Introduction

‘La réalité sans l’énergie disloquante de la poésie, qu’est-ce ? 1

Et si la réalité n’existait pas... La question de René Char résonne en effet comme une fausse question, qui paraît moins s’interroger sur un contenu que mettre en doute l’existence même de la réalité. Elle ne va pas cependant jusqu’à postuler son inexistence. Il s’agit d’une véritable question qui établit une distinction et une hiérarchie entre la réalité poétique et celle qui ne l’est pas. Ce n’est qu’à travers la poésie qu’on accède à la réalité, mais à une réalité plus intense, celle que “ l’énergie disloquante ” du poème a créée 2 . Si la réalité existe bien, elle est plus qu’un donné dans la poésie de René Char qui ne la reproduit pas mais la produit. Elle se distingue alors sans nul doute de la réalité des philosophes et de celle des scientifiques. Bouleversée par quelques siècles de philosophie et de sciences, temps de palinodies successives entre le “ je-ne-sais-quoi ” et le “ presque-rien ”, la réalité s’avère plus que jamais diverse et instable, loin de la représentation qu’en donne le sens commun.

Aussi simple et immédiate qu’elle puisse paraître, la réalité résiste à la définition et partage les philosophes. Selon le sens commun, elle est une substance à l’extérieur de nous, et constitue l’objet de notre expérience. La réalité rassemble ce qu’on appelle les choses, elle est ce qui existe, ce qui est. Historiquement, les théories philosophiques réalistes ont pris en compte ce sens commun en considérant le réel comme l’actuel, l’immédiat, ce qui est objet de nos sensations. Mais on sait depuis Descartes que la sensation est maîtresse d’illusions. Les théories idéalistes ont donc placé à l’inverse la réalité dans le domaine des idées, car elles seules sont immuables : la réalité n’est pas sensible mais intelligible, elle est ce qui est jugé réel, et relève ainsi de l’esprit. Le monde devient une apparence, un reflet d’événements comme les ombres dans la caverne antique, et la réalité se confond avec l’essence de ces événements, leur vérité. Du réalisme à l’idéalisme, on est passé d’un univers matériel à une vérité intellectuelle, et dans un ordre bien précis, dont le platonisme reste le meilleur représentant : c’est la vérité qui est première, qui est une condition d’existence du monde. L’idée précède l’objet. Mais ni la réalité phénoménale, dont on fait l’objet des scientifiques, ni la réalité spirituelle des idéalistes ne satisfont notre représentation commune de la réalité. Entre l’idéalisme absolu de Berkeley et la chose en soi de Kant, extérieure à l’esprit et inconnaissable, il y a différents degrés et des infléchissements possibles. Avec Husserl, la phénoménologie, héritière de l’idéalisme, opère précisément un “retour aux choses” que Merleau-Ponty approfondit en analysant les rapports entre le physique et le psychique dans la perception. Il a ainsi mis en évidence le rôle du corps et montré que l’être au monde se saisit de façon synthétique, à travers le concept de chair, qui est une limite entre le sensible et l’intelligible mais aussi un lien. La critique poétique s’enrichit d’ailleurs depuis plusieurs années de la pensée phénoménologique dans la mesure où la poésie a également effectué un retour au monde et à sa représentation 3 . Le sensible a un sens, le monde perçu et le monde conçu ne sont plus désormais saisis dans une irréductible opposition. Si, au XIXème siècle, avec la clôture de la langue sur elle-même, la modernité poétique a clos le poème sur lui-même, une des tendances contemporaines est de l’ouvrir à nouveau au monde. Le sensible revient ainsi comme un moment personnel nécessaire qui, ouvrant l’être au monde, l’étend à l’universel. Longtemps sentie comme n’étant pas accessible au niveau langagier, la perception non seulement accède à la verbalisation, mais elle devient un lieu du sens, et un lieu poétique privilégié de recherche du sens.

Pour le scientifique, qui s’inscrit dans l’héritage de l’idéalisme, la réalité est devenue un objet pour l’esprit. Sa conception de la réalité évolue selon la part qu’il accorde à l’objet perçu ou au sujet percevant. Et contrairement à ce qu’on peut penser, l’histoire scientifique de la réalité n’est pas l’histoire de l’incessante augmentation de l’importance accordée au premier, en vertu d’une exigence d’objectivité, idéal dont le sens commun investit volontiers la recherche scientifique. Il faut se rendre à deux évidences : l’inconnaissable du monde demeure plus que jamais, tandis que la part du sujet percevant prend quant à elle toujours plus d’importance, même scientifiquement. Le monde n’est ni stable, ni permanent. Quand Louis de Broglie montre la dualité scandaleuse de la lumière, à la fois onde et corpuscule, c’est son unité qui disparaît. La théorie de la relativité emporte quant à elle l’idée rassurante d’une permanence puisque le temps n’est pas le même selon qu’une personne se déplace ou reste immobile. Non seulement la réalité n’est plus ce qu’elle était, mais elle est plurielle, et elle varie en fonction des regards qui cherchent à la saisir. Le savoir sur le monde est un ensemble de différentes conceptions qui ne se superposent pas ni ne sont même liées, mais se juxtaposent : les géométries non euclidiennes ont complété la géométrie euclidienne. La connaissance d’un monde qui apparaît marqué à jamais par le discontinu devient approximative. De plus, avec la chute de la maison positiviste, s’est ternie l’idée d’un déterminisme absolu. Enfin le hasard vint, et rejoignit la nécessité par l’aventure de la physique de l’atome. Les relations d’incertitude de Heisenberg montrent que le rapport entre la connaissance de la position d’un atome et la connaissance de sa quantité de mouvement est inversement proportionnel : plus la première est certaine, plus la seconde est incertaine, et c’est sur la constante donnée par le produit de ces incertitudes qu’a pu paradoxalement se fonder l’impression de certitude et de stabilité de la physique classique. L’imprévisible et son envers le probable, développé dans le calcul des probabilités, ont fait leur entrée sur la scène de la description des phénomènes. Mais c’est moins l’observation que le calcul mathématique qui a produit ces réalités. La science est passée de l’induction à la déduction en passant de l’étude des faits à la puissance mathématique, qui non seulement a conquis notre approche de la réalité, mais qui cherche à la prévoir, à la créer en somme. Le XXème siècle connaît un élargissement fabuleux du champ d’investigation, aussi bien dans l’infiniment petit de la mécanique quantique que dans l’infiniment grand de la théorie de la relativité. Mais la prise en compte de ces microcosmes et macrocosmes signe l’entrée dans la science de dimensions uniquement accessibles par la pensée, en dehors de toute perception. La formalisation entraîne l’abstraction galopante de la réalité qui commence à faire peur. Elle dessaisit en effet le sens commun de sa conception du monde, car elle s’en trouve par trop éloignée. Remettant en question l’idée même que l’on a généralement de la science, elle ne l’explique toutefois pas entièrement. Plus grave pour le philosophe Michel Henry, notre civilisation a dissocié le savoir et la culture, le premier s’est développé au détriment de la seconde et des valeurs qui l’habitaient : “ l’explosion scientifique ” s’est accompagnée de la “ ruine de l’homme ” et nous sommes entrés dans la barbarie 4 .

Les réticences de René Char à l’égard du progrès scientifique sont sans nul doute de cet ordre. Cette “ barbarie ”, il la nomme clairement car elle dépossède l’homme de son espace et met en péril sa place et sa mesure à l’échelle de l’univers :

‘Quelle barbarie experte voudra bien de nous demain ? Savoir que ce qui existait avant nous se trouve à présent devant, comme au jardin d’hiver une orchidée saignante, par césarienne.

Entre télescope et microscope, c’est là que nous sommes, en mer des tempêtes, au centre de l’écart, arc-boutés, cruels, opposants, hôtes indésirables.

Echec de la philosophie et de l’art tragique, échec au seul profit de la science-action, la metteuse en œuvre, devenue, la gueuse à son fait-tout, sous ses visages meurtriers et ses travestis, le passeur de notre vie hybridée, affaire triviale.

[...]

Une science autoritaire se détache du groupe de ses soeurs modestes et brocarde le prodige de la vie dont elle tire une monnaie de peur. Toujours l’idée avilissant l’objet. La bête est devenue fabuleuse et spumeuse... 5

C’est bien la terre qui est en jeu, et le “ site ” évoqué par “ Ruine d’Albion ” 6 , cette “ noble écorce terrestre ”, n’est que la sœur de la grotte de Lascaux. L’espace-temps technologique détruit le site heideggerien et fait prévaloir le temps des horloges et des calendriers fustigé par le philosophe allemand. Il efface l’espace-temps des “ Riverains de la Sorgue ” :

‘L’homme de l’espace dont c’est le jour natal sera un milliard de fois moins lumineux et révélera un milliard de fois moins de choses cachées que l’homme granité, reclus et recouché de Lascaux, au dur membre débourbé de la mort. 7

Il s’agit bien pourtant de révéler les “ choses cachées ”, enfouies dans l’espace symbolique de la grotte, mêlées de roc et de boue. “ Débourb[er] ” l’homme de cette indistinction primaire a été plus important pour lui que la conquête de l’espace et la physique quantique. Cette ère était, n’en déplaise au sens commun, moins barbare que la nôtre dans la mesure où l’évolution scientifique s’y est accompagnée d’une évolution culturelle dont l’art pariétal préserve la trace. Le passage du géocentrisme à l’héliocentrisme a également été fatal : “ Newton cassa la mise en scène ” du monde qui était à l’échelle de l’homme. “ Le crépuscule est vent du large ” évoque cette fin d’un monde, qui disparaît avec l’invalidation du système de Ptolémée.

‘Quand nous sommes jeunes, nous possédons l’âme du voyageur. Le soleil de Ptolémée nous fusille lentement. C’est pourquoi deux éclairs au lieu d’un sont nécessaires si la nuit glisse en nous son signet.

Au temps de l’art roman, les écoliers et les oiseaux avaient le même œil rond. Je me posais à côté de l’oiseau. Tous deux nous observions, ressemblants. La serpe composa, la ronce enveloppa le blâme, le piège s’ouvrit. De nouvelles coutumes éduquèrent la terreur.

Dix heures du soir, le moment d’aller dehors, de lever la tête, de fermer les yeux, d’abattre la sentinelle, de la désigner au nouvel occupant du Trapèze.
— Sur sa déclinaison, qu’as-tu distingué dans l’astre que tu as nommé ?
— Des m
illiards, ô miroir dénanti, de figures déjà formées projetant de mettre sur le dos cette terre sans rivale.
— Alors pourquoi ta hâte étrange ?
— Il le faut, nous transférons. La mort, l’éventuel, l’amour, l’étamine liés réchauffent la pelle et le sablonnier.

Grâce à la rigueur des calculs, sont honorés à demeure, sur la barre de bois du Trapèze, cerveaux et corps célestes : Copernic, Galilée, Kepler, Newton. D’un coup d’aile corsaire, Leibniz s’est arraché à l’espace établi, après un regard en arrière, et a posé au large, sur la butte d’un îlot coloré, ses pattes désirantes. 8

Les scientifiques cités ont tous contribué à l’établissement de la conception du monde moderne. Les siècles ont été traversés de ces “ années admirables ” 9 propices au progrès scientifique. Char semble d’ailleurs plus marqué par les progrès scientifiques des XVIème et XVIIème siècles que par leur accélération dans l’époque qui est la sienne. Ces siècles sont avant tout ceux d’un changement de conception de l’homme, qui n’est plus au centre du monde. Dans une autre version de ce poème, Char avait ajouté à la liste des quatre premiers savants le nom d’Einstein, Einstein qui provoqua un bouleversement scientifique, avec des répercussions philosophiques, au moins égal à celui que provoqua Newton en son temps. Mais Einstein disparaît de la liste car ses théories sont aussi à l’origine de la fission de l’uranium. S’il est magicien, il fait partie de ces “ magiciens de l’ombre éblouissante ” 10 dont la part d’ombre l’emporte sur l’éblouissement. C’est lui qui appliqua la théorie des quanta à la lumière, à laquelle fait allusion le “ Quantique ” charien qui, superposant cantique et quanta, évoque la perversité du credo contemporain de la science. La science est entrée dans l’ère de la relativité, mais bien plus qu’on ne croit : si elle ne peut désormais que saisir des relations dans lesquelles est impliquée la réalité, il semble que ce soit l’homme qui est devenu le plus relatif.

“ La fission est en cours ” 11 , mais René Char refuse d’espérer en l’évolution propre de la science. Cependant, si elle a déplacé la réalité du champ de la perception à celui de la spéculation, elle peut trouver ses limites dans l’esprit lui-même, qui reste celui de l’homme : même les formalisations les plus poussées, telle l’axiomatique, sont limitées par l’intuition. Selon André Lichnerowicz 12 , il y a même une imagination et une sensibilité mathématiques qui ne sont pas éloignées de celle de l’artiste, et pour Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, une “ écoute poétique ” de la réalité revient dans le champ de la connaissance. Prigogine et Stengers ont ainsi cherché à rééquilibrer les forces, en précisant, à la fin des années soixante-dix qui marquent aussi la fin de notre corpus, la raison d’être de la science. L’homme qui étudie la réalité ne lui est pas extérieur, il s’inscrit bien dans le monde alors même qu’il l’étudie : “ la science a donc abandonné toute illusion d’“extra-territorialité” théorique ”, et elle doit désormais renoncer à “ l’extra-territorialité culturelle ”. 13 Elle ne peut ignorer une culture avec laquelle seulement prend sens l’idée de communauté humaine. C’est bien le sens de la réalité qui réapparaît, mais il n’a lui-même de sens que pour les hommes. L’idée de sens du monde n’existe pas dans un monde sans hommes.

Dans le siècle où naît et meurt René Char, il n’y a plus une réalité unique parce qu’il n’y a plus un seul regard sur la réalité. Et de même qu’il y a désormais plusieurs regards différents sur la réalité, dont aucun n’est plus vrai que l’autre, il faut compter avec plusieurs réalités différentes. C’est le moyen de connaissance qui, se diversifiant en s’approfondissant, a multiplié l’objet de son étude. Le progrès scientifique actuel ne cherche pas à lever le voile sur le contenu du monde mais, se heurtant semble-t-il à jamais à sa part d’inconnaissable, son progrès est d’avoir montré que la conception du monde est fonction de celui qui le perçoit. L’histoire scientifique de la réalité n’est pas celle de sa découverte, de son explication totale, ou, à défaut, de son infini approfondissement, mais celle d’un glissement : l’intérêt s’est déplacé de l’objet d’étude qu’est la réalité au moyen de connaissance lui-même. Il y a autant de réalités qu’il y a de regards.

Face au regard du philosophe et au regard du scientifique, dans leur pluralité indépassable, comment situer le regard du poète sur la réalité ? On connaît bien la phrase de Saint-John Perse sur l’approche poétique du “ réel absolu ”, où sont convoqués à ce nouveau banquet le philosophe, le savant et le poète, mais on en cite moins le contexte tout entier :

‘[...] l’interrogation est la même qu’ils tiennent sur un même abîme, et seuls leurs modes d’investigation diffèrent.
Quand on mesure le drame de la science moderne découvrant jusque dans l’absolu mathématique ses limites rationnelles ; quand on voit, en physique, deux grandes doctrines maîtresses poser, l’une un principe général de relativité, l’autre un principe “ quantique ” d’incertitude et d’indéterminisme qui imiterait à jamais l’exactitude même des mesures physiques ; quand on a entendu le plus grand novateur scientifique de ce siècle, initiateur de la cosmologie moderne et répondant de la plus vaste synthèse intellectuelle en termes d’équations, invoquer l’intuition au secours de la raison et proclamer que “ l’imagination est le vrai terrain de germination scientifique ”, allant même jusqu'à réclamer pour le savant le bénéfice d’une véritable “ vision artistique ” — n’est-on pas en droit de tenir l’instrument poétique pour aussi légitime que l’instrument logique ?
Au vrai, toute création de l’esprit est d’abord “ poétique ” au sens propre du mot ; et dans l’équivalence des formes sensibles et spirituelles, une même fonction s’exerce, initialement, pour l’entreprise du savant et pour celle du poète. De la pensée discursive ou de l’ellipse poétique, qui va plus loin et de plus loin ? Et de cette nuit originelle où tâtonnent deux aveugles-nés, l’un équipé de l’outillage scientifique, l’autre assisté des seules fulgurations de l’intuition, qui donc plus tôt remonte, et plus chargé de brèves phosphorescence ? La réponse n’importe. Le mystère est commun. Et la grande aventure de l’esprit poétique ne le cède en rien aux ouvertures dramatiques de la science moderne. Des astronomes ont pu s’affoler d’une théorie de l’univers en expansion ; il n’est pas moins d’expansion dans l’univers moral de l’homme — cet univers. Aussi loin que la science recule ses frontières, et sur tout l’arc étendu de ces frontières, on entendra courir encore la meute chasseresse du poète. Car si la poésie n’est pas, comme on l’a dit, “ le réel absolu ”, elle en est bien la plus proche convoitise et la plus proche appréhension, à cette limite extrême de complicité où le réel dans le poème semble s’informer lui-même.
Par la pensée analogique et symbolique, par l’illumination lointaine de l’image médiatrice, et par le jeu de ses correspondances, sur mille chaînes de réactions et d’associations étrangères, par la grâce enfin d’un langage où se transmet le mouvement même de l’Etre, le poète s’investit d’une surréalité qui ne peut être celle de la science. Est-il chez l’homme plus saisissante dialectique et qui de l’homme engage plus ? [...] 14

Le mystère et l’incertitude sont communs au poète et au savant. Ce sont les moyens de connaissance qui diffèrent, et la poésie a sans doute ceci de plus que la science qu’elle engage l’homme. Elle est en outre plus métaphysique que la philosophie. Sans céder à la naïveté qui n’est pas de mise dans un monde technologique prolongé par les mondes industriels et commerciaux, le réel poétique, aussi confidentiel qu’il puisse paraître dans les rayons des libraires, reste une échappée proprement humaine, un contrepoint aussi peu audible qu’il est curieusement persistant.

La réalité poétique se fonde sans nul doute sur l’évidence ontologique d’un monde sensible, mais sur cet irréductible sentiment d’une extériorité à l’esprit se profile la part inconnaissable de la réalité. Si René Char part de cette évidence ontologique de la matière, il en explore également la part énigmatique :

‘[...] Perceur d’immunité, chiromancien de l’estocade, il faut avoir vu l’artiste, au demeurant plein d’effroi, faucher de son épée dessinatrice ou coloriste le trop de réalité de ses modèles, afin de nous indemniser par l’offrande de leur essence. [...] 15

Char décrit la manière du peintre, mais le poète est aussi cet artiste qui dépasse le visible. Il distingue en effet deux réalités, celle des choses, du monde matériel, et celle d’une vérité des choses, qu’il nomme lui-même “ essence ”, ou “ réel ” :

‘[...] ... Le mot passe à travers l’individu, définit un état, illumine une séquence du monde matériel ; propose aussi un autre état. Le poète ne force pas le réel, mais en libère une notion qu’il ne doit point laisser dans sa nudité autoritaire. [...] 16

Différents emplois confirment la distinction de ces deux niveaux et la diversité des façons de les nommer :

‘[...]
De quoi souffres-tu ?
De l’irréel intact dans le réel dévasté. [...] 17

[...] l’altercation ininterrompue avec le réel, celui que nous
dégageons et celui qui s’oppose à nous [...]. 18

Nous avançons devant la haie d’une double réalité ; la première est la plus coûteuse (la vie continuellement allumée et qui monte jusqu'à la fleur), la seconde est supposée nulle puisqu’elle n’a pouvoir que de lentement nous déshabiller et de nous réduire en poudre. L’avantage de la première sur la seconde est de se savoir fiable, de n’être pas aveugle, de mentir comme elle respire, l’enchantement consommé. [...] 19

La mise en parallèle de ces extraits permet de structurer une représentation du monde, en reliant un “ réel dévasté ”, “ qui s’oppose à nous ”, et une réalité “ supposée nulle puisqu’elle n’a pouvoir que de lentement nous déshabiller et de nous réduire en poudre ”, par opposition avec “ l’irréel intact ”, “ que nous dégageons ”, qui est une réalité “ coûteuse (la vie continuellement allumée et qui monte jusqu’à la fleur) ”. Les emplois parfois indifférenciés de réel et réalité sont susceptibles de prêter à confusion. La définition 20 de l’adjectif réel permet toutefois de faire une distinction, entre ce “ qui existe d’une manière autonome, qui n’est pas un produit de la pensée ” et “ qui n’est pas un produit de l’imagination ”. Le terme est dans ce cas synonyme de matériel, physique : il “ appartient à la nature ”. Selon une seconde acception, est réel ce “ qui est conforme à l’essence de la chose ”, et la relation synonymique s’établit avec vrai. Quels que soient les termes employés, c’est bien cette partition que l’on retrouve au cœur de la poétique charienne. Nous nous en tiendrons ainsi à l’emploi que fait René Char de réel et réalité dans le premier aphorisme de Partage formel :

‘L’imagination consiste à expulser de la réalité plusieurs personnes incomplètes pour, mettant à contribution les puissances magiques et subversives du désir, obtenir leur retour sous la forme d’une présence entièrement satisfaisante. C’est alors l’inextinguible réel incréé. 21

Le monde matériel sera désigné par le terme réalité, tandis que réel renverra au monde des essences. Dans une perspective onomasiologique, on rencontre aussi indifféremment, pour signifier les deux niveaux de réel, les lexèmes et syntagmes “ réel extérieur ”, “ monde ”, “ monde matériel ”, “ monde concret ”, “ vie ”... Par rapport aux deux acceptions précédentes, René Char n’est pas toujours cohérent : si les caractérisations “ extérieur ”, “ matériel ” et “ concret ” rattachent nettement certains emplois des lexèmes précités au terme réalité, le substantif nu reste ambivalent sauf pour monde.

Mais cette confusion de la nomination est sans doute liée à une conception dynamique de la partition qui s’opère entre la réalité et le réel, puisque ce ne sont pas deux mondes parallèles imperméables, mais en relation constante, comme en témoigne les termes “ expulsion ” et “ retour ”, ou encore “ surgissement ” :

‘L’accès d’une couche profonde d’émotion et de vision est propice au surgissement du grand réel. 22

René Char part de la réalité, de la matière lorsqu’elle produit un événement sensible, une émotion qui relie la sensation du monde à l’affectivité du poète. “ Le sentiment, comme tu sais, est enfant de la matière ” 23  : c’est dans une circonstance précise, qui est celle d’un choc émotionnel, que le monde matériel laisse entrevoir son essence. La “ connaissance ” de la réalité est “ productive ” 24 puisqu’elle fait surgir le réel. C’est alors à partir de cette perception sensible, de cette “ matière-émotion ” 25 , que se produit une spiritualisation qui correspond à la saisie de l’essence de l’événement : on passe du sensible à l’intelligible. Le terme spiritualisation nous paraît opportun dans la mesure où il est employé par le poète lui-même : “ [...] c’est ainsi qu’en moi se fait un poème : on est d’abord dans une matière absolue, puis tout alchimiquement, se spiritualise ” 26 . Le parallèle alchimique n’est pas anodin. L’alchimie est présente non seulement au début de l’œuvre de René Char, mais également dans les recueils postérieurs. Elle reflète surtout la dynamique poétique qui produit le réel en transformant les éléments de la réalité dont il est issu, ou du moins leur vision. L’écriture reflète alors une tentative : retrouver “ le toucher de cette foudre pythienne ” 27 , l’émotion initiale, et surtout transposer la saisie essentielle qu’elle permet.

Pour transposer la réalité, il faut avoir “ l’audace d’être un instant soi-même la forme accomplie du poème ” 28 . Il faut être au plus près des mots pour être au plus près de la réalité et de l’émotion qu’elle suscite. C’est par une conception dynamique du rapport de la langue au monde qu’on peut espérer comprendre la dynamique de la réalité et celle du poème qui cherche à la saisir. Si le langage est “branché” sur la réalité, selon l’image de Georges Kleiber 29 , c’est la nature de ce branchement qu’il faut préciser, en évitant deux attitudes extrêmes : d’une part, celle de Saussure qui, faisant de la langue une structure, la décrit comme un système autonome qui fonctionne en lui-même, qui n’est pas articulé au monde ; d’autre part, une correspondance trop naïve entre les mots et les choses. Comment un signe peut-il être appliqué à un segment de réalité ? Les éléments du triangle sémiotique sont souvent définis d’une façon trop rapide qui insiste sur leur définition, non sur les rapports qu’ils entretiennent. Le référent est en fait préparé par le signifié. Pour le logicien Frege et le philosophe du langage Strawson, “ le sens contient les indications nécessaires pour exercer la fonction référentielle du signe. C’est un mode de détermination du référent ” 30 . La dynamique repose sur une interaction du sens et de la référence. L’acte de référence s’établit en relation avec deux lieux, d’une part un signifié, d’autre part un objet du monde. Au niveau du signifié, Jean-Claude Milner a mis en évidence l’existence d’une “ référence virtuelle ”, qui est la face externe du signifié, “branchée” sur le monde 31 . Mais nous sommes face au poème, et c’est lui seul qui déploie un univers en construisant la référence sur le sens. L’alchimie du réel charien passe par une “alchimie du verbe” qui signifie pour désigner le monde de la réalité, mais propose aussi un autre sens dans le monde du poème et, si la signification peut échouer à représenter la réalité, le sens 32 propose de toute façon un monde. La parfaite adéquation entre le mot et la chose n’étant qu’une illusion, il y a du jeu entre les deux comme entre les rouages d’un mécanisme, mais ce vide est précisément la forme que prend le réel pour affleurer. La poésie est alors le lieu de la prise en compte de ce vide qui lui-même fait sens, à côté des mots. Le monde appelle les mots à le signifier, mais la marge d’indicible, sa part d’inconnaissable se montre précisément dans cet espace du sens qui peut rester vide de mots. Mais c’est aussi en signifiant la réalité que les mots tendent à dire cet inconnu : du sens même du poème émerge le réel.

Pour découvrir le monde de cette double réalité dans celui du poème, nous nous sommes d’abord attachée à ces points évidents de la référence que sont les noms propres. C’est du nom propre, considéré comme le désignateur par excellence, que nous partirons. Puis nous examinerons la prédétermination du nom, partie du discours jugée la plus référentielle, plus encore si le nom est actualisé dans un syntagme nominal. L’étude des pronoms et de la désignation des personnes, notamment celle de l’énonciateur, nous permettra de sortir du syntagme nominal. Deux figures significatives, la métaphore et la métonymie, établiront le passage du regard à l’objet regardé, puis l’étude des temps verbaux permettra de montrer comment la représentation du réel se structure et prend finalement la forme du poème. Glisser du monde de la réalité au monde du poème, tel est le cheminement qui s’impose et se veut aussi dynamique que l’objet qu’il étudie. S’il a des allures de grammaire, c’est bien d’une grammaire poétique qui voudrait épouser un style et qui s’est façonnée à la mesure même de ce dernier. L’ensemble va ainsi du mot à la phrase et au discours. Mais cette grammaire se crée à la lecture des poèmes. Si elle se double alors d’une petite stylistique charienne, elle prétend cependant éviter une stylistique des petits bouts de textes et des grands inventaires. Elle se situe donc entre attirances et répulsions, bordée d’un côté par les mises en garde d’Henri Meschonnic contre cette stylistique des particules, et attirée de l’autre par la mise en œuvre de la linguistique afin de lire une œuvre littéraire. L’étude stylistique est une pratique qui s’établit dans la bonne proximité et la bonne distance des textes : elle prend le risque d’une lecture rapprochée des poèmes avec le désir de trouver l’unité d’une poétique.

Cinq recueils ont été retenus : La Parole en archipel, Le Nu perdu, La Nuit talismanique qui brillait dans son cercle, Aromates Chasseurs et Chants de la Balandrane. Le choix de nous arrêter sur une période seulement de la poétique charienne s’explique diversement, à la fois par l’œuvre elle-même et par la critique qu’elle a suscitée. Thématiquement, avec La Parole en archipel s’ouvre “ un troisième moment de l’œuvre de René Char, qui s’étendrait des années 1950 à aujourd’hui ” 33 . Après des années de formation et un exercice de la poésie qui atteint sa maturité avec la période solaire des Matinaux, La Parole en Archipel fait passer sur le devant de la scène poétique le temps et la mort. Mais cette unité thématique ressortit peu à notre méthode. Plus significative pour nous est l’évolution formelle de l’œuvre : la distinction nette entre poèmes et aphorismes, tend à s’atténuer à partir de La Parole en archipel. Bruno Gelas remarque que “ […] jusqu’aux Matinaux compris, la plupart de ces fragments réflexifs se démarquent assez nettement de l’autre source d’écriture : on les trouve essentiellement soit dans des liminaires (Arguments, Dédicaces ou “ Mises en garde ”), soit, en cours de recueil, dans des suites qui ont pour caractère d’être numérotées — ce n’était pas encore la mode de l’ordre alphabétique — c’est-à-dire d’afficher un principe de succession tellement externe à leur propos qu’il interdit d’être pris pour principe de continuité, de liaison et de développement raisonné continu […] Avec La Parole en archipel, cependant disparaît ce recours distinctif à la numérotation ; sans doute la différence de propos qu’elle accusait se maintient-elle encore […] mais déjà certaines pièces se révèlent d’une attribution incertaine, à commencer par la “ Lettera amorosa ” initiale, et cette hésitation taxinomique ne cesse de croître dans les recueils suivants ” 34 . Les différents fils formels de l’œuvre se rapprochent. Les aphorismes se regroupent en nombre limité pour prendre la taille d’un poème, ce qui est le cas dans “ Le Risque et le pendule ” 35 , “ Pour renouer ” 36 , les “ Vers aphoristiques ” de La Nuit talismanique qui brillait dans son cercle, ou encore la première partie d’Aromates chasseurs qui regroupe en fait la moitié du recueil… Quant aux poèmes, s’ils ne se fragmentent pas en une suite d’aphorismes, ils sont traversés par des fulgurances qui s’y apparentent. Les deux versants de l’œuvre, méditatif et figuratif, se fréquentent, se rassemblent et se ressemblent, semblent échanger formules et images, ce qui n’est pas nouveau mais s’avère plus diffus dans les recueils considérés, et surtout dans Le Nu perdu. Au-delà de certaines différences, l’unité de l’écriture paraît plus que possible dans ces recueils et si, en amont, elle se forme dans les années cinquante, elle paraît se stabiliser en aval dans les années soixante-dix, cette durée de l’infléchissement d’une écriture n’ayant bien évidemment pas les limites nettes de la chronologie des éditions. Nous nous autorisons donc des emprunts à l’œuvre qui précède et à celle qui suit 37 , et nous tiendrons également compte de quelques textes non repris dans l’édition retenue des recueils choisis, mais qui prennent place dans leur chronologie. Il s’agit ainsi de suivre sur plusieurs années l’évolution d’une écriture, l’affirmation de ce qui en est le principe poétique, et qui trouve précisément, des années cinquante à la fin des années soixante-dix, sa pleine expression.

Quelques études majeures, ponctuelles ou d’ampleur, nous ont également incitée à circonscrire à la fois l’œuvre de René Char et le champ de notre travail. Plusieurs revues, qui ont consacré des numéros spéciaux à l’œuvre de Char, auxquels s’ajoutent des articles disséminés et des monographies, constituent une évidente masse bibliographique. Citons le travail fondateur de Jean-Claude Mathieu qui étudie la naissance d’une écriture dans la première moitié du XXème siècle, de sa “ traversée du surréalisme ” à son passage dans et au-delà de la “ résistance ”. Que bon nombre de critiques s’y réfèrent régulièrement est assez significatif. L’œuvre charienne de la seconde moitié du XXème siècle n’a pas été étudiée de façon aussi systématique, si ce n’est à travers notamment les contributions de Danièle Leclair et Michaël Bishop 38 . C’est sur ce versant du siècle, dans ce champ laissé libre ou presque, que nous voulons “vérifier” ce que plusieurs critiques ont évoqué avant nous et qui nous semble être au cœur de la poétique charienne : “ L’expérience de l’essentiel et l’expérience quotidienne-concrète s’informent mutuellement. La poésie devient une transmutation du réel dans et par le langage. Supprimer un des pôles reviendrait soit à ramener la poésie à un prosaïsme, épousant étroitement les circonstances du vécu, soit à la figer dans l’abstraction [...] ” 39  ; “ l’effort d’abstraction qui dénude l’événement ” permet que “ demeure seulement, au-delà des nuances et des détails, l’essentiel, “l’essentiel intelligible” ” 40  ; la perception “ [...] ne se réduit pas à celle d’une sensibilité ; elle est tout aussitôt abstraction au travers de laquelle le donné immédiat se convertit en une interrogation sur l’être [...] ” 41  ; [...] l’ascension du poème a pour tâche d’assurer le passage de la réalité vécue au “Grand Réel” inextinguible [...] ” 42 .

‘Produis ce que la connaissance veut garder secret, la connaissance aux cent passages. 43

Reste à trouver les cent passages...

Notes
1.

“ Pour un Prométhée saxifrage ”, La Parole en archipel, O. C., p. 399.

2.

“ Nous sommes avertis : hors de la poésie, entre notre pied et la pierre qu’il presse, entre notre regard et le champ parcouru, le monde est nul. La vrai vie, le colosse irrécusable, ne se forme que dans les flancs de la poésie ” (“ Arthur Rimbaud ”, Recherche de la base et du sommet, O. C., p. 730).

3.

Michel Collot (La Poésie moderne et la structure d’horizon, 1989) a saisi la conjonction de la poésie moderne et de la phénoménologie dans la mise au jour de la structure d’horizon. Nicolas Castin (Sens et sensible en poésie moderne et contemporaine, 1998) a poursuivi cette lecture phénoménologique de la poésie en la prolongeant plus nettement dans la production contemporaine.

4.

Michel Henry, La Barbarie, 1987, p. 10.

5.

“ Lombes ”, Aromates chasseurs, O. C., pp. 516-517.

6.

“ Ruine d’Albion ”, Le Nu perdu, O. C., p. 456.

7.

“ Aux riverains de la Sorgue ”, La Parole en archipel, O. C., p. 412.

8.

“ Le crépuscule est vent du large ”, Chants de la Balandrane, O. C., pp. 546-547.

9.

L’expression “ années admirables ” (“ Prévaricateur ”, Chants de la Balandrane, O. C., p. 546) fait référence à l’année 1665, l’année de la grande peste de Londres, l’annus mirabilis, qui permit à Newton de faire des découvertes scientifiques car l’université de Cambridge où il enseignait ferma pour cause d’épidémie.

10.

“ Quantique ”, Fenêtres dormantes et portes sur le toit, O. C., p. 601.

11.

“ Les Apparitions dédaignées ”, Le Nu perdu, O. C., p. 466.

12.

Voir “ Remarques sur les mathématiques et la réalité ”, Logique et connaissance scientifique, Encyclopédie de la Pléiade, 1976, p. 479.

13.

Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, La Nouvelle Alliance, métamorphose de la science, 1986 (1ère éd. 1979), pp. 45-46.

14.

Saint-John Perse, “ Allocution au Banquet Nobel du 10 décembre 1960 ”, Oeuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, pp. 443-444.

15.

“ Mille planches de salut ”, Recherche de la base et du sommet, O. C., p. 700.

16.

“ Impressions anciennes ”, Recherche de la base et du sommet, O. C., p. 743.

17.

“ Rémanence ”, Le Nu perdu, O. C., p. 457.

18.

“ Picasso sous les vent étésiens ”, Fenêtres dormantes et portes sur le toit, O. C., p. 597.

19.

“ Venelles dans l’années 1978 ”, Fenêtres dormantes et portes sur le toit, O. C., p. 607.

20.

Ces éléments de définition sont empruntés au Trésor de la langue française.

21.

“ Partage formel, I ”, Fureur et Mystère, O. C., p. 155.

22.

“ “ Madeleine qui veillait ”, Recherche de la base et du sommet, O. C., p. 665.

23.

“ Le Rempart de brindilles ”, La Parole en archipel, O. C., p. 360.

24.

“ La connaissance productive du Réel... ”, Le Marteau sans maître, O. C., p. 61.

25.

“ Moulin premier IV ”, Le Marteau sans maître, O. C., p. 62.

26.

Entretien avec Edith Mora, Le Monde, 28 mai 1966, p. 11.

27.

“ La Poésie indispensable (Enquête dans les cahiers G.L.M) ”, Recherche de la base et du sommet, O C., p. 741.

28.

“ Moulin premier IV ”, Le Marteau sans maître, O. C., p. 62.

29.

Voir Georges Kleiber, Problèmes de référence. Descriptions définies et noms propres, 1981.

30.

Ducrot Oswald et Tzvetan Todorov, Nouveau dictionnaire des sciences du langage, 1995, p. 305.

31.

“ […] à chaque unité lexicale individuelle est attaché un ensemble de conditions que doit satisfaire un segment de réalité pour pouvoir être la référence d’une séquence où interviendrait crucialement l’unité lexicale en question [...] L’ensemble de conditions caractérisant une unité lexicale est sa référence virtuelle. ” (Jean-Claude Milner, Ordres et raisons de la langue, 1982, p. 10).

32.

Sens et signification sont pris au sens de Benveniste : le premier est sémantique et relève du discours ; la seconde est sémiotique et relève de la langue.

33.

Dominique Fourcade, “ Essai d’introduction ”, L’Herne, p. 40. “ Aujourd’hui ” renvoie au début des années soixante-dix.

34.

Bruno Gelas, “ La place insaisissable. Contradiction et répétition ”, SUD, pp. 76-77.

35.

“ Le Risque et le pendule ”, La Parole en archipel, O. C., pp. 369-370.

36.

“ Pour renouer ”, La Parole en archipel, O. C., p. 370.

37.

Nous n’avons pas retenu Fenêtres dormantes et portes sur le toit, bien que ce recueil soit concomitant avec les Chants de la Balandrane, dans la mesure où il fait une large place à des écrits critiques, écrits sur l’art qui font également la matière essentielle de Recherche de la base et du sommet. Exclure de notre étude ces écrits critiques, ainsi que le théâtre, ne suppose pas qu’ils relèvent d’une autre poétique. Les y inclure aurait simplement donné des dimensions trop vastes à notre travail, avec le risque de nous perdre en chemin... Nous avons préféré réduire le corpus charien, en l’adaptant à notre objet d’étude.

38.

Danièle Leclair, Lecture de René Char. “ Aromates chasseurs ” et “ Chants de la Balandrane ”, 1988, et Michaël Bishop, René Char. Les dernières années, 1990.

39.

Georges Nonnenmacher, Texte et Acte poétiques. Une lecture de “ La Parole en Archipel ” de René Char, Thèse de 3ème cycle, Université Lyon II, 1977.

40.

Jean-Claude Mathieu, La Poésie de René Char ou le sel de la splendeur, II, 1985, p. 247.

41.

Eric Marty, René Char, 1990, p. 26.

42.

Michel Jarrety, “ Sujet éthique, sujet lyrique ”, Figures du sujet lyrique, sous la direction de Dominique Rabaté, 1996, p. 131.

43.

“ A la santé du serpent ”, Fureur et Mystère, O. C., p. 263.