibrées l’offre et la demande de transport. Dans une perspective dynamique de long terme, perspective dans laquelle s’inscrit le modèle, les choix de déplacements (identifiés dans le modèle par les étapes de génération, distribution spatiale, répartition modale et affectation) ne sont pas figés. Ils peuvent être remis en cause lorsque les conditions de déplacements, en termes de temps généralisés, viennent à se modifier. La structure itérative en pas à pas (le temps est découpé en pas d'un an) permet d’introduire des « boucles rétroactives » qui expriment ce phénomène. In fine, les modifications des temps généralisés entraînent des variations des conditions d’accessibilité et à long terme des modifications de la répartition spatiale des résidents et des activités. Le modèle proposé présente donc une structure modulaire avec un module « développement urbain », un module « répartition spatiale de la population résidente et des activités induites » et un module « déplacements ».

Le module « déplacements » définit, à système d’offre de transport donné et à localisation des activités et des résidents donnée, les flux de déplacements pour chaque mode et les temps généralisés de transport. Ce module exprime « l’équilibre » du marché des transports urbains obtenu à travers les sous-modules de génération, distribution, répartition spatiale, et affectation.

Le module « développement urbain » est fondé sur le principe de la théorie de la base économique. Les activités basiques, dont le niveau et la localisation sont exogènes au modèle, conditionnent le développement de la population et des activités induites par le jeu de multiplicateurs.

Jusque-là aucune relation n’explique les localisations des activités ou des individus. C’est au module « répartition spatiale des résidents et des activités » de le faire. La spécification des modules de répartition spatiale de la population résidente et des activités induites est relativement sommaire. Elle vise à mesurer l’impact des facteurs de coûts des déplacements à travers les indicateurs d’accessibilité et de coûts immobiliers sur la répartition des résidents et des activités induites.